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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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20th Century Fox
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Production : Wes Craven, Marianne Maddalena, Peter Locke Distribution : 20th Century Fox Réalisation : Alexandre Aja Scénario : Alexandre Aja, Gregory Levasseur, Wes Craven Montage : Baxter Photo : Maxime Alexandre, A.I.C Décors : Joseph Nemec III Son : Mark Larry Musique : Tomandandy Effets spéciaux : Rez-Illusion Costumes : Danny Glicker Maquillage : Gregory Nicotero, Howard Berger Directeur artistique : Tamara Marini Durée : 103 mn
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Aaron Stanford : Doug Bukowski
Kathleen Quinlan : Ethel Carter
Vinessa Shaw : Lynn Carter Bukowski
Emilie de Ravin : Brenda Carter
Dan Byrd : Bobby Carter
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La colline a des yeux (The Hills Have Eyes)
USA / 2006
21.06.06
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La première décennie des seventies vit déferler sur les écrans américains une nouvelle gamme de films d’horreurs plus enclins au social-politique qu’au vampire sous-cape, au sociopathe qu’à la bestiole à cinq pattes. Les mensonges d’un Nixon, lors de l’affaire Watergate, et l’extinction de l’utopie d’un pays surpuissant, encore embourbé dans les rizières et les boyaux du Vietnam, ont remis en cause la confiance dans les valeurs WASP, jusqu’à l’émergence d’une contre-culture hippie, voire carrément dissidente. De cette dernière naquit une bande de cinéastes bourrés à la bière et puant le shit qui allait brandir la caméra 16 mm pour vomir le tout sur le costume trois pièces des cadres de studio. Avec Dennis Hooper (Easy Rider), Georges A.Romero (La nuit des morts vivants), John Carpenter (Assaut) et Tobe Hooper (Massacre à la Tronçonneuse) en tête de file. En 1972, leurs pairs plus âgés (leurs « grands pairs ») crédibilisent la tendance en signant trois des films les plus violents jamais produits jusqu’alors par le grand Hollywood : Stanley Kubrick avec Orange Mécanique, Sam Peckinpah avec Les chiens de Paille et John Boorman avec Délivrance. L’heure est au chaos.
Alors encore professeur de littérature anglaise, Wes Craven considère cette subversion d’un œil dubitatif. Fils d’une famille de baptistes fondamentaux, sa mère voyait dans le 7ème art l’œuvre du Diable et le petit Wes ne connut ciné, télé et BD qu’après avoir prit la fuite, à sa majorité. Il touche à la caméra pour quelques documentaires jusqu’à ce que le futur producteur et réalisateur de Vendredi 13, Sean S. Cunningham, lui propose de passer au long-métrage avec un de ces films d’horreur qui coûtent peu mais rapportent beaucoup. Le genre n’est pas la tasse de thé de Wes Craven. Il décide alors, en l’acceptant, de prendre les aficionados au pied de la lettre jusqu’à espérer les en dégoûter : vous voulez voir de la violence, vous en aurez, mais ne comptez pas sur moi pour vous l’édulcorer. Il en résulte l’un des films projetés en salle des plus malsains et des plus insoutenables jamais fait à ce jour : La dernière maison sur la gauche. Alors que Craven croit son objectif atteint en savourant les échos outragés des médias et de la middle class, le film devient en même temps une œuvre culte auprès des fans déjantés du ciné-bis.
Son contrat néanmoins rempli, Craven songe dorénavant à concrétiser ses projets personnels, en premier lieu réaliser… des comédies ! Il écrit des sketches pour quelques humoristes plus ou moins heureux et même une comédie sur les concours de beauté intitulé American Beauty (ça ne s’invente pas) ! Mais La dernière Maison… lui colle encore aux semelles comme le Blob aux basques de Steve Mac Queen et, un oeil sur son compte en banque, sa femme, ses gosses, et peut-être sa dernière maison à lui, accepte de remettre le couvert.
Il découvre dans une bibliothèque de New-York le récit d’un événement qui secoua l’Ecosse du XVe siècle. Celui de la famille Sawny Beane qui, avec ses 48 membres consanguins, tendait des embuscades aux voyageurs sur les routes isolées, les tuait avec sauvagerie et les dévorait ensuite. Le Roi James 1er finit par envoyer 400 soldats pour traquer les dégénérés dans leur repaire à flanc de falaise où il découvrirent des morceaux de cadavre suspendus à des crochets ainsi qu’un volumineux butin. Le couple initial de paysans avait fuit la misère en se réfugiant dans ces grottes et sa descendance était retournée à l’état sauvage. Ils furent tous atrocement exécutés. Les hommes furent battus, torturés et on leur coupa les pieds jusqu’à se vider de leur sang. Les femmes durent assister à la scène avant d’être brûlées vives. Craven voit aussitôt dans ces ultimes révélations l’occasion d’interroger au juste ce qui est « civilisé » et ce qui ne l’est pas...
Plus de 300 essais nucléaires ayant eu lieu entre les années 50 et 70 au Nouveau-Mexique, il songe dès lors à y expatrier sa famille cannibale, justifiant leur dégénérescence physique et mentale en même temps qu’il envisage un pamphlet politique. Après tout, le lieu a mis auparavant à jour, et pour les mêmes raisons, maints insectes gigantesques pour le plus grand bonheur des cinémas de quartier. Il leur offre en mezze une famille de ploucs moyens, les fait décimer un à un, et le tour est joué. Seulement, avec un budget de moins de 300.000 dollars, la belle idée démocrate fait long feu, pour n’en retenir qu’une vague allusion dialoguée et privilégier la boucherie au message humaniste. Lorsqu’en 1977 La Colline a des Yeux récolte 18 millions de $ au box-office, Craven mettra un couvercle sur sa frustration auteuriste pour reconsidérer sa carrière à l’aune de la somme amassée (et devenir l’un des cinéastes majeurs du genre, jusqu’à en signer une suite lamentable dix ans plus tard alors qu’il ne parvenait pas à monter Les griffes de la nuit).
Trois décennies passent et la branche indépendante de plusieurs grands studios met à jour , tel un trésor royal, l’engouement d’une nouvelle génération pour ces produits découverts pour la plupart en vidéo-club ou sur le câble. Jamais opportunistes, ils caressent la vague sur laquelle ils pourront surfer depuis qu’un certain Wes Craven, avec Scream, en 1995, a remis le film d’horreur au goût du jour. Et de sortir des cartons leurs vieilles V.H.S de « Massacre à la Tronçonneuse », « Zombie », « Amityville », « Fog », etc… en envisageant leur dépoussiérage à l’aune de quelques millions supplémentaires et des nouvelles technologies de l’image. Dimension Films, filiale de Miramax, de Gang de requins alias les frères Weinstein, a sous son joug Wes Craven qui doit contractuellement leur proposer ses projets avant tout autre négociation. Un remake de La colline a des yeux en fait très logiquement partie.
A la recherche de sang neuf, Craven se met en quête d’un jeune réalisateur visionnaire et docile jusqu’à ce que l’une de ses collaboratrices lui suggère de jeter un œil sur un film d’horreur français à petit budget intitulé Haute Tension , produit par Luc Besson. Les deux compères responsables de l’opus se sont rencontrés a dix ans sur les bancs de l’école en partageant leur idolâtrie pour le genre, notamment le survival horror, dont le Délivrance de Boorman fut le détonateur et Craven la dynamite avec La Colline a des yeux. L’un s’appelle Grégory Levasseur. L’autre, Alexandre Aja, est le fils du réalisateur Alexandre Arcady pour lequel il fut l’enfant blond du Grand Pardon, puis son premier assistant. En 1997, leur court-métrage, Over de Rainbow, est présenté en compétition à Cannes. Alexandre à la caméra, Grégory au scénario, ils conçoivent ensuite Furia, leur premier long, puis en 2003 Haute Tension qui, quelque peu ignoré en France, est (comme toujours) remarqué par les petits malins de Hollywood. Sam Raimi leur propose aussitôt le scénario de Scrarecrow qu’il compte produire mais, à l’appel de Craven et la promesse d’une liberté relative quant à leur vison d’une relecture de La colline à des yeux , le duo perçoit le chant des sirènes.
Seul bémol pour Craven : visionnaire peut-être, docile, pas vraiment… S’il s’enthousiaste à l’idée qu’ont les deux frenchies de 25 ans d’illustrer son idée originale sur les retombées nucléaires, l’audace pro-gore et anti-américaniste des gaillards le rebutent jusqu’à y apposer parfois sa censure (il est responsable du budget de 15 millions de $, indépassable, pour Dimension et a le final cut). Outrepassant cette frilosité, Aja et Levasseur accule Craven dans ses derniers retranchements en échange de quelques compromis (« ok, on enlève le chat broyé avec du lait dans le mixeur, mais tu nous laisses la perforation du crâne avec le petit drapeau U.S… »).
En quête du décor désertique, l’équipe opte finalement pour le Maroc, ses 50° à l’ombre et ses tempêtes de sable. Refusant l’idée d’un casting de stars, les cinéastes enrôlent le Buffalo Bill du Silence des Agneaux , Ted Levine, l’héroïne de Lost, Emilie le Ravin (avec un nom pareil, c’est trop facile), et le Pyro de X-Men 2 et 3, Aaron Stanford. La petite famille mutante étant dorénavant plus nombreuse et digne d’une descendance d’Elephant Man, les effets de maquillages sont énormes et ont tendance à fondre. Mais avec Levasseur en seconde équipe, Aja parvient malgré tout à boucler le tournage dans les temps.
A la première vision du MPAA (le comité de censure), c’est non ou interdit au moins de 17 ans. Un drame pour les entrées. Au second et ses 30 secondes coupées au montage c’est « Vous vous foutez de notre gueule ? ». Au troisième, le « Restricted » (moins de 17 ans accompagné) est octroyé. A l’instar de la zone 1 américaine déjà en vente, la 2 en récupérera les plans.
Entre sa sortie américaine et la française, le film aura amassé quelques 40 millions de dollars. De quoi donner des ailes au binôme qui prépare d’ores et déjà Mirrors, toujours pour la Fox, et une adaptation de la b.d Black Hole. De son côté, Craven a déjà contacté un autre frenchie, David Moreau, co-réalisateur de Ils (sortie le 19 juillet), pour plancher sur une nouvelle version de La dernière maison sur la gauche.
A ceux qui s’interrogent d’une telle fuite de réalisateurs pré-trentenaires aux Etats-Unis, nous laisserons la parole à Gregory Levasseur qui proclame : « On a finalement eu plus de liberté qu’avec Besson sur Haute Tension… » Arnaud
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