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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Cold Mountain (Retour à Cold Mountain)
USA / 2003
18.02.04
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IL FAUT SAUVER LE SOLDAT INMAN
"- Tout ça c'est des conneries d'hommes!"
Il est difficile de passer derrière Autant en emporte le vent : une histoire d'amour passionnelle sur fond de Guerre de Sécession, voilà un cadre difficile pour un film désormais. Il fallait un Lean, un Spielberg ou en effet un Minghella pour pouvoir donner un écho honorable à l'oeuvre insurpassable de Fleming. Le réalisateur anglais est en effet l'un des rares à avoir la maîtrise de ces sujets épiques, de ces tourments romantiques, leur donnant un aspect mélodramatique tout en mettant en relief les enjeux moraux de ses protagonistes. Méfions-nous de l'eau (de rose) qui dort.
Dans son ambition de vouloir montrer "tout ce qui ne fut pas dit", Minghella déterre certains des épisodes les plus atroces et les plus honteux de cette guerre civile. Notamment ces milices sudistes prêtes à décimer leur propre camp. Mais dans le même temps, le cinéaste ne sait comment s'y prendre avec les sentiments, nous les expliquant (odieuse voix off qui refroidira nos ardeurs) ou pire, nous les exhibant (évitable scène torride dénuée de sensualité).
Cette inégalité, pourtant, ne gâche pas l'ensemble. Grâce à un découpage remarquablement maîtrisé, le spectateur ne se lasse jamais de ce remake de l'Odyssée, où Pénélope-Kidman goûterait presque aux plaisirs saphiques en l'absence de son Ulysse-Law. Même les Sirènes sont de la partie. Les flash backs sont dosés avec habileté et le déroulé des événements permet à l'action de ponctuer chacune des séquences plus dramatiques. Si bien qu'on nous plonge très vite dans l'enfer de cette guerre. La violence est palpable. Les lames pénètrent les chairs. Le sang se mélange à la boue. Les peaux sont brûlées. Rien ne nous est épargné. Il faut bien assumer l'horreur de ce conflit absurde pour que nous rêvions de paix, à l'instar de ces personnages. Il n'est pas innocent de voir le drapeau américain, déchiré, baigné dans l'hémoglobine. Le classicisme ambiant en prend un coup. Car derrière ce très beau film, où le cadre comme l'image sont mieux que soignés, on retrouve le fatalisme presque pessimiste des histoires d'amour absolu du cinéaste. Le vernis ne fait qu'esthétiser la tristesse et le désespoir de ses héros : Kidman (trop fantomatique et trop maquillée), et surtout Law (nickel chrome). Dans ce ballet aérien entre deux êtres qui planent trop, il y a les personnages secondaires qui sont là pour les ramener sur terre. Ici Zellweger (qui sel et poivre à la perfection ce plat presque trop savamment cuisiné), hier Binoche.
Non, s'il y a bien un problème avec Cold Mountain, il faut le voir dans cette distance permanente entre notre regard et l'émotion, trop absente. C'est aussi parce que nous devinons parfois trop rapidement où l'oeil de Minghella veut nous emmener : ainsi l'effet appuyé et lourd, presque désuet, pour nous dévoiler le décès du Père.
L'histoire n'aide pas. Un homme qu'on croit à chaque fois mort (on le serait depuis longtemps) obtient une résurrection cinématographique à chaque étape. Il faut donc toute la réalité des tortures sadiques et la main mise des renégats pour nous faire palpiter sans craindre le pire : que les deux tourtereaux s'embrassent une seconde fois, et plus si affinités. Mais, même dans ce cas, Minghella ne peut s'empêcher d'avoir le coup de trait esthétiqant (il se prend pour un peintre quand il filme une trace de sang giclant sur le drap).
Mais Cold Mountain est loin d'être une simple belle oeuvre. Car le paradoxe est que nous sommes impressionnés par les tableaux paysagers alors que le cinéaste ne s'intéresse qu'à ses portraits. Dans cette exploration de l'intime, dans cette quête douloureuse de l'idéal, entre lectures et confessions, le cinéaste creuse un sillon fertile en doutes. Ces individus voyagent à l'intérieur de même vers un ailleurs qui les transforme. Dans ce chaos où l'on revit les souvenirs des uns et des autres (à l'instar du Patient Anglais), la fin parvient à nous faire sursauter. La vie est un long tourbillon peu tranquille. La paix, moteur même du film, est loin d'être acquise. En quelques balles invisibles, le destin est remis en jeu. Impossible de fixer un sourire. Mais point de larmes non plus. Juste la satisfaction d'avoir gravit une montagne difficile. Et de respirer, toujours. vincy
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