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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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TFM
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Production : Film Colony, Miramax Distribution : TFM Réalisation : Marc Forster Scénario : David Magee, d'après la pièce de Alan Knee Montage : Matt Chesse Photo : Roberto Schaeffer Décors : Gemma Jackson Musique : Jan A.P. Kaczmarek, chanson : Elton John Directeur artistique : Peter Russell Durée : 101 mn
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Johnny Depp : Sir James Matthew Barrie
Kate Winslet : Sylvia Llewelyn Davies
Julie Christie : Mrs. Emma du Maurier
Radha Mitchell : Mary Ansell Barrie
Dustin Hoffman : Charles Frohman
Freddie Highmore : Peter
Joe Prospero : Jack
Kelly macDonald : Peter Pan
Ian Hart : Sir Arthur Conan Doyle
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Finding Neverland (Neverland)
USA / 2004
23.02.05
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Il était une fois une course aux Statuettes...
Miramax, studio en phase de divorce avec Disney, aura marqué les dix dernières années en devenant les champions du marketing, avec un seul objectif : un nombre record de statuettes (Oscars). Malgré la médiocrité ou le classicisme de la plupart de leurs productions maisons (Miramax est par ailleurs un distributeurs de films art et essai étrangers), ils parviennent à leurs fins. Or l'Académie des Oscars, c'est quoi? 70% de 5500 privilégiés qui ont plus de 50 ans. Une importante proportion de mâles. Bref des pré-retraités ou des retraités grisonnants. On leur a ainsi vendu que Shakespeare in Love pouvait être le meilleur film de l'année, comme Chocolat pouvait avoir les honneurs d'une nomination au titre de meilleur film. Dans les deux cas, c'est évidemment usurpé.
Finding Neverland n'échappe pas à la règle. Ce film consensuel, formaté (lire critique), a reçu 7 nominations aux Oscars, aucune n'étant méritées. Parmi elles, le film concoure pour le titre du meilleur film, du meilleur acteur et du meilleur scénario. Les Golden Globes avaient eu le réflexe supplémentaire de nommer le réalisateur. En fait, Neverland, primé à Venise (avec un lot de consolation), a reçu les honneurs du National Board of Review en décembre, organisme réunissant des critiques conservateurs. Meilleur film de l'année, Miramax lui ouvrait un boulevard en en faisant un favori. Du coup, les regroupements des acteurs, des réalisateurs et des producteurs l'ont aussi choisi pour le citer parmi les meilleurs des meilleurs. On croit rêver.
Où Barrie doit affronter Ray Charles et Howard Hugues...
Marc Forster peut remercier Paul J. Hogan d'avoir sorti son Peter Pan en 2003. Sinon le "biopic" (film biographique, genre grandement à la mode) se serait fait écraser par Le Seigneur des Anneaux l'an dernier. Cela fait un an et demi que le film dort sur les étagères. Sombre histoire de droits entre les deux versions. Peter Pan, la pièce de J.M. Barrie, dont Neverland retrace la vie, a eu le droit à de multiples versions cinéma et télévisées, les plus connues étant celles de Walt Disney et le Hook de Steven Spielberg. Dans ce dernier film, qui croisait la pièce avec le syndrome du même nom, on y voyait Dustin Hoffman en Capitaine Crochet. Ici, l'acteur incarne le producteur des oeuvres de Barrie. Il a accepté le rôle (après avoir fait celui de critique de théâtre dans Les désastreuses aventures des Orphelins Beaudelaire) juste pour le plaisir de jouer avec Johnny Depp et malgré une blessure au doigt (le contraignant à des piqûres de morphine). Depp hérite ainsi d'une seconde nomination aux Oscars, un an après son interprétation loufoque de pirates dans le hit Pirates des Caraïbes. Il reprend le déguisement le temps d'une séquence... On est quand même loin de Gilliam, Kusturica et autres Burton dans sa filmographie.
D'autant que le film prend de sérieuses libertés avec l'histoire réelle. Adapté du roman "The Man Who Was Peter Pan", d'Allan Knee, le scénario se base sur des échanges imaginaires entre James M. Barrie et les enfants Llewelyn Davies . "Ce scénario n'est pas directement inspiré des événements qui entourèrent l'écriture de Peter Pan" confie le scénariste David Magee. Pourtant on retrouve ici des personnages qui ont vraiment existé. A commencer par le producteur de théâtre américain, Charles Frohman, surnommé "Le Napoléon de Broadway" : il collabora avec Oscar Wilde, Somerset Maugham et on lui doit le succès de Peter Pan aux USA. La star de Titanic, nommée à l'Oscar pour son rôle dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind cette année, Kate Winslet (qui joua Wendy sur scène quand elle avait 15 ans) incarne Sylvia Llewelyn Davies, amie très proche de l'auteur. Enfin Radha Mitchell, vue récemment dans Melinda et Melinda (elle jouait les deux Melinda de Woody Allen), joue l'épouse délaissée.
La vraie histoire de Peter Pan
Pourtant derrière cet allure de vérité, il y a des rectifications à établir : Peter Pan fut créé en 1904, à Londres, avec une fille dans le rôle de Peter (ce que le film a respecté). Il rencontra la famille Llewelyn Davies vers 1998. A l'époque les deux plus jeunes garçons, Michael et Nicholas n'étaient pas encore nés (1900 et 1903). Si dans le film nous voyons 5 gamins tous au dessus de 3 ans, dans la réalité, le plus vieux, George, n'avait que 5 ans lorsqu'il vit Barrie la première fois. Le fameux Peter n'avait qu'un an. Cela explique pourquoi il n'y a que trois enfants dans la pièce. A cela s'ajoute qu'Arthur Llewelyn Davies, le papa de la famille, n'est pas mort avant la rencontre entre Sylvia et James M. Barrie. Le couple Llewelyn Davies a même assisté à la première londonnienne de Peter Pan. L'auteur Barrie a fait la connaissance de la mère après avoir rencontré les garçons et leur nounou, Mary Hodgson dans les jardins de Kensington. Sylvia était la fille du romancier et artiste Georges Du Maurier, ce qui peut expliquer son faible respect des conventions. C'est d'ailleurs le frère de Sylvia, Gérald Du Maurier, qui interpréta le premier Capitaine Crochet. Elle perdit son mari en 1907. Soit trois ans après le lever de rideau. Elle-même fut emportée par un cancer en 1910. On est loin de la coïncidence dramatique des événements du film. En revanche, c'est bien Barrie qui devint le tuteur officieux de ces garçons "perdus" - âgés de 7 à 17 ans. Ce qui combla sa paternité contrariée. Mais la malédiction se perpétua : Michael, le favori de l'auteur, se noya en 1921, Georges, l'aîné, fut tué sur le front en 1915, Jack disparu prématurément en 1959 et Peter, qui ne supporta jamais son homonymie avec le personnage, se suicida en 1960. L'Ecossais Sir James M. Barrie était mort depuis 1937, à 77 ans.
Quand James M. Barrie était nain et moche...
Hanté par la mort de son frère aîné, David, 13 ans, James, 6 ans, va sans doute songer à lui en créant un sauveur d'orphelins et d'enfants morts-nés, un ado qui refuse de grandir. A 13 ans, James découvre littéralement que "rien de vraiment intéressant ne nous arrive après douze ans". Il continue de jouer comme un gamin, s'invente des mondes imaginaires pour prolonger sa propre innocence. Barrie refuse de grandir : 1m50 seulement. Et une tête volumineuse. Timide, maladroit, pas très beau (tout le contraire d'un Johnny Depp), les filles ne s'intéressent pas à lui. Il se renferme sur lui-même, se sent désespérément seul et commence à écrire. Il avoue qu'il n'aurait pas tant écrit s'il avait été un homme à femmes. Mais celles-ci le rejettent. Il débutera son travail de chroniqueur en 1982, à 22 ans. 6 ans plus tard, il publie son premier roman. Très vite son écriture plaît et séduit les plus grands auteurs de l'époque victorienne, alors que Londres est la capitale du monde. Ironique et parodique, son travail ne se prend jamais au sérieux.
En 1894 il se marie avec Mary Ansell, comédienne dont il est tombé amoureux deux ans plus tôt. Elle décrira leur lune de miel comme un choc. Elle écrira : "La tragédie de J.M. c'est qu'il se savait incapable d'être un homme, et de vivre l'amour au plein sens du mot." Et son oeuvre le confirme : il est incapable d'écrire un bon roman d'amour ou pour adultes, alors que l'enfance l'inspire magnifiquement. Son mariage est un fiasco. Il se sent petit garçon, et "les petits garçons ne peuvent aimer." Il ne se sépareront qu'en 1909, soit 5 ans après la première de la pièce (dans le film, la séparation est antérieure).
A tous ces dysfonctionnement biographiques et chronologiques, il faut noter que Peter Pan a tout de suite été un véritable succès, malgré l'ampleur de la production (avec animaux, cascades...). Ce film, de 25 millions de $, a déjà rapporté 75 millions de $ dans le monde. Tous les spectateurs désormais croiront que le créateur du personnage le plus populaire des enfants du monde entier aura les traits du joli Johnny. Peu importe donc la vérité historique? Pas sûr. Ray et The Aviator, plus respectueux, devraient gagner quelques Oscars. Neverland n'en trouvera sûrement aucun sur sa piste aux étoiles... vincy
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