David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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L'ÂME DE FOND





Deuxième cinéaste mexicain à avoir gagné l’Oscar du meilleur réalisateur (pour Birdman, 2014), Alejandro González Iñárritu glane les récompenses depuis son premier film, Amours Chiennes en 2000. A plus de cinquante ans, ce flamboyant artiste a déjà dans sa besace un prix de la mise en scène à Cannes (Babel, 2006, une première pour le cinéma mexicain), la première nomination à l’Oscar du meilleur réalisateur pour un mexicain (Babel), trois nominations aux César, deux prix de la Directors Guild of America (pour Birdman et pour une publicité) et quelques petits prix à Venise.

Issu de la classe moyenne mexicaine, et malgré le manque d’argent, Inarritu a vécu une enfance sans problème. Il devient moussaillon sur un cargo durant son adolescence, voyageant de part et d’autre de l’Océan Atlantique. Quand il ne nettoie pas les sols, il lit, essentiellement des écrivains existentialistes. Cet existentialisme traverse toute son œuvre cinématographique. Il entreprend des études de communication et se met à animer une émission de radio dédiée au rock. A 23 ans, il dirige la station qui l’emploie. La musique est sa première véritable passion, composant des musiques de films pour Victor Manuel Castro et Hernando Name. Curieux, il se met à étudier le théâtre, en tant que comédien, avant de partir aux Etats-Unis pour apprendre à diriger des acteurs.

9 caméras pour un crash

Cette formation peu banale le conduit à l’audiovisuel. En 1990, il créé Zeta films. Inarritu passe derrière la caméra en 1995 avec Detras del Dinero, un moyen métrage avec Miguel Bosé. L’année suivante, il réalise un autre moyen métrage, El Timbre. Mais le cinéaste ne réalisera son premier long métrage qu’en 2000. Avec Amours chiennes, le réalisateur, habitué des rythmes publicitaires, impose sa marque : un montage très étudié (7 mois pour assembler les trois histoires), une narration déconstruite façon puzzle, des tragédies humaines et une multitude de points de vue. Toujours la même histoire : ses personnages subissent un drame (accident ou autre) qui leur sert de déclic pour basculer dans une autre vie, ou changer leur manière de voir la vie. Amours chiennes révèle un acteur mexicain, Gael Garcia Bernal. Ce film coup de poing, à vif, entremêle dans un monde matériel hostile et agressif des sentiments contradictoires et affectifs. Le film, premier opus d’une trilogie sur la mort, semble être une collision permanente entre des êtres qui ont oublié de vivre jusqu’à ce crash qui les fait revenir sur terre. Le cinéaste fouille au fond de leurs tripes et impulse une énergie palpable. Mais on remarque surtout, déjà, le soin apporté à l’image (il a fallu neuf caméras pour filmer l’accident de voitures) et au scénario.

Il faut attendre trois ans avant qu’il ne revienne sur le grand écran. Hollywood le courtise déjà. Pour son deuxième film, Inarritu choisit un drame à la métaphore évidente. Dans 21 grammes, le personnage interprété par Sean Penn (qui lui remettra l’Oscar du meilleur film douze ans plus tard), attend un nouveau cœur alors qu’il n’a plus personne à montre pas cher aimer. Comme d’habitude, d’autres histoires s’entrecroisent, notamment un ex-taulard repenti qui va trouver la foi et une ancienne droguée convertie à une vie conformiste qui va tragiquement mourir, mais pas pour rien. Poignant, le drame explore l’âme de chacun. Et le réalisateur prouve qu’il sait remuer le spectateur, en le secouant d’émotions multiples. Les êtres en perdition dans des lieux anonymes et universel illustrent là encore les questions que se posent le réalisateur : la vie, la mort, de don, la culpabilité, la responsabilité… Blanchett allongée durant presque tout le film

En 2006, Babel continue ce chemin. Le film se (dé)compose en quatre histoires autour du monde, avec, au casting Brad Pitt (qui a préféré ce rôle à la proposition d’intégrer Les infiltrés de Scorsese), Cate Blanchett, Gael Garcia Bernal, Elle Fanning, Rinko Kikuchi… Du Maroc au Japon en passant par le Mexique, c’est un effet papillon qui se produit à partir d’un coup de feu accidentel. Toujours le même ressort. Mais le réalisateur approfondit sa quête existentialiste en essayant de cerner ce qui meut l’humain. Une chose est certaine selon Inarritu, il n’y a aucune certitude et l’existence est fragile. Le réalisateur continue à soigner la forme mais cherche une voie plus romanesque. Comme dans tous ses films, les personnages semblent être des fantômes égarés hors du monde. La vulnérabilité de chacun – ici elle peut-être physique, intellectuelle, sociale, psychologique – apparaît après le fracas produit la réalité. Le discours se noircit aussi. Individualisme, impossibilité à communiquer ou même se lier aux autres, il enferme ses « citoyens » dans une prison sans murs. S’il y a un mot qui définit toute la filmographie du cinéaste c’est « souffrance ».

Elle sera de tous ses films. En 2010, il pose sa caméra à Barcelone pour Biutiful, avec Javier Bardem. Là encore une histoire de mort, d’esprits, de fantômes. Cependant, le film perd de la splendeur des trois précédents, écrits par Guillermo Arriega. Aux tragédies auxquelles il nous a habitué, il rajoute trop d’ingrédients narratifs (tout comme Birdman pèchera par sa surdose visuelle), rendant le récit présomptueux et pompeux, avec une surabondance de clichés. C’est sans aucun doute le film le plus prévisible de sa filmographie, le plus noir aussi tant il n’y a aucune légèreté, mais la maîtrise dont fait preuve Innaritu permet de livrer quelques grandes séquences.

Keaton en slip sur Times Square

Avec Birdman, en 2014, qui lui apporte une consécration américaine, passe aussi à côté de son sujet (la quête d’amour, moteur essentiel pour exister) mais en filme un autre. Il revient aux sources (le théâtre, ses premiers métiers), se lâche sur les citations philosophiques, se complait jusqu’à nous en donner le vertige dans une histoire gigogne qui relie 8 personnages (en quête d’auteur). Birdman retient surtout l’attention par son intention esthétique : un faux plan séquence de près de dix heures (avec seulement deux semaines de montage) pour dénoncer le vide culturel imposé par l’industrie cinématographique et donner un sens à la création, absolue, pure, incorruptible. La souffrance est toujours (très) présente mais elle est plus névrosée, moins physique. C’est le mental qui est fragile. Pour le reste, Inarritu ne fait que reprendre ses thèmes de prédilection, ajoutant un peu plus de politique et ôtant un peu de poétique au fil des films, et confirme l’immense directeur d’acteur qu’il est depuis quinze ans.

Pour une fois, il n’attendra pas trois ou quatre ans avant de tourner. A peine Birdman achevé, il a amorcé le tournage de The Revenant, avec Leonardo DiCaprio et Tom Hardy. Entre chaque film, il reprend son travail de publicitaire (souvent récompensé, que ce soit pour Audi, la FIFA…). Avec Cuaron et Del Toro, ils forment un trio de réalisateurs venus du Mexique et ayant conquis Hollywood. Mais les trois vont bien plus loin en collaborant ensemble. Trois cinémas aux antipodes. Celui d’Inarritu est avant tout une extension de lui-même. Une forme d’autobiographie évolutive, où ses réflexions et sa vie, ses limites, ses vices et ses vertus sont mises en image sur grand écran. Qu’est-ce que la vie, la mort, l’amour, l’art, Dieu, … Mais par delà ces sujets qui traversent les siècles et concernent toute l’humanité, ce qui passionne Inarritu c’est l’intime. En cela Birdman est sans aucun doute le film le plus emblématique (on est à l’intérieur du théâtre ET de l’esprit du metteur en scène). Et cette intimité, il cherche toujours à la sublimer, à la rendre organique, comme on filmerait un miracle.

vincy


 
 
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