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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Birth (Birth)
USA / 2004
03 novembre 2003
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KID MAN
"Ca va vous sembler étrange, mais j'ai rencontré quelqu'un qui semble être Sean..."
Un cinéaste se définit généralement de la façon dont il instaure sa patine, une ambiance et annonce son sujet dans les deux ou trois premiers plans qui ouvrent son film. Dès lors, l’impression évidente que nous nous trouvons devant l’un de ceux avec qui il faudra désormais compter s’impose dès l’ouverture de « Birth ». Un homme, dont nous ne verrons jamais le visage, fait son jogging dans le froid hivernal de Central Park. Ciel et sol se conjuguent dans cette blancheur propre à l’entre-deux mondes où l’on imagine les âmes en errance. Il s’approche d’un tunnel sombre, puis s’effondre, mort, en position fœtale. Fondu au noir. Carton : « 10 ans plus tard… ». Concis, allégorique, sobre dans la forme et dans son contenu, cette première minute est l’une des plus belles que le cinéma nous a dernièrement offert sinon un court-métrage à lui seul lorsque vous découvrirez la voix-off qui l’accompagne. Il pourrait être rétorqué que c’est la moindre des choses pour quelqu’un habitué au format court, mais même si les promesses de Jonathan Glazer sont scénaristiquement mises à mal dans son troisième acte, cette rigueur formelle, Glazer la poursuivra tout au long de son métrage. Et on cherchera en vain un réalisateur venu de la pub et du clip, formé à l’esthétique MTV, renoncer de façon aussi abrupte aux filtres enjoliveurs, aux montage frénétique et grand angle déformant qui ont construit sa renommée. Contemplatif, crieront certains. Peut-être. Mais si être contemplatif c’est rester trois minutes en plan fixe sur le visage de sa comédienne, sans autre bande son qu’un opéra hors-champs, pour permettre à chaque spectateur de projeter son propre balai d’émotions dans les turpitudes et les doutes qu’elle n’exprime qu’à travers son regard, alors d’accord votons contemplatif. Et puis contempler en aussi gros plan une Nicole Kidman qui n’a jamais été aussi émouvante, cheveux à la garçonne, femme-enfant en proie à l’amour fou d’un enfant adulte, comme l’a prouvé en son temps Carl Dreyer avec sa Falconetti, est non seulement un plaisir de cinéma, mais peut-être aussi un gage de confiance peu entraperçu à l’écran depuis maintes décennies...
Sur le fond, il faut être clair : « Birth » ne peut être d’aucune façon accusé de promouvoir la pédophilie. Moins radical qu’un « Beau-Père » de Bertrand Blier, moins initiation à l’eau de rose qu’Un été 42 de Robert Madigan, « Birth » s’annone tout simplement comme l’histoire d’un amour impossible et la lutte interne d’un personnage féminin pour la rendre morale malgré les interdits. Un personnage qui joue dangereusement au jeu de l’autruche, même si le spectateur lui-même est un temps mené en bateau, qu’une résolution malhabile vient clore et qu’on imagine mal importée par Jean-Claude Carrière mais plutôt imposée par la frilosité de la New Line. On aurait préféré en effet que le doute et l’ambiguité perdure au delà du mot fin, offrant à notre imaginaire le soin de poursuivre son film idéal. Mais pour son heure d’un cinéma si rare que l’on croyait perdu, « Birth » enchante et nourrie l’espoir de voir Jonathan Glazer gravir prochainement les échelons d’un cinéma mi-européen, mi-hollywoodien dont nous avons tous besoin.
Arnaud
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