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LA BELLE ALLEMANDE
On imagine les jours qui ont suivi la naissance de la petite Diane Heidkrueger, en juillet 1976 à Algermissen (Allemagne). Quelques fées, réunies selon l'usage autour de son berceau, lui firent don de la beauté, de la grâce ou encore de l'élégance. Puis l'une d'entre elles, soucieuse d'équilibrer ces cadeaux de poids, ajouta un zeste de froideur, un rien d'intimidant, un quelque chose d'inaccessible. Elle serait admirée, oui, mais de loin, avec circonspection, comme en permanence figée sur un piédestal trop élevé pour le commun des mortels. Des années plus tard, la prophétie est avérée et se manifeste par une propension à incarner des femmes fantasmées (la beauté glaçante de Mon idole), idéalisées (l'héroïne de Rencontre à Wicker Park) et allégoriques (la belle Hélène de Troie).
Diane veut d'abord devenir danseuse et s'y consacre pendant toute sa jeunesse. A treize ans, elle quitte sa famille et son pays pour entrer au Royal ballet de Londres. Le long chemin vers la carrière de danseuse étoile commence. Las, il s'arrête brutalement : une méchante blessure vient briser tous les rêves de la jeune fille. D'autres se seraient effondrées, Diane rebondit. A seize ans, elle démarre une carrière de mannequin pour l'agence Elite, puis se reconvertit dans l'art dramatique dès 1999 en fréquentant le Cours Florent. La légende veut que Luc Besson, qui l'avait repérée lors du casting pour Le cinquième élément, lui prédise une carrière d'actrice… tout en lui préférant Milla Jovovich. Pas de chance, la charmante Liloo fait une carrière en dents de scie (quelque peu abonnée aux rôles de tueuse de zombies ces dernières années) tandis que Diane séduit rien de moins que la planète entière.
Trop irréelle
Cela commence doucement, avec le film indépendant The Piano player de Jean-Pierre Roux (2002, inédit en salles), où elle est la fille de Denis Hooper. La même année, Guillaume Canet, son compagnon d'alors, lui offre son premier grand rôle à ses côtés dans Mon idole. Elle est Clara, la femme d'un grand producteur de télévision. Glaciale et hautaine, elle surprend par son agressivité et campe l'archétype de la femme sublime et distante pour qui les hommes se damnent sans qu'elle s'en soucie.
Plus anecdotique, mais dans le même ordre d'idée, Cédric Klapisch la voit en call-girl dans Ni pour, ni contre, bien au contraire en 2003. A noter que les réalisateurs s'échinent à lui confier ce type de rôle et qu'elle y excèle, de par sa beauté et son étrange dureté. Trop irréelle pour incarner un personnage de femme comme les autres, elle ne peut être qu'une de ces créatures factices poussées par l'avidité du gain.
Heureusement, Michel Vaillant change un peu cette image sur papier glacé. Louis-Pascal Couvelaire fait de Diane Kruger une pilote automobile qui n'a pas froid aux yeux et la montre comme une grande fille saine dont on peut tomber amoureux sans risquer sa vie. Exit la mante religieuse… mais sa prestation n'a rien de franchement enthousiasmant pour autant. Qu'importe, la consécration est proche.
Eblouissante de fragilité
Car Diane est choisie pour incarner la plus belle femme du monde, la mythique Hélène de Troie. Aux côtés d'Orlando Bloom (Paris) et de Brad Pitt (Achille), elle s'impose comme une actrice d'envergure, capable de partager l'affiche des plus grands. Une fois encore, on exploite sa beauté altière et sa froideur apparente, mais le principal est fait : Hollywood tient sa nouvelle coqueluche. Hormis une apparition amicale chez Gilles Lellouche (Narco, 2004), Diane Kruger ne quitte plus les Etats-Unis. Cela donne deux films inégaux où elle ne change guère de registre : danseuse idéalisée par son petit ami dans Rencontre à Wicker Park, le remake de L'appartement, et scientifique décorative auprès de Nicolas Cage dans Benjamin Gates et le trésor des templiers. Diane y est très bien, mais n'a pas l'occasion d'y prouver grand chose.
Définitivement, la jeune femme peine à trouver le rôle qui lui permettrait de donner libre cours aux différentes facettes de son talent. On l'aime beaucoup en cantatrice utopiste dans Joyeux Noël, mais elle s'enferme une fois encore dans un personnage de rêve, irréel, que les hommes regardent comme une apparition. Seul, dans sa filmographie, Frankie de Fabienne Berthaud lui permet de rompre avec son image. Certes, elle y incarne un mannequin, mais un mannequin usé et désenchanté, lassé par le métier. On la voit enfin au naturel, fatiguée et lasse, le regard perdu dans le vide, la silhouette affaissée. Pour la première fois, elle est éblouissante de fragilité, tout simplement.
Alors, parenthèse magique ou début d'une nouvelle carrière, plus mature et plus convaincante ? Difficile à dire, puisqu'on continue de lui proposer les mêmes scénarios, et elle de les accepter : elle sera prochainement la séduisante assistante de Beethoven pour Agnieszka Holland (Copying Beethoven) et une mystérieuse activiste dans Les brigades du tigre de Jérôme Cornuau. On ne peut qu'espèrer qu'elle saura nous y surprendre…
MpM
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