Bizarrement, bien avant " Platoon " ou " Saving Private Ryan ", l'inmontrable, l'insoutenable aura été montré avec ce bain de sang qui dura 4 ans, très tôt.
Dès le départ, romanciers et artistes témoignent des folies de l'homme, et des morts qui les hantent.
En 1932, " Les croix de bois ", adapté de la vie et du roman de Roland Dorgeles, dévoile la laideur de cette guerre. Un film où on sent le vécu du personnage, l'odeur de la mort, la révolte et la vision pathétique d'un monde qui se détruit. On espère encore que ce sera la der des der.
En 32, toujours, Frank Borzage tente une première adaptation du roman d'Hemingway. " A Farewell to arms " (publié en 29) réunit Gary Cooper et Helen Hayes pour une histoire d'amour entre un Lieutenant ambulancier et une infirmière, en Italie. Derrière la romance, un réquisitoire sans appel sur le sens du combat. L'amour plutôt que la guerre.
25 ans plus tard, en 1957, Charles Vidor, reprend la même histoire avec Rock Hudson et Jennifer Jones. Le film est bien meilleur que la première version. Ce n'est pas la première fois que des films réalisés avant la Guerre 1939-1945 ont été refaits par Hollywood.
En 1921, Rudolph Valentino joue dans " The Four Horsemen of the apocalypse ". A partir d'un déchirement familial (deux soeurs argentines mariées l'une à un français, l'autre à un allemand), ce premier grand rôle pour la future star du muet (premier sex symbol du cinéma) est un plaidoyer contre la guerre et ses conséquences. Le film aura son remake en 61, réalisé par Vincente Minelli (avec Charles Boyer et Glenn Ford), qui se déroule, ce coup-ci durant la seconde guerre mondiale.
Alors que le fascisme monte en Italie, que le nazisme frôle le pouvoir en Allemagne, que la crise économique frappe les Etats Unis, la Guerre semble loin. En deux films, le cinéma prouve en 1930 qu'aucune guerre n'est bonne et qu'aucun soldat ne peut être considéré comme héroïque pour ses actes. On doit les deux films sur l'Allemagne à des allemands.
" A l'Ouest rien de nouveau ", réalisé par Lewis Milestone, est l'adaptation du best-seller de l'allemand (de nationalité américaine) Erich Maria Remarque, édité en 1928. Le film récolte l'Oscar du meilleur film et du meilleur réalisateur. Cette vision tragique de la Grande Guerre est doublée d'une critique sur le fanatisme et le bellicisme des militaires.
" Quatre de l'infanterie " a aussi un propos pacifiste. Le film germanique de Georg Wilhelm Pabst se penche délibérément sur le peuple vaincu, les guerriers vus comme des victimes. Ici, c'est un roman d'Ernst Johannsen qui a servi comme point de départ. Il dépeint la vie des soldats allemands, dans les derniers mois de la guerre.
La première Guerre mondiale aura inspiré de nombreuses œuvres ouvertement " anti-guerre ". En 1981, l'Australien Peter Weir prend pour toile de fonds la bataille de " Gallipoli " en Turquie (le pays commet le génocide Arménien en 1915). Deux amis australiens sont envoyés sur ce front (dont l'un est incarné par le jeune Mel Gibson). Ces deux jeunes gens ne sont évidemment pas prêts à affronter des Turcs préparés et offensifs. Brutal. Emotif. Dévastateur.
Jack Gold, en 76, rassemble Malcom McDowell et Christopher Plummer dans " Aces High ", pour exprimer des sentiments assez analogues sur la boucherie qu'est la guerre, et la faible espérance de vie des soldats souvent inexpérimentés.
La première guerre mondiale est un conflit complexe, filmé sous plusieurs angles, avec plusieurs regards.
Car il n'y a pas que l'affrontement entre les grandes puissances autour de la fameuse ligne Maginot. De nombreux autres guerres, civiles ou internationales, seront l'objet de films ayant cette période comme base de leur script. Gallipoli est l'une des batailles les plus notoires. Mais le cinéma a aussi exploité d'autres genres : " Le diable au corps " et " Jules et Jim " (où la guerre fait acte de séparation), " Il est minuit Dr. Schweitzer " (avec Moreau et Fresnay), " For me and my gal " (une comédie musicale avec Gene Kelly et Judy Garland), " Legends of the fall " (avec Brad Pitt et Anthony Hopkins), " Colonel Redl " et " Sunshine " (sur la fin de l'empire austro-hongrois), " Rosa Luxembourg ", " Charlot Soldat ", ou même une séquence de " Twelve Monkeys ". On peut aussi parler de " Reds " (de Warren Beatty), d'après la vie de l'écrivain-journaliste John Reed, plongé dans la révolution d'Octobre en 1917, dans la future URSS. Mais le chef d'œuvre abordant à la fois la fin des colonies, et anticipant les autres conflits du siècle, c'est " Lawrence d'Arabie ", de David Lean. Sans que l'on puisse dire et affirmer qu'il s'agit d'un film sur la Grande Guerre.

C'est en 1937 que sort l'un des plus grands films de l'Histoire du 7ème Art. Cette œuvre magistrale de Jean Renoir prend place dans un camps de prisonniers où deux français ( Gabin en maréchal et Fresnay en haut gradé) tentent continuellement de s'échapper. Mais derrière ces suspens ponctuels de grande évasion, " La Grande Illusion " est avant tout un portrait sur des ennemis et la façon dont ils se haïssent, se respectent, partagent leur angoisses. L'influence de la classe et de la nationalité est une perversion des relations humaines. C'est un film, en quelques sorte utopiste, en tout cas humaniste et surtout universel. Von Stroheim symbolise l'Allemand. Deux ans avant l'explosion de la seconde guerre-mondiale, tandis qu'Hitler a déjà annexé l'Autriche, Renoir ose un film pacifiste et fraternel. La guerre de référence, celle de 14-18, est là comme pour rappeler son horreur. Primé à Venise, dans le pays du fasciste Mussolini, les Allemands en font l'ennemi cinématographique numéro 1.

Vincy