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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Warner
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Production : DreamWorks SKG, Warner Bros., Parkes/MacDonald Productions Distribution : Warner Bros. Réalisation : Michael Bay Scénario : Caspian Tredwell-Owen, Alex Kurtzman, Roberto Orci Montage : Roger Barton, Paul Rubell, Christian Wagner Photo : Mauro Fiore Décors : Rosemary Brandenburg Musique : Steve Jablonsky Effets spéciaux : ILM Directeur artistique : Nigel Phelps Durée : 132 mn
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The Island
USA / 2005
10.08.05
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Et si The Island n'était que le symptôme le plus visible du virus (non téléchargeable) qui ronge Hollywood? A voir la polémique enfler depuis sa sortie américaine, on se doute surtout que cette Ile cache un mal plus profond qu'un simple échec au Box Office. Car ce n'est plus tant sur la qualité du produit que l'on se bat, mais sur une manière de faire des films.
The Island, 122 millions de $ de budget (estimé), va péniblement atteindre les 45 millions de $ au Box Office américain, en plein été, et sans réel rival dans sa catégorie. La fantaisie de Burton, les comiques "Serials noceurs" et des Pingouins s'en sortent largement mieux. Depuis, et malgré les "relatifs" bons résultats du Box Office international (50 millions de $ dans une quinzaine de territoires) qui devraient limiter le naufrage, chacun cherche un responsable.
Car l'enjeu est de taille : DreamWorks est en vente. NBC et Universal (qui distribue déjà les films de la firme de Spielberg) sont en pourparlers depuis quelques semaines, et la faillite de cet Island peut dévaloriser fortement le prix de vente. La fin d'un rêve (un mirage?) : avec l'inflation des budgets et l'industrialisation internationale du cinéma, être indépendant s'avère difficile si l'on veut produire ce genre de super productions, qu'on s'appelle Weinstein (Miramax) ou Spielberg.
Le Bay des anges
Tout semblait bien parti, pourtant. Michael Bay à la réalisation, par exemple. Hormis les critiques de Los Angeles et quelques critiques de New York, il a reçu avec ce film ses plus belles louanges en 6 films. On s'entend : personne ne crie au chef d'oeuvre. Mais généralement, The Island fut perçu comme son "meilleur" film. Michael Bay a un C.V. solide. Armageddon (202 millions de $), Pearl Harbor (199 millions de $), Bad Boys 2 (138 millions de $), The Rock (134 millions de $) et même le premier Bad Boys au budget très minime avait rapporté 66 millions de $. The Island serait son premier flop. C'est oublié que les autres films, très coûteux, avaient été rentabilisés grâce à l'export ou la vidéo. Michael Bay, dont c'est la première collaboration sans le producteur Jerry Bruckheimer, a tout de suite blâmé le marketing de DreamWorks.
War of the Words
Pourtant ce n'est pas la première fois que ce genre de films d'action se plante. Pour une raison ou une autre. De Last Action Hero à la récente suite de XXX, sans parler de Furtif (Stealth) ce mois-ci, les budgets éléphantesques réservent parfois de mauvaises surprises. Le marketing de DreamWorks a donc blindé les choses : présentation de 45 minutes au festival de Cannes, campagne publicitaire très en amont, plusieurs affiches, date de sortie loin des mastodontes de la saison (Batman Begins, War of the Worlds...). Mais voilà, à force de réserver les dates de sortie plutôt que de consolider le montage du film, on en arrive à un pataquès de plus en plus courant : un film toujours pas finalisé deux semaines avant son lancement (ce qui limite les parutions médias), des stars en tournage ou sur les planches ne pouvant pas faire énormément de promotion, des posters contestés par le réalisateur (malgré 650 essais), traitant même celui de Scarlett Johansson de "pornographique". Sans oublier la bande annonce, refaite 75 fois. Là encore le cinéaste n'a jamais aimé le résultat final. Cafouillage à tous les étages.
Ile, Elle, Euh...
Les professionnels tentent d'analyser le fiasco avec ces données : une campagne marketing confuse, un film hybride, des vedettes peu porteuses. Scarlett Johansson est pourtant l'une des comédiennes les plus tendance, mais dans le registre "arty". Tandis qu'Ewan McGregor, si l'on excepte sa participation aux Star Wars, il est avant tout un acteur britannique de films "art et essai". Bref ce n'est pas Ben Affleck, Bruce Willis ou Will Smith. La violence des propos - car on sait s'insulter à Hollywood - a monté d'un cran quand l'un des producteurs , Walter Parkes, a pointé le doigt sur la jeune Scarlett. "Même une actrice de télévision aurait fait un meilleur job! Même la moins bonne des comédiennes de TV aurait eu plus de connexion avec le public. Ce sont des superstars de demain, mais pas d'aujourd'hui." N'en déplaise à ce Parkes, une Jessica Alba reste moins bonne dans la catégorie blonde plantureuse. Le casting était justement intéressant, et après tout Bay a prouvé - reconnaissons-lui au moins ça - son flair en terme de têtes d'affiches : Will Smith, Ben Affleck, Josh Hartnett, Liv Tyler à une époque où ils ne valaient pas grand chose... Les stars n'ont jamais fait le succès de ses films. D'autant que c'est plutôt Bay qui a freiné le sex appeal de Johansson. Celle-ci avait même réclamé une scène de sexe, et une autre poitrine dénudée, à son réalisateur, qui lui avait rétorqué que The Island était un produit pour ado! Texto.
On nous prend pour des Clones
Voilà déjà des pistes plus sérieuses. Un formatage qui a emprisonné le scénario dans un film par avance "déjà vu". Si tout le monde perd ses nerfs, ce n'est pas tant à cause du fric perdu ou des fautes de chacun sur ce film. The Island n'est que le symbole visible d'un malaise réel : le Box Office baisse, les entrées chutent, les DVD ne vont pas mieux, et les hits ne sont pas au rendez-vous malgré le déluge de marketing et de chiffres. Mauvaise saison. Trop de films qui se ressemblent, si bien que les véritables vainqueurs sont les oeuvres les plus singulières.
A trop ressembler à Minority Report, The Island s'est vite retrouvé dans la catégorie "inintéressant" pour un public qui réclame des sensations nouvelles, des surprises, surtout vu le prix du billet de cinéma. La guerre entre les producteurs Parkes et le réalisateur Bay est devenu publique, après des mois en souterrain, parce qu'il fallait bien trouver un bouc-émissaire. Le cinéaste protège ses comédiens, qui le lui rendent bien d'ailleurs en le couvrant de flatteries, tandis que les producteurs refusent la moindre responsabilité dans ce massacre.
FrimeWorks
Et là nous revenons à DreamWorks. Initialement, le studio était prêt à retarder la date de mise sur les écrans (passant de fin juillet à novembre). Mais à cause d'un lancement japonais bouclé fermement, rien ne bougera, au final. Piégé par leur propre système marketing, en plus d'avoir été conditionné par un montage devenant bêtement explosif et invraisemblable, The Island est surtout victime d'une façon de faire du cinéma. Un script payé une fortune (un million de dollars) il y a à peine deux ans, une date de sortie plus importante que le film, des effets spéciaux qui prennent le pas sur les comédiens... N'en jetez plus!
Malgré Steven Spielberg en conseiller spécial (on murmure même qu'il était parfois dans la salle de montage) et une campagne média coûteuse, rien n'aura servi à faire émerger cette île. Et tant qu'Hollywood ne comprendra pas que la baisse de fréquentation des salles ne provient pas du téléchargement mais de la qualité des films, ce genre d'invectives continuera. Si vous voulez de l'action, autant se payer un jeu vidéo, de nos jours! A force de surenchère en explosions et en violence, le cinéma d'aventure, s'il n'est pas soutenu par un personnage fort ou une trame psychologique intéressante, est bon pour être loué en vidéo un samedi soir. Le manque d'originalité est sans aucun doute ce qui a coulé The Island. Désormais accusé de plagiat, un comble pour un film sur le clonage, la malédiction continue de s'abattre sur ce film. Un film de 1979, The Clonus Horror, y ressemble fortement. Acte final : un procès.
Si DreamWorks a quelque chose à se reprocher dans cette histoire, c'est d'avoir voulu faire des films comme les autres à Hollywood, alors que le studio avait promis de rendre leur créativité aux auteurs. Le véritable échec, il est là : dans un rêve gâché. vincy
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