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| Rédaction: Romain (C) Ecran Noir 96-01 | |
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Christophe Gans : Portrait d'un réalisateur aussi méconnu qu'incontournable /...
Un film sous influences
Outre le petit joyaux formel qu'est Le Pacte des Loups, c'est avant tout l'oeuvre unique mais habitée d'un réalisateur qui
aborde le cinéma comme d'autres leur repas quotidien. Autant dire un moyen de subsister. Ce cinéphile boulimique se
nourrit du "cinéma des autres" au point de se réapproprier un projet original (le scénario de Stéphane Cabel) pour rendre
hommage aux films dont il s'est abreuvé depuis l'enfance. Ne nous y trompons pas, ces références, plus ou moins
explicites qui peuplent Le Pacte au détour de chaque séquence, "sont" le film, l'essence même par laquelle il vit et ainsi
par laquelle il fonctionne. Fort d'une unité aussi complexe que fluide, Christophe Gans évite la surenchère gratuite et
fumeuse d'hommages répétés par manque d'imagination et, au contraire, nous livre un film d'une exceptionnelle cohérence
puisque le choix de ses références se fixe toujours sur une catégorie de films d'un genre chevaleresque.
Intelligemment subtilisées, ces références ne rentrent pas dans le cadre d'une mise en scène rigoureusement identique.
C'est-à-dire que Gans ne tente jamais de plagier une scène déjà existante, puisant plutôt en lui les influences certaines qui
transforment chaque séquence en en amalgame habile et subtil des grands films qui l'ont marqué.
C'est dans sa construction narrative que Le Pacte pourrait éventuellement se trouver un frère d'arme en l'oeuvre de
Chang Cheh : La Rage du Tigre.
Les parallèles évidents entre les deux films (deux chevaliers affrontent le cruel détenteur d'un fléau qu'ils vont vaincre
grâce à une épée aux pouvoirs magiques) se sont développés durant l'écriture même du scénario (ou plutôt la réécriture)
jusqu'à se rapprocher de la structure de La Rage du Tigre.
Le reste ne résulte que des désirs enfouis de mettre en avant scène l'esprit du cinéma de genre, aussi large soit-il, voire
même d'autres vecteurs d'images méprisés ou sous-estimés comme la bande dessinée et les jeux vidéo.
Gans est devenu réalisateur pour avoir le plaisir de mettre en image ce film idéal, condensé puissant des rêves de gamins
qui peuplent son esprit, comme une ultime marque de respect envers les créateurs des mondes dans lesquels il vit à
travers l'écran. C'est en cela que Gans n'est pas, et ne sera jamais qu'un "réalisateur", c'est avant tout un passionné du 7e
Art, toujours plus proche du spectateur que de l'auteur, et qui, en captif amoureux, ne disposera jamais entièrement de la
propriété de ses films, sinon aux travers de centaines d'autres.
Parmi ceux-ci, et pour n'en citer que quelques uns, le cinéphile attentif s'amusera à retrouver les influences issues
d'oeuvres comme Le Corps et le Fouet du réalisateur Italien Mario Bava, The Blade de l'idole Tsui Hark, Django de
Sergio Corbucci, Le chien de Baskerville de Fisher, les ambiances des westerns spaghettis de Leone, les mimiques d'un
Bruce Lee, ou encore les dialogues délicieusement enrobés d'Angélique Marquise des Anges.
Les plus jeunes, qui n'ont pas l'oeil moins avisé pour autant, sauront reconnaître une scène directement puisée dans le jeu
vidéo SoulCalibur, ou d'autres allusions dans les mouvements de caméra à Turok ou Final Fantasy.
La bande dessinée n'est pas en reste puisqu'elle a contribué aussi lourdement que le cinéma à former le jeune Christophe
Gans aux joies de l'image. L'influence des Mangas japonais, dans leur notion du cadre et du mouvement, se retrouve
également dans Le Pacte, qui, bien que moins proche du style de Crying Freeman (pourtant tiré lui-même d'un manga)
explose néanmoins en efficacité proche de dessins animés comme Princesse Mononoké ou Jin Roh.
Au final, Le Pacte des Loups s'apparente à une espèce d'OVNI cinématographique, nageant constamment entre les eaux
troubles des genres, du film d'époque au prototype d'un nouveau cinéma, maniant le second degré avec raffinement et
exploitant les scènes de combats épiques dans un traitement résolument moderne.
Christophe Gans réussit avec succès, et même en dépassant toutes les espérances, une revisitation très personnelle et
massivement influencée de la renaissance d'un grand cinéma à spectacle français. |
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