Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Sen to Chihiro no kamikakushi (Le voyage de Chihiro) (Chihiro)


Japon / 2001

10.04.02
 



JE SUIS D'AILLEURS





"- On n'oublie jamais ce qui s'est passé, mais on n'en conserve pas de souvenirs"

Le rapprochement entre Hayao Miyazaki et Akira Kurosawa serait tentant à établir, bien que les deux hommes se soient toujours défendus de travailler dans des directions proches, au delà de l'immense respect qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre. Pourtant il y a dans Le Voyage de Chihiro un certain sentiment de sérénité et de générosité qui se dégage du film. Une même invitation à la contemplation et à la méditation présentes dans les dernières œuvres de Kurosawa (Dreams). Tous deux semblent avoir atteint dans leur âge de raison, une plénitude créatrice, qui se traduit à l'écran par une maîtrise formelle hallucinante. Il apparaît enfin chez les deux hommes un besoin généreux de transmission de sagesse aux générations futures. Rangeant la foudre des grands combats dans leur fourreau (Kagemusha ou Princesse Mononoke), les deux vénérables anciens prennent le temps de se retourner sur leur passé et s'appliquent à méditer sur leurs acquis face au présent. Certains ont souvent critiqué Miyazaki pour son penchant pessimiste lié à l'évolution de nos sociétés modernes. Réactionnaire le père de Totoro, vaguement conservateur, ou tout simplement peu porté sur un futurisme exacerbé ? L'homme est méfiant, son humilité orientale ne dissimule pas toujours une forte réprobation envers ses contemporains, leur inconscience, leur comportement présomptueux. Avec Chihiro, Miyazaki revient à beaucoup plus de douceur au travers de son talent de conteur enfantin. S'il conçoit la création d'un cartoon comme une vaste bataille, il consent à faire des concessions avec ses soldats, sachant se remettre en question et même se moquer de lui-même. Il n'en perd pas pour autant ses convictions. Préoccupé par la perte de repères, de racines, qu'impose une mondialisation standardisante, il choisit de mettre en image avec sa dernière réalisation ses préoccupations sous forme d'interrogations métaphoriques. Quel avenir pour un Japon envahi par le consumérisme, le plaisir immédiat et futile ? Un Japon qui oublie son folklore, ne croisant ses croyances ancestrales que machinalement en fin d'année à l'image de l'occident finalement. Miyazaki voue une foi inébranlable dans le culte de l'imaginaire, de ces icônes qui emmènent l'esprit loin des considérations tristement matérielles.

A ce titre Le voyage de Chihiro est une véritable croisière vers l'ailleurs, une prodigieuse machine à rêver qui devrait remplir la mission qui est la sienne, divertir les générations présentes et futures sans appauvrir le sens de la perception de leur univers. Bouillonnante, la créativité du réalisateur pourrait être figurée par un torrent qui jamais ne s'assèche. Enchaînant les séquences bluffantes avec une absence d'économie confondante, Miyazaki nous montre autant qu'il nous suggère des territoires qu'aucun d'entre nous, dévoreurs de pellicule blasés, ne croyions encore devoir exister. Têtes bondissantes, bébé gargantuesques, nounours pensifs… autant de personnages, de scènes qui stimulent nos fantasmes. Le spectateur se retrouve, au même titre que l'héroïne, égaré dans un monde parallèle qui vibre de façon singulière sans pour autant se démarquer radicalement du nôtre. C'est évidemment parce que ce pays de démons et merveilles n'est autre que le prolongement de notre réalité, ce monde rêvé et réinterprété par notre inconscient, tout au long du déroulement de notre existence. Il y a évidemment un fort sentiment de désincarnation dans cette histoire. Sentiment universel face à l'inconnu que chacun aura éprouvé en quittant le sein qui l'a nourri, géniteur ou patrie d'origine. L'identité, la mémoire, l'expérience, autant de facteurs qui nous façonnent jour après jour en un lent processus semi-invisible et qui prennent sur l'écran une dimension émotionnelle poignante.

La richesse de la symbolique du Voyage de Chihiro peut désarçonner. L'œuvre est moins perméable que la majorité des productions animées occidentales et demande certainement des visionnages multiples pour en apprécier l'intégralité de la lecture pour peu que cela puisse s'inscrire dans un domaine du possible. Si Miyazaki se réfère à l'esprit chintoïste dans l'exaltation de la nature et des ses représentations notamment, s'il ancre volontairement son film dans le Japon, pays schizophrène et désorienté dans son histoire et son évolution, il trouvera forcément un écho dans le cœur du monde entier, tant le propos nous touche tous et ne peut se heurter à de banales frontières. Par le biais du talent hautement généreux du maître, c'est finalement tout simplement l'opulence féconde de la vie qui est offerte à notre sensibilité. Un cadeau rare.
 
petsss

 
 
 
 

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