Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



Ailleurs
Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary
Effacer l'historique
Ema
Enorme
La daronne
Lux Æterna
Peninsula
Petit pays
Rocks
Tenet
Un pays qui se tient sage



J'ai perdu mon corps
Les misérables
The Irishman
Marriage Story
Les filles du Docteur March
L'extraordinaire voyage de Marona
1917
Jojo Rabbit
L'odyssée de Choum
La dernière vie de Simon
Notre-Dame du Nil
Uncut Gems
Un divan à Tunis
Le cas Richard Jewell
Dark Waters
La communion



Les deux papes
Les siffleurs
Les enfants du temps
Je ne rêve que de vous
La Llorana
Scandale
Bad Boys For Life
Cuban Network
La Voie de la justice
Les traducteurs
Revenir
Un jour si blanc
Birds of Prey et la fantabuleuse histoire de Harley Quinn
La fille au bracelet
Jinpa, un conte tibétain
L'appel de la forêt
Lettre à Franco
Wet Season
Judy
Lara Jenkins
En avant
De Gaulle






 (c) Ecran Noir 96 - 24


  



Donnez votre avis...


Nombre de votes : 17

 
Bloodwork (Créance de sang)


USA / 2002

23.10.02
 



A COEURS OUVERTS





"- Vous n’avez pas de cellulaire, McCaleb ? - Non, je n’y crois pas. Je préfère les lignes de terre."

Clint Eastwood fascine. On l’imaginait réac’, conservateur, usé, vieilli, fatigué. Il n’en est rien. Au contraire, celui qui incarna l’Inspecteur Harry ou les Cow-boys faciles de la gâchette creuse dans chacune de ses rides un peu plus de profondeur et de contradictions, de nuances et d’émotions. Acteur populaire, il est devenu l’un des auteurs les plus passionnants d’une Amérique qu’il défend à merveille tout en l’analysant par la critique. En effet, il n’est plus le héros d’autrefois. Et son pays a changé.
Eastwood a créé depuis 20 ans une filmographie humaniste où les failles d’un système existent pour faire apparaître ses valeurs. Lucide, et Créances de Sang n’y échappe pas, son opinion est un mélange de regard désabusé et d’un espoir convaincu. Il est le seul aujourd’hui à tirer le portrait d’une catégorie de personnes qui sont les piliers de l’Occident chrétien : les " séniors ". Et leurs petits tracas. C’est l’aspect le plus invisible, mais aussi le plus touchant de son film (comme du génial Space Cowboys). Il offre son corps, sa peau abîmée, son c¦ur essoufflé au cinéma comme on fait un don à la science. L’homme qui vieillit. Toutes ses limites dans un cadre dramatique. Mais aussi son rôle dans la société. Il privilégie l’expérience, le désintérêt, les méthodes éprouvées comme des motifs au bénéfice de l’âge. Ainsi il combat implicitement le jeunisme ambiant, et vante le rapport inter-générationnel.
Car ne vous fiez pas au sujet du thriller (un classique chasseur de serial killer) , ce n’est qu’un genre, qu’Eastwood affectionne, en rendant hommage à John Huston (en enrôlant sa fille après avoir interprété le cinéaste dans un film réalisé dans les années 80). Chez Clint, il faut comprendre le non dit, le sous entendu, l’image décodée. Ici, il filme une Californie métissée où les minorités sont relativement prospères et bosseuses (en tout cas ni violentes ni marginales) et où la communauté WASP est oisive, malade, et même sans coeur. Une Californie black et latino qui se mélange. L’ultime image, que nous ne révélerons pas, est un bel exemple de ce que l’on n’attend pas d’Eastwood. Nos préjugés volent en éclat : mixité raciales, recomposition familiale, bref aucune discrimination (âge, classe, culture). L’Amérique de demain n’est pas celle des dégénérés blancs, mais bien celles qu’ils nous montrent à travers trois femmes sublimes : une médecin blanche, une policière noire et une serveuse de restaurant latino-américaine.
C’est bien sûr dans ce triptyque, avec ces trois femmes, que la star excelle, ; en tant qu’auteur, réalisateur et acteur. Ce sont de loin les plus belles séquences, mélange de dialogues et de contemplation, d’amour et d’amitié. Car dans un polar où l’on échange les coeurs, où les sangs se croisent, où l’on donne sa foi, il y a aussi une détermination à régler ses dettes, à en être redevable. La constance des personnages qu’interprète le comédien c’est l’intégrité, l’honnêteté.
Ici il trouble un peu plus les sentiments. Dans ce scénario captivant, même si légèrement prévisible, il fait côtoyer le bien et le mal, il fait coexister le justicier et le criminel, comme si l'un avait forcément besoin de l’autre. Encore une fois, politiquement, le réalisateur surprend et se range dans la liste des Américains qui luttent contre une vision manichéenne du monde. Il n’y a aucun simplisme dans Créances de sang, malgré une apparente mise en scène classique. Même si le bien doit l’emporter, il peut nourrir le mal, l’entretenir, à son insu ou volontairement.
En quelques séquences, le réalisateur positionne le curseur sur l’échelle de sa morale : clairement, il est anti-Charles Heston et ne laisse pas une arme entre les mains des enfants. Tout aussi limpidement, il ne juge plus à l’apparence. Il communique à l’ancienne, certes, mais il est " connecté " au monde, parce qu’il apprend ce que sont les gens. Cette ouverture sur l’autre, cette symbiose avec le système renforce le personnage d’un héros plus cérébral que physique. Pourtant tout est souvent filmé à l’extérieur. On ne rentre pas dans l’intimité des gens. En fait, cette sur-communication n’empêche pas la méconnaissance de l’autre, et la prudence à faire le premier pas. Ce sont des individus qui parfois s’accouplent, quel que soit le motif. Une vision assez amère...
Le film est au final stressant, avec une forte référence à Cape Fear de Scorsese, et pourtant il est légèrement plus convenu dans sa forme. Sa trame narrative est parfois complexe, mais dans le registre de la greffe Almodovar a fait mieux.
Cependant, incontestablement, Créance de Sang, sans apporter de sang neuf, est un film clairvoyant et valorise un peu plus le long requiem commencé avec le déjà crépusculaire Impardonnable.
 
vincy

 
 
 
 

haut