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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Production : Miramax, Mirage, Bona Fide
Distribution : TFM Réalisation : Anthony Minghella Scénario : Anthony Minghella, d'après le roman de Charles Frazier
Montage : Walter Murch
Photo : John Seale Décors : Dante Ferretti
Musique : Gabriel Yared
Costumes : Ann Roth, Carlo Puggioli
Durée : 143 mn
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Jude Law : Inman
Nicole Kidman : Ada Monroe
Renee Zellweger : Ruby Thewes
Eileen Atkins : Maddy
Brendan Gleeson : Stobrod Thewes
Philip Seymour Hoffman : Révérend Veasey
Natalie Portman : Sara
Giovanni Ribisi : Junior
Donald Sutherland : Révérend Monroe
Ray Winstone : Teague
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Cold Mountain (Retour à Cold Mountain)
USA / 2003
18.02.04
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Harvey Weinstein, le patron de Miramax, grand habitué des Oscars (il est quand même parvenu à battre Saving Private Ryan avec son poids léger Shakespeare in Love), peut toujours râler : (Retour à) Cold Mountain, snobbé par l'Académie (aucune nomination en film, réalisation, actrice, et scénario), est un succès public. Point de statuettes (Zellweger a ses chances, ceci dit), mais au moins quelques dollars. Tandis que les relations avec l'actionnaire principal de Miramax, Disney (un peu malmené ces temps-ci), sont plus qu'orageuses, le pari risqué de Minghella évite un désastre financier et une guerre civile entre Weinstein (un nabab comme on n'en fait plus) et le PDG de Mickey, Eisner (un tyran comme on en fait trop).
83 millions de $. C'est le montant du chèque pour le budget, hors coûts de promo. A moins de gagner à "Euro millions", c'est pas donné à tous les studios, qui partagent de plus en plus les frais et limitent ainsi les risques. La MGM et Universal avaient d'ailleurs été pressentis pour appuyer le projet aux côtés de Miramax, déjà souteneur des précédents Minghella.
Pour la Saint Valentin, Weinstein a donc reçu mieux qu'un bouquet de fleur ou un énième script romantique (il adore produire ce genre de films où l'amour impossible triomphe de l'adversité) : un chiffre. 83 millions de $, c'est le résultat aux Box Office américain de Cold Mountain. Avec l'international (en France, il devrait faire aussi bien que Chicago) et la pub au moment des Oscars, le film sera profitable. Et fera, quoiqu'il arrive, mieux que le précédent opus du cinéaste (Le Talentueux Monsieur Ripley).
Mais un film ce n'est pas qu'une affaire de producteurs. Le matériau de base, ici, est un best-seller, une "revisitation" de l'Odyssée aux temps de la guerre de Sécession. Le roman de Charles Frazier avait reçu le National Book Award lors de sa publication en 1998. Compilation romancée d'anecdotes entendues lors des dîners familiaux, Frazier souhaitait éviter les combats héroïques pour se focaliser sur le quotidien des Américains lors de cette période difficile.
Retardé depuis deux ans, le projet a surtout excité les chasseurs de scoops (la presse professionnelle américaine, les sites web prêts à répéter n'importe quelle rumeur) pour son casting. Difficile d'énumérer tous les postulants. Mais les primaires furent meurtrières. Des gars comme Matt Damon, Brad Pitt, Edward Norton, Matthew McConaughey, Eric Bana, Leonardo di Caprio et Josh Hartnett étaient dans la course; Minghella ne dément pas cette chasse au gros gibier hollywoodien. Cruise a longtemps tenu la corde. Précisément pour cela, mais aussi pour d'autres raisons que nous allons évoquer plus bas, Zellweger, sa partenaire de Jerry Maguire fut liée au projet très en amont. Reformer le couple d'un hit est toujours un atout marketing. Ironiquement, dès que Cruise laissa choir le projet pour Le dernier Samouraï (il aurait mieux fait de s'abstenir), son ex-femme, Nicole Kidman entra dans la danse. Elle succéda ainsi à Winslet, Connelly et surtout Julia Roberts. Zellweger a réussi l'exploit de caler le tournage entre ses différents projets. Il faut signifier qu'elle a des amis proches de l'auteur du roman, Frazier : "J'ai découvert bien avant sa publication ce roman qui est à la fois une superbe épopée et un tableau incroyablement riche de cette période." C'est ainsi qu'elle avait essayer d'obtenir les droits en compagnie de réalisateurs pour monter l'adaptation cinématographique. C'est presqu'un choix légitime, donc. Et Jude Law, déjà choisi par Minghella pour incarner l'objet de désir de Monsieur Ripley, se glissa dans le costume tant envié d'Inman. Avec sa nomination à l'Oscar, il se permet ainsi d'entrer (enfin!) dans la cour des grands après de multiples tentatives chez Spielberg, Annaud et Mendes.
Avec quelques retards, la caméra roule sur les rails en juillet 2002. la production se déplacera entre une Roumanie vierge de pylones électriques et pas trop chère en main d'oeuvre qualifiée, et les Etats-Unis (Virginie, Caroline du Nord). Les repérages avaient pris du temps. Ni les vraies Blue Ridge Mountains ni même le Canada n'offraient d'horizons dénués de traces de civilisation. "Ce paysage roumain (les Carpates, patrie de Dracula, NDA) est plus proche du Cold Mountain des années 1860 que tout ce que j'ai vu en Amérique et dans le reste du monde" déclare Minghella. Avec "il grande" Ferretti (l'autre Dante) aux décors et John Seale à l'image, le film ne pouvait être que beau. Le premier a décoré les récents Scorsese, quelques Fellini, Pasolini, un Gilliam et des Opéras. Gloups. Et Seale est à l'origine des jolies images de films prestigieux comme Le Patient Anglais, Rain Man, Gorilles dans la brume, Harry Potter, Witness...
Mais il nous faut conclure cette belle litanie de superlatifs (qui on l'espère vous incitera à voir le film). Tout finit en chansons. A la musique, le français Gabriel Yared, déjà oscarisé pour Le Patient Anglais et césarisé pour L'Amant. De Beinex à Nuytten, de Godard à Mocky, de Costa-Gavras à Chahine, en passant par Assayas, Altman, et le récent Rappeneau, Yared est devenu incontournable pour une production haut de gamme. Nicole Kidman joue elle-même du piano. A la place de Natalie Portman, la chanteuse Faith Hill avait été envisagée. Ca n'empêche pas Brendan Gleeson de pousser la chansonnette, le chanteur du groupe rock des White Stripes de tenir son premier rôle au cinéma et le film, d'avoir deux chansons en nomination aux Oscars (celle de Sting et celle d'Elvis Costello, y a pire). Avec son ambiance country - roots, la BOF espère avoir le même succès inattendu que celle de O' Brother where are thou?.
Finalement, la seule leçon à retenir sera pour Weinstein. Les Oscars ayant désormais lieu en février (et non plus en mars), il ne sortira plus ses films juste pour les fêtes. A l'instar de Master & Commander (10 nominations), mieux vaut faire campagne dès novembre. C'est la nouvelle loi marketing. Scorsese et son Aviator ont déjà avancé la date de sortie en prévision d'une razzia l'année prochaine. vincy
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