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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Vivre me tue
France / 2003
18.06.03
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RESSOURCES HUMAINES
" Je m’appelle Ismaël, mettons"
Le drame du critique est parfois d’être trop méchant ou trop indulgent. La crainte, ici, est bien d’être trop critique pour un film qui ne le mériterait pas. Paradoxalement, le pardon serait une trahison à l’opinion. Vivre me tue est un film pertinent, sociologiquement important, psychologiquement intéressant. Le rôle de critique est forcément perturbé par ses opinions sur le sujet. Que dire face à tant de constats maintes fois vus, lus, vécus : la discrimination raciale (voire faciale) existe. Mais ce n’est pas le seul sujet du film, aussi l’aborderons-nous sous un angle plus général. Son aspect cinématographique.
Le film pêche par manque d’ambition artistique, par volonté de coller au réel, par souci de vouloir mélanger la forme et le fond, c’est-à-dire du cinéma-vérité. Même si l’histoire est réelle, même si elle a déjà fourni matière à un livre, le cinéma est là pour la sublimer, transcender le quotidien qui va détruire un frère et sauver l’autre.
Ici l’image semble plus proche d’une diffusion télévisuelle que d’une motivation cinématographique. Pourtant, le découpage du film, le charme indicible transmis par l’intensité du jeu des comédiens (ah le joli sourire de la Testud) sont bien faits pour le cinéma. Les acteurs transfigurent même l’objet en apportant une chaleur humaine qui nous fait oublier le décor sordide qui les entoure, malgré les couleurs, les fêtes, les sentiments.
Leurs corps sont d’ailleurs les seuls éléments expiatoires à cette routine visuelle, ce XVIIIème arrondissement de tous les jours. Le corps combatif de Bouajila nous aide à comprendre qu’il est prêt à affronter les autres, à être parmi les autres, à chercher cette intégration qu’on lui refuse malgré les diplômes, le bon sens, sa belle gueule. Le corps narcissique et fabriqué de Lespert fait le lien avec son autodestruction, son malaise intérieur qui le ronge, quitte à le transformer en produit. Le premier apprend à se vendre quand l’autre est à vendre. Très belle idée mais le style n’est pas à la hauteur de cette opposition. Le récit est décousu et la discrimination se heurte à un raccourci sur le mélange des cultures. Dès lors que l’histoire amoureuse s’achève, le film perd son coeur et s’arrête de respirer. Nous nous désintéressons, alors, d’un sort déjà anticipé.
A l’instar de nombreux films générationnels du moment, le film de Sinapi se conclut sur un individu qui a triomphé de ses angoisses, décomplexé, avec l’opportunité d’entrer dans le système. Lui aussi préfèrera écrire (cf L'Auberge Espagnole). Cela a donné la matière du film. Quoique nous en pensions, l’itinéraire de cet enfant a priori peu gâté est bien mieux dans cette voie littéraire : il faut encore et toujours témoigner des inégalités raciales, sexuelles ou sociales. vincy
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