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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Warner Bros.
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Production : Warner Bros, Tim Burton Animation, Will Vinton Studios Distribution : Warner Bros. Réalisation : Tim Burton, Mike Johnson Scénario : John August, Pamela Pettler, Caroline Thompson Montage : Jonathan Lucas, Chris Lebenzon Photo : Pete Kozachik Décors : Alex McDowell Musique : Danny Elfman Effets spéciaux : The Moving Picture Company Directeur artistique : Nelson Lowry Durée : 77 mn
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Tim Burton's Corpse Bride (Les noces funèbres) (Les Noces Funèbres de Tim Burton)
USA / 2005
19.10.05
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Il y a les films de commande et les créations plus "perso". Spielberg et Burton se sont affrontés cet été avec deux blockbusters, l'un pour les ados, l'autre pour les familles. Match nul entre Cruise (le n°1 des acteurs pour le n°1 des cinéastes) et Depp (la plus marginale des stars hollywoodiennes pour le plus marginal des auteurs vedettes du système). En dollars léger avantage à la Guerre des mondes (587 millions) sur Charlie et la chocolaterie (438 millions). Respectivement deuxième et quatrième du box office mondial en attendant les invasions d'Harry Potter et King Kong.
Mais le match n'est pas terminé! Car la saison des Oscars commençant, Spielberg et Burton s'affrontent désormais sur un autre terrain : le film d'auteur. Pour le déjà double Oscarisé, ce sera Munich, thriller politique et polémique sur les attentats de 1972 et leurs conséquences. Pour le jamais nommé à l'Oscar, il s'agit du film qui nous préoccupe ici (il serait temps d'en parler au deuxième paragraphe), soit un film d'animation morbide et enchanteur : Les Noces funèbres (de Tim Burton, comme il y avait de Walt Disney). Car Burton devient un style, une marque de fabrique, un label qualité qui s'adresse aux petits et aux grands, aux romantiques et aux poètes. Il vit sur une période bénie (disons de Pee Wee à Ed Wood) où il parvenait à imposer non seulement son univers fantastique mais aussi une vision assez subversive des rapports humains, où le marginal était le héros. C'est à cette période là que sa créativité ébahit et séduit son cortège de fans. En 1991, en pleine Batman-mania, il réalise un vieux rêve en transformant ses dessins en film d'animation. L'Etrange Noël de Monsieur Jack, réalisé par Henry Selick (James et la pêche géante), ne coûte que 18 millions de $ et en rapporte 50 millions rien qu'aux Etats-Unis. La performance peut s'avérer modeste (27ème film de l'année), en fait elle ne l'est pas. Si en France, seulement 300 000 spectateurs ont été curieux à ce moment là, il faut revenir à cette époque où l'animation n'était plus en vogue. Le cartoon était absent du Top 10 des films de l'année depuis Robin des Bois (1973) jusqu'à Roger Rabbit (1988). Disney réapparaît dans les incontournables de l'année avec La Petite Sirène (1989) et surtout La Belle et la Bête (la même année que L'étrange Noël de Monsieur Jack), avec succès mondial et nomination à l'Oscar. Dans le même temps, le ton Burton fait des émules avec notamment La Famille Addams, gros hit du moment.
Il était donc un peu précurseur, sans doute ce Monsieur Jack. Le succès culte, en vidéo, DVD et diffusions télé comme dans des festivals ou des cycles spécialisés, prouvent bien qu'il s'agit d'un film marquant dans l'oeuvre de Burton comme dans l'animation contemporaine. peut-être aussi parce que Burton, c'est l'anti Disney. Et que ce contre pouvoir, depuis acquis par DreamWorks et Ghibli, entre autres, était salutaire, espéré. Depuis, surtout, Tim Burton s'est davantage inséré dans le moule hollywoodien avec des productions plus grand public comme La Planète des Singes, Big Fish et le fameux Charlie. Il a bien réalisé une série animée pour le web en 2000 (The World of Stainboy, diffusée sur Atomfilms) et publié le recueil de poèmes et de dessins de "La triste fin du petit enfant huître et autres histoires", mais on le sent s'assagir (Helena Bonham-Carter? La paternité? la vie à Londres? la maturité?).
Ses Noces Funèbres sont donc beaucoup plus "rangées". Budget plus gonflé (40 millions de dollars), et recettes moins enflées (45 millions de dollars aux USA, soit beaucoup moins de spectateurs que pour Jack, alors que les films d'animation sont désormais des films comme les autres). Mais est-ce un film de Tim Burton finalement?
A l'origine, il ne devait que produire le film. Mais en juin 2004, Warner annonce que Burton co-réalisera avec Mike Johnson, cette aventure de Mariée d'outre-tombe. Cela faisait pourtant 9 mois que le film était en tournage... Il y a certainement apporté sa touche, entre temps. Il est évident que le film appartient à l'oeuvre Burtonnienne, mais la moralité de l'histoire ressemble peu à celle des oeuvres précédentes. Adaptation d'un conte populaire russe du XIXème siècle, Les Noces Funèbres réemploie la technique d'animation "image par image" (stop motion), aidé par le logiciel d'Apple, Final Cut Pro (une première). "C'est l'aspect tactile de cette forme d'expression que j'apprécie le plus. C'est formidable de pouvoir toucher et déplacer les personnages au sein d'un monde tangible. On se croirait presque sur le plateau d'un film en prises de vue réelles, sensation que l'on n'éprouve jamais devant un fond bleu, par exemple" explique Tim Burton.
Décor normal (mais miniaturisé), marionnettes (avec squelette en acier inoxydable et peau en silicone), il faut une habileté particulière pour des mouvements qui exigent parfois un calcul au millimètre. Une fois la photo prise, on passe au mouvement suivant. Comme pour Wallace et Gromit, les journées sont peu rentables. 2 à 3 secondes de film. Ce qui explique la durée du tournage : 55 semaines pour 109 millions d'images. Entre Londres et l'Oregon, les dessins de Burton vont se mettre en vie, après de multiples étapes : un créateur de personnage pour donner une dimension aux croquis du cinéaste, des scénaristes et des story-boarders... Mais plus significativement, ce sont sur les visages que l'animation a fait le plus de progrès. Sur L'Etrange Noël de Monsieur Jack, on remplaçait les têtes (avec des expressions à chaque fois nuancées et du coup limitées), chez Aardman on change les yeux et la bouche. Ici, les créateurs de marionnettes Mackinnon et Saunders ont élaboré un mécanisme subtil et malin, manipulable à travers des orifices, et améliorant le nombre de possibilités en émotions et mimiques. Aussi, pour abriter cette mécanique, les personnages se devaient de mesurer au moins 30 centimètres, agrandissant de façon proportionnelle les décors. "C'est une production épique, avec des structures qui s'élèvent parfois jusqu'à 5 mètres et atteignent 8 à 10 mètres de profondeur", s'emporte le directeur artistique, Nathan Lowry. Pour garantir à cela une certaine harmonie, il fallait respecter avant tout une certaine unité artistique. "Tim, par exemple, avait posé certaines règles de base : le Royaume des Morts ne devait à aucun moment évoquer l'enfer, ce qui excluait notamment d'employer le rouge ou l'orange. Les scènes du Royaume des Vivants sont légèrement statiques, filmées avec un petit nombre d'objectifs, en privilégiant les angles droits. Il ne s'y passe rien de très dramatique, l'impression de sagesse prédomine. Au Royaume des Morts, tout va joyeusement de travers et la lumière provient des sources les plus inattendues. On se croirait volontiers dans un Opéra," raconte Peter Kozachik, directeur de la photographie.
Avec un casting de choix (des habitués burtonniens mais aussi Emily Watson, Jane Horrocks, Tracey Ullman, Albert Finney, Joanna Lumley, Christopher Lee...), les fantaisies musicales de Danny Elfman et une sortie bien programmée pour la Toussaint, le seul risque proviendrait d'un triomphe sans partage de Wallace et Gromit, autre film d'animation artisanal, qui régénère le cartoon non informatisé. Ironiquement, d'ailleurs, et sans doute pour toutes ces innovations (utilisation d'appareils photos, de logiciels, ...), le film, présenté hors compétition en avant-première mondiale à Venise, a reçu le prix du Future Film Digital Award. vincy
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