John Howe
Ceux qui auront lu les écrits de JRR Tolkien le savent, rares sont les textes riches d'un tel pouvoir évocateur propre à stimuler l'imagination du lecteur. Les récits initiatiques de l'anglais fourmillent en effet d'innombrables détails minutieux qui rendent tangibles ce qui à priori ne devrait qu'appartenir au domaine flou d'un irréel fantasmé. La bibliographie est passée aujourd'hui à la postérité (plus d'une centaine de millions de lecteurs de par le monde) et certains ne s'en sont toujours pas remis, devenant de véritables gardiens du tombeau (l'œuvre est close, mais reste intemporelle). John Howe est de ceux-ci. Né à Vancouver en 1957, le futur maître de l'illustration féérique développa très tôt un penchant pour s'exprimer par la magie des crayons. Plus qu'une influence, la lecture des livres de Tolkien détermina irrémédiablement l'univers dans lequel l'artiste évoluera, copiant dans un premier temps entre autres les dessins de pointures américaines (Frank Frazetta…) comme bon nombre d'admirateurs adolescents. Marqué par le sceau de l'anneau, la suite de son apprentissage ne l'écartera pas des terres du milieu mais le rapprochera de son berceau, l'Europe (un passage chez Claude Lapointe aux arts décoratifs de Strasbourg et une incursion dans le dessin animé…), l'énergie investie dans son travail restant totalement tournée vers une seule préoccupation, mettre en image les mondes rêvés par Tolkien. Son activité prend une autre ampleur le jour où, honneur suprème, les illustrations qu'il envoie à l'éditeur anglais Harper & Collins sont retenues pour orner les jaquettes des tirages maison des romans de Tolkien, mais aussi du sacro saint calendrier imprimé en produit dérivé. Aussi, si l'heroïc fantasy and co est désormais une discipline qui a engendré beaucoup de prétendants dans le milieu de l'image, John Howe a acquis une renommée et une crédibilité qui le rendent respectable aux yeux des aficionados des hobbits.
Pas étonnant qu'un autre créateur, lui aussi séduit par la trilogie de l'anneau, se sente un peu contraint de faire appel à lui pour plancher sur les croquis de son adaptation filmographique. Propulsé donc par Peter Jackson artiste conceptuel aux côtés d'Alan Lee, John Howe séjournera deux ans en Nouvelle Zélande où il accumulera un nombre impressionnant de croquis, donnant les orientations majeures du design des accessoires et des décors de la féérique fresque produite par New Line. Une consécration, on serait presque tenter de dire un achèvement.
L'exposition qui se tient du 10 décembre 2002 au 11 janvier 2003 au Centre culturel canadien (5, rue de Constantine, 75007 Paris) est en tout cas une bonne façon de constater que John Howe n'a pas épuisé son inspiration le tournage des films bouclés. A peine a t-il rejoint sa contrée d'accueil, la Suisse où il s'est établi à Neuchatel depuis quelque temps déjà avec sa femme (qui partage la même passion pour l'illustration) et son fils, que l'artiste s'est engagé dans l'accomplissement de nouvelles fresques figuratives autour de la célèbre saga. Le dessinateur nourrirait-il certaines tendances à l'obsession? L'homme n'est pas pour autant coupé de son époque, malgré son goût certain pour les vieilles pierres, le Moyen-âge… Il trouve juste dans ces visions fantastiques, ces mythes souvent trop déconsidérés, certaines valeurs essentielles qu'il lui semble pertinent de représenter dans notre quotidien un peu chahuté par des intérets et des philosophies abscons. Aussi malicieusement il souligne qu'aujourd'hui il faudrait presque faire appel à un avocat dés lors qu'on entreprend de créer une pièce inédite. Concerné par l'actualité donc, mais pas trop à l'aise en société. Son terrain de prédilection restant son art.
Mariant, par la grâce de l'encre, créatures et végétaux aux divers éléments naturels avec une dextérité frisant la méticulosité, John Howe nous émerveille à travers ses tableaux. Loin de rabaisser par la représentation l'élan suggestif de Tolkien, le créateur ouvre des portes qui invitent ardemment à se replonger dans cet univers chimérique qui semble à la fois proche de nous et hors de notre portée.
PETSSSsss-