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Une femme française
vu au nouvel UCG Cité Ciné Bercy, par Vincy
«Cest l'odeur du camp; je ne m'en débarrasserai jamais!
Régis Wargnier est un cinéaste qui aime les grandes épopées, les mélos à rebondissements, les films collection Harlequin avec une forte dose de documentation historique, les oeuvres où les sentiments sont bigger than life.
Et surtout un scénario dont le personnage central est une femme. Une femme avec ses failles, son coeur qui bat, ses désirs qui s'enflamment, ses idées, son instinct maternel... Une femme forte. ce fut Birkin, Blanc, Deneuve, Béart et désormais Bonnaire.
Donc. Si vous n'aimez pas les déchirements de couple, les sauvetages improbables, les destins tourmentés, les sacrifices et la survie des êtres, si vous n'aimez pas les violons et les beaux paysages, les phrases définitives, littéraires et les personnages qui n'existent qu'au cinéma, et bien vous n'aimerez pas Est-Ouest.
Pourtant, il s'agit d'une épopée divertissante, servie par de grands acteurs (jamais Bonnaire n'a été si plaisante à voir), et avantagée par un montage alliant moments graves et suspens haletant.
On retrouve cette esthétique propres aux paysages russes, verts et bruns, gris et froids. Wargnier ne nous éblouit pas autant qu'un Mikhalkov ou comme aux temps d'Indochine, mais on le sent inspiré par son sujet.
Si il bacle un peu le personnage (secondaire) joué par Deneuve (sorte de Signoret un peu clichée, motivée par ses idées de gauche autant que par une certaine solidarité féminine), il dessine très bien ceux de Bonnaire, Menchikov (décidément magnifique) et du jeune Bodrov.
Dans cette prison Russie, dans cette URSS méconnue, les destins croisent la politique, l'Histoire se mêle des vies de chacun. Et l'on sent bien cette opression communiste sur les individus.
Le final est grandement réussi, grâce à son rythme constant, et un scénario qui privilégie l'action. Mais la plus belle scène restera celle où Sacha doit absolument remporter une cométition de natation. Du plongeon (majestueux) jusqu'aux angoisses de Marie, Wargnier filme un bel instant de cinéma.
On reprochera la naïveté idéologique, on critiquera le scénario trop convenu, on s'en voudra d'avoir été séduit par cette eau de rose sur la Mer Noire. Pire, on se dira que des films comme Le Voleur et l'enfant en montrent plus, et le montrent mieux, sur la colocation imposée par le régime soviétique. Mais pour une fois qu'un film français nous fournit des émotions puissantes et riches, on ne va pas bouder notre plaisir...
Buzz
Beau générique pour cette super-production de 70 millions de francs. Mais que de difficultés pour le produire et le tourner.
Wargnier a cumulé les malchances en réalisant son film dans des pays économiquement fragiles comme la Russie et la Bulgarie. Problèmes techniques (matériel, personnel), climatiques (le film a été tourné durant l'automne 98) et psychologiques (les acteurs français se retrouvaient dans un pays inconnu et les russes ne parlaient pas français).
Bonnaire n'a jamais eu le bonheur de connaître un carton public depuis ses aventures avec Pialat et Varda. Et Wargnier sort d'un demi-succès avec sa Femme Française.
Quant à Deneuve, il lui devait bien ce rôle. Indochine est son plus gros hit, et c'est un projet avorté avec la star qui est à l'origine de ce film. Wargnier avait imaginé Deneuve en ambassadeur devant chercher un cheval de race rare en Asie Centrale.
Pour le reste il a engagé la star des films de Mikhalkov, Oleg Menchilkov (Soleil Trompeur, Le Barbier de Sibérie). Celui-ci ne parlait pas français et a donc récité son texte phonétiquement.
Sinon le jeune Serguei Bodrov Jr a commencé en 96, Le prisonnier du Caucase, un film de son père (co-scénariste d'Est-Ouest), aux cotés de Mencholkov, justement. Il a 27 ans, s'est entraîné pendant des mois pour interpréter son rôle de nageur, a joué en français, et entre temps, il est devenu animateur d'un talk-show local très populaire.
Wargnier s'est aidé de 3 scénaristes pour écrire ce film; Louis Gardel, auteur de Fort Saganne (Grand Prix du roman de l'Académie Française), scénariste de Nocturne Indien, Indochine...Sergueï Bodrov qui a écrit des dizaines de scripts pour le cinéma russe et a réalisé des films cille Joueurs de cartesn Le Prisonnier du Caucase...Et Roustam Ibraguimbekov qui a écrit le scénario du plus gros hit local, Le Soleil blanc du désert, avant de co-écvrire avec Nikita Mikhalkov des films comme Urga, Soleil trompeur, Le Barbier de Sibérie ... il fut consultant russe sur le très hollywoodien The Saint.
Est-Ouest devrait séduire les cinéphiles étrangers. Mais sa date de sortie en France, sans l'aide d'un casting très connu, ni les spotlights d'un Festival mondial (même si l'Ouverture de Locarno est un positionnement intéressant), risquent de compromettre son succès. Il faudra compter sur la présidence du festival de Deauville par Régis Wargnier.
Il faudra autre chose que le label Qualité Française pour plaire au grand public.
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