"Il était une fois, il y a bien longtemps, un loup très méchant ..Il était si cruel qu'il dévorait plus de bergers qu'il ne pouvait en digérer".
Racontée aux enfants, cette histoire pourrait commencer ainsi, perdue dans un gros recueil des contes de Grimm
qu'affectionnent tant les grand-mères, prenant plaisir à faire frissonner leurs petits-enfants aux portes du sommeilŠ
Pourtant, toute légende contient son fond de vérité, et dans le cas de la "Bête", la réalité est autrement plus effrayante.
La série de meurtres sanglants débute quelque peu avant la Révolution Française, en juin 1764, lorsqu'une malheureuse
vachère échappe de justesse à l'attaque d'un animal affamé pendant qu'elle fait paître son troupeau sur un haut plateau de
la région du Gévaudan. La description qu'elle fera de la bête tient plus du monstre de cauchemar que d'un quelconque
loup comme il est coutume d'en croiser sur ces terres à l'époque. D'après la jeune femme, "Il" est plus grand qu'un loup,
avec une tête énorme, une raie noire qui lui court sur le dos, et une queue étrangement longue et touffue. Ce sera le début
d'une effroyable tuerie qui fera près de 130 victimes en trois ans.
Ainsi débute la légende du Gévaudan qui intrigue encore aujourd'hui les historiens comme les zoologues.
Suivront alors des dizaines d'attaques, aussi régulières que répétitives, se concentrant exclusivement sur des femmes ou
de jeunes enfants, comme si l'animal choisissait ses proies en fonction de leur vulnérabilité. La peur gagna très vite toute la
région et les autorités locales préconisèrent de ne plus laisser femmes et enfants seuls et isolés. Pourtant, le 6 septembre
1764, une jeune paysanne sert de repas à la bête alors qu'elle se trouvait dans son propre jardin.
Dès lors, les battues incessantes organisées par les gens de la région (notamment le comte de Morangias) ne suffisent plus
à enrayer la crainte des habitants, et la rumeur étant montée aux oreilles du roi, une escadre de soldats à cheval fut
envoyée pour tuer la bête et la ramener au Palais. Malheureusement, l'entreprise n'eut pas le succès escompté, pas plus
d'ailleurs que celle des Denneval, les deux plus célèbres louvetiers du royaume.
Les interprétations que l'on fit alors de la bête dépassèrent l'entendement : elle devait être un loup-garou, un ours, ou alors
un grand singe évadé d'un cirque, voire même, pour les plus imaginatifs, un extra-terrestre.
Le 31 décembre 1764, l'Evêque de Mende évoquera le "Châtiment Divin" contre la région, dans laquelle cet animal aurait
été envoyé pour punir les humains, ces misérables pêcheurs.
Le roi est quant à lui exaspéré par ces rumeurs de complot organisé contre lui, lequel serait dirigé dans l'espoir de
remettre en question son autorité et sa capacité à gouverner efficacement. Il envoie alors son propre lieutenant de chasse,
Antoine de Beauternes, sur les lieux du carnage. Celui-ci va abattre un loup énorme, le fera empailler et le ramènera à la
cour de Versailles.
Mais la tuerie se poursuit inexorablement.
Ce n'est qu'en juin 1767 que Jean de Chastel, un homme de la région, tire et tue un autre loup. Il proclame pourtant avoir
tué la bête du Gévaudan. Effectivement, à partir de cette date, plus aucune victime ne sera dénombrée par les attaques du
monstre.
Pourtant, d'après des recherches topographiques récentes sur les lieux et les dates des meurtres, les spécialistes
s'accordent à penser qu'il ne peut pas s'agir d'un loup en raison des trop grandes distances à parcourir entre chaque
endroit.
Richard Nolane, dans son traité des créatures clandestines, affirme également qu'un loup solitaire n'attaquera jamais
l'homme, sinon en cas de famine, et que surtout, jamais un loup n'a décapité sa proie comme le furent de nombreuses
victimes.
D'après ce spécialiste, il n'y aurait qu'un pas à franchir pour affirmer qu'un homme serait responsable de ces massacres,
comme un psychopathe dissimulé sous une peau de loup.
Les conflits de religions expliqueraient peut-être le mobile d'un tel carnage, puisque toutes les victimes étaient catholiques
dans une région où les tensions entre Catholiques et Protestants étaient importantes.
Néanmoins, aucune preuve indiscutable n'est jamais venue éclaircir le mystère de la Bête du Gévaudan, et le mythe,
ravivé aujourd'hui au cinéma, ne manquera sans doute pas d'effrayer le promeneur solitaire au détour des chemins de
cette région sauvage qu'est le Gévaudan.