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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Production : Christophe Rossignon Distribution : Mars Distribution Réalisation : Philippe Lioret, d'après l'oeuvre de Olivier Adam Scénario : Philippe Lioret, Olivier Adam Montage : Andréa Sedlackova Photo : Guy Ferrandis Décors : Yves Brover Son : Pierre Excoffier Musique : Nicolas Piovani, Aaron Costumes : Fanny Drouin Durée : 100 mn
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Je vais bien, ne t'en fais pas
France / 2006
06.09.06
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Philippe Lioret, simplement humain
Le cinéaste est de ceux qui observent beaucoup les gens, leur façon d’être, et lorsqu’il écrit puis tourne, il essaie de reproduire ce qu’il a vu. Il s’identifie à ses personnages, fait abstraction de tout ce qui se passe autour et se concentre uniquement sur eux pour croire en eux et à ce qui leur arrive dans les moindres détails. Ce chirurgien de l’image ne laisse rien au hasard. Tout est minutieusement calculé et fuit le « ça ira » quitte à pinailler un peu ; il avoue lui-même pouvoir « rendre folle [sa] costumière au sujet de la couleur d’un T-shirt ou d’une cravate ». Il préfère jouer sur les sentiments véritables d’une vie qui peut paraître fade à première vue plutôt que de survitaminer artificiellement le contexte d’un film pour espérer donner le change si les enjeux de départ sont contrefaits. Voilà pourquoi le livre d’Olivier Adam dont il s’est inspiré l’a profondément touché. Plus noir que la version filmée, cette nouvelle révèle les sentiments extraordinaires des gens simples. Il parle aussi des difficultés qu’on a tous à se dire qu’on s’aime, par pudeur, timidité ou parfois par manque de générosité. Il donne la possibilité de mettre en scène des personnages qui pourraient être nos parents, nos frères, nos sœursn tout en tenant le lecteur en haleine, pour finalement dévoiler une dimension inattendue. Une surprise agréable d’authenticité comme l’a été la rencontre des deux artistes.
Philippe Lioret est en pleine préparation du tournage de L’Equipier lorsqu’il entend à la radio l’interview d’un jeune écrivain, Olivier Adam, sincère et direct, venu présenter « Passer l’Hiver », un recueil de nouvelles. Le réalisateur est conquis par les dires de cet auteur sur son ouvrage, note son nom sur un morceau de feuille et continue de travailler sur son projet. C’est seulement un an après, une fois L’Equipier terminé que le cinéaste retrouve ce bout de papier dans le fond d’une poche. Il décide d’acheter ce livre et le trouve formidable, à tel point qu’il propose à Olivier Adam de devenir le co-auteur de son prochain film. C’est en parcourant toute l’œuvre de l’écrivain que Philippe Lioret tombe en arrêt devant un roman très court intitulé « Je vais bien, ne t’en fais pas ». Pendant les semaines suivantes, il ne cesse d’y penser et passe le plus clair de son temps à imaginer l’histoire à sa façon. « En voiture, dans mon lit, sous la douche, j’ai démonté entièrement le livre et essayé d’en reconstruire le film. Un soir, à table, j’ai raconté à ma femme l’histoire telle que je la voyais, et c’est sa réaction qui a été le véritable déclencheur ». Le lendemain, avec beaucoup de précaution, il expose sa version de l’histoire à l’auteur revue et corrigée – chose délicate lorsqu’on bouleverse une œuvre originale face à son créateur. « Olivier n’a pas ce genre de coquetterie. Il aime profondément le cinéma et sait très bien qu’un livre doit toujours être tortillé dans tous les sens pour devenir un film ». Le scénario est écrit par les deux compères en quatre mois…
Réunion de famille
Philippe Lioret fait partie des réalisateurs fidèles qui aime se retrouver en famille lorsqu’il tourne et qui ne fait pas de distinction entre premier et second rôles. Il adore ce temps partagé avec les acteurs pendant les essais, car fidélité n’exclut pas le passage obligé du casting. A l’exception de la charmante Mélanie Laurent, qui pour décrocher le rôle de Lili, n’a eu qu’à se présenter devant le cinéaste. Remarquée par ce dernier dans Le Dernier jour puis dans De battre mon cœur s’est arrêté, elle s’est tout de suite imposée dans l’imaginaire de Lioret comme cette fille fragile, obsédée par la disparition de son frère. Ce personnage trouvait un réel écho en elle. « Elle m’a parlé de Lili avec une telle précision qu’il était évident que la messe était dite. Il m’était impossible d’imaginer quelqu’un d’autre. Elle me faisait confiance alors j’ai décidé de faire de même et de ne pas lui faire passer d’essai », précise Philippe Lioret. Pour l’anecdote, au moment de cette rencontre et à l’instant où il lui parlait de ce rôle psychologiquement difficile à assumer, d’une jeune fille qui va devenir anorexique pendant un temps, la jeune actrice dévorait un énorme macaron au chocolat… Le tournage s’annonçait difficile surtout pour cette gourmande de nature lorsqu’il a fallu qu’elle perde plus de 8 kilos afin d’atteindre le physique de quelqu’un qui ne s’alimente plus. Mais le désir de faire ce film est le plus fort ; elle renonce à un autre projet ciné et à ses petits plaisirs culinaires pour participer à cette aventure.
Pour Kad Merad, c’est une autre histoire… Philippe Lioret et lui ne se connaissaient pas du tout, mais c’est l’un des premiers à qui le réalisateur a pensé pour interpréter Paul, le père de Lili. Et c’est lors de la soirée des Césars, où Kad est venu accompagner ses amis Les Choristes qu’ils se sont rencontrés pour la première fois. « J’étais en train de parler du projet à un copain et je lui disais que j’envisageais de proposer le rôle du paternel à Kad, quand par miracle, celui-ci est soudain apparu devant moi avec son sourire désarmant ! », se souvient le cinéaste. Pour entrer dans la peau de son personnage, Kad n’avait qu’une ligne directrice : être fermé. Il avoue s’être inspiré de son grand frère, qui travaille dans une petite agence d’une compagnie d’assurances, vivant dans un pavillon de banlieue, habillé de l’uniforme « costume-cravate » de ceux qui sont confrontés au public. « C’est pas compliqué, il fallait que je sois le contraire de moi ! (…) Dès les premiers rushes, je ne me suis pas reconnu. C’était assez troublant. » se rappelle-t-il le sourire aux lèvres. Une fois n’est pas coutume, le trublion du grand écran avait inconsciemment envie de montrer qu’il pouvait aborder des choses plus profondes car il n’a pas l’habitude de parler des émotions. (Il est vrai que les productions aimées du grand public Les Daltons, Iznogoud, Un ticket pour l’espace, Qui a tué Pamela Rose ? le montraient sous un jour beaucoup plus léger). Un risque pris et bien négocié par Philippe Lioret qui, après avoir polit ce diamant brut, nous offre un bijou d’une rare beauté.
Mais l’orfèvre ne s’est pas arrêté en si bon chemin en prenant dans son équipe le jeune et talentueux Julien Boisselier. Après avoir prévu Grégori Derangère (vu dans L’Equipier) pour le rôle de Thomas, il lui trouve un air de « mec qui a trop les pieds sur terre » pour jouer cet authentique romantique – bien qu’ils aient le même âge. C’est sans violence mais avec une détermination tranquille que Thomas va se rendre libre et tenter de séduire Lili. « Comme souvent dans la vie la constance va payer », conclut l’amoureux de cette histoire.
Un tournage tout en rires
Le tournage a duré neuf semaines, comme dans l’histoire, réparties sur plusieurs saisons de fin août au mois de juillet de l’année suivante. Le film traverse beaucoup d’ambiances, de la plage de Saint Aubin sur Mer aux illuminations du nouvel an, en passant par ce pavillon triste et identique à ceux du lotissement. L’univers de la famille Tellier, celui de la « family next door », est bien moins codé que celui d’un film d’époque et beaucoup plus difficile à établir. Tatillon, et à juste titre, Philipe Lioret et son équipe technique ont passé un temps fou à choisir tous les détails, du papier peint aux vêtements pour que rien ne sonnent faux et ne pas tomber dans la caricature. Mais outre ces complications matérielles en amont, la réalisation s’est faite dans la bonne humeur malgré la gravité du sujet. Pendant la quasi-totalité du tournage, les acteurs ont jonglé entre fous rires, pression et les exigences du réalisateur (« l’adorable tyran » comme l’appelle Mélanie). C’est sans surprise que cette franche rigolade était généralement la cause de pitreries de Kad. « Souvent, Philippe disait «Action ! », j’étais encore écarlate d’avoir pleurer de rire. Le contraste était d’autant plus fort avec Kad », raconte Mélanie Laurent. « Il nous faisait rire aux larmes avant le clap où il changeait radicalement pour se fondre dans la peau de Paul… qu’il quittait instantanément après qu’on a coupé », ajoute Philippe Lioret.
Côté acteurs, des liens uniques d’admiration se sont créés, en particulier entre Mélanie Laurent et Julien Boisselier. « Face à lui, j’avais bizarrement l’impression de ne pas jouer. Dès que le moteur était lancé, j’étais immédiatement dans la scène et j’oubliais l’équipe autour de nous. Cela ne m’était jamais arrivé. Dès la première scène au bord de la mer, nous avons tout de suite su que nous adorerions travailler ensemble », révèle Mélanie Laurent. Et Julien Boisselier de confirmer : « J’étais tellement impressionné par ce que [Mélanie] donnait que je me suis souvent retrouvé spectateur de la scène. (…) Elle me faisait sortir du contexte de travail pour faire de moi le témoin d’un moment de vie. Je n’avais plus une comédienne en face de moi mais une jeune femme bouleversante. (…) Elle s’oublie, oublie la caméra et nous fait oublier qu’on est filmé. C’est la première fois que ça m’arrivait ». Une histoire extraordinaire de gens ordinaires. Marie
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