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LE DESIR EST DIEU
"-Tu n'es pas un être humain, Lola. Tu es une épidémie."
Disons-le d'emblée: ce nouvel Almodovar est un chef d'oeuvre. Il combine une maîtrise totale du cinéma, une maturité rare, avec un style réel, toujours existant.
Almodovar nous immerge dans une tragédie légère et émouvante, folle et sentimentale, où chaque personnage est admirablement dessiné et précis.
Evidemment, l'ensemble du casting est magnifique à voir, et plus que crédible. Cecilia Roth en infimière généreuse, détruite par la mort de son fils. Marisa Parédès en comédienne lesbienne, essayant de remplir sa vie, accro à une accro de l'héro. Pénélope Cruz, nonne enceinte d'un trans, et atteinte du SIDA. Son père qui a l'Alzheimer...
Lu comme ça, on sortirait volontiers les mouchoirs. Mais il ya aussi des répliques qui fusent, des personnages secondaires truculents, de quoi rire donc. Car chez ce cinéaste, il y a un immense paradoxe : d'un côté, un scénario irrémédiablement logique, et de l'autre des événements totalement absurdes, dignes des plus extrêmes Almodovar.
Dès le départ, le réalisateur nous teinte l'image d'une musique grave, d'un encéphalogramme plat, d'une femme forte mais sentimentale. Le ton est donné.
On y retrouve toutes les influences du Maître (osons le mot), des clins d'oeil à ses précédents films (une femme seule sur une scène, un trans qui fait penser à Miguel Bosé en trav), et des références artistiques comme Un Tramway nommé Désir ou All About Eve. Talons Aiguilles prend un méchant coup de vieux...
Totalement équilibré, ce film excessif, profondément féministe (les hommes y sont rares, insignifiants ou alors transsexuels), signe la renaissance d'Almo. Après quelques films hésitants et sombres, passage entre le mélocomique Talons Aiguilles et celui-ci, le cinéaste retrouve le plaisir de jouer avec sa caméra, tout en gardant ses couleurs. Quelques cadres somptueux, une vraie liberté donné à ses actrices, et des transitions visuelles intelligentes (et cinétiques) mettent le film un cran au-dessus des autres. A croire que sortir de Madrid était aussi un besoin indispensable de se ressourcer pour lui.
On sent en lui un vrai désir de cinéma, un amour immense pour les femmes, une imagination plastique toujours vivante. Au final, il donne un vrai plaisir au spectateur.
Du sang neuf vient de débarquer à Cannes. Vincy / 15 mai 99 / Cannes
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