Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Phantom of the Opera (Le fantôme de l'opéra)


USA / 2004

12.01.05
 



LES PETITS RATS ET LEUR JOUEUR DE PIPEAU





"- Quand viendras-tu mon maître?"

L'étoile va, non pas à la danseuse, mais à la chanteuse. Une étoile pour un tel film c'est peu (comparé aux attentes), et c'est beaucoup trop (après l'avoir vu). S'il n'y avait pas la présence d'Emmy Rossum, le zéro pointé aurait renvoyé ce fantôme d'opéra dans les catacombes du cinéma.
Car tout est toc. Dans cette reconstitution "artistico-numérique", nous sommes plus proches du pitoyable Vidocq que du jouissif Moulin Rouge (où le Tango de Roxanne avait davantage de grain et d'âpreté). A voir ce petit théâtre qui sert de grand opéra, la démesure ne sera pas de ce monde. Pire, le révisionnisme et l'aspect carte postale vont dénaturer complètement le contexte de cette histoire pourtant bien noire. Tout est factice et invraisemblable, jusqu'à la tombe grandiose d'un modeste paternel ou ses gorges dénudées de chanteuses, en plein tempête de neige. C'est à ce genre de détail que le tragique devient grotesque.
Le film se rêve Titanic (le flash back narratif), a les allures d'un Baz Luhrman (sans la folie créative) et surfe sur le phénomène Chicago (l'adaptation de "musicals" made in Broadway) et devient à la comédie musicale ce que Pearl Harbor était au film de guerre. Une forme de parodie involontaire. En cela, Rossum est la seule qui parvient à jouer (et chanter) juste, dans une note dramatique. Sinon il faut l'outrance d'une Minnie Driver en diva italienne pour se sentir, enfin, dans un registre plus en phase avec notre ressenti. Tous les autres se prenant au sérieux (tout en étant très fades) nous apparaissent décalés pour ne pas dire ridicules. Contrairement à ce que nous voyons à l'image, nous ne retrouverons jamais le lustre d'antan, les couleurs d'autrefois. C'est la première incohérence : le présent est en noir et blanc et le passé en couleurs. Cela donne la transition la plus esthétique du film, mais démontre à quel point l'image n'a plus de sens aux yeux d'Hollywood. L'idée est de créer un effet plus que de lui donner un sens. Beaucoup de pompe et d'énergie, mais si peu de faste et de fantaisie.
Nous passons donc de la poussière aux ors et velours. Schumacher n'oublie pas d'épaissir son propos avec les techniciens en coulisses, les prolétaires du spectacle, un regard un peu ironique sur le star système. Mais ça ne suffira pas à élever l'ensemble d'une lourdeur aussi massive qu'une cantatrice castratrice en costume de scène. Les décors sont kitschissimes (d'un mauvais goût digne de Barbra Cartland). La musique a mal vieillit, hésitant entre arrangements symphoniques et sons plus seventies. Et voilà l'écueil qui survient : Schumacher et Lloyd Weber ne sont pas sortis des années 70. Ces fantasmes (la muse pour son mentor, les auteurs pour une époque) font resurgir un look "vintage", entre clips de Mylène Farmer (tendance Libertine) et Ladyhawke, Emmanuelle et Excalibur. En moins bien, évidemment : de la barque "vénitienne" dans les brumes du Styx à cette vestale immaculée sur un cheval noir, rien ne nous épargné. Même pas l'amant viril montant à cru son destrier véloce.
D'autant que l'histoire est, elle aussi, passablement démodée, pour ne pas dire ringarde. Comment filmer, encore aujourd'hui, une romance de ce genre, où la jeune pucelle s'amourache d'un vieux salaud psychopathe? Possession ultime perversion de l'amour chrétien? En tout cas la soumission maso de la voix pure et cristalline à son Maître monstrueux renvoie aux années pré-IVG. Tout a vieillit, tout est dépassé. Jusque dans les métaphores (l'autre face du miroir, le petit rat qui a peur des rats). La belle et la bête, mais Cocteau était bien en avance sur leur temps.
Ici le livret est mauvais, les chansons plutôt mièvres, les actes explicites, trop visibles. Aucune subtilité. Le film est une grosse farce. Ca se veut un Opéra, mais après tout le public distingué n'applaudit et ne se divertit qu'avec un spectacle de grossièretés, de petites vulgarités, entre soubrettes et bestiaire. La partition est monotone, hormis un morceau, répété, et sur lequel on calque toujours des images gothico-romantiques. Baroque.
Après le premier meurtre, le premier bisous. On passe de Thanatos à Eros, de Hair à Elephant Man sans jamais être émerveillé. Nous sommes glacés de tant d'effrois, de si peu d'émois. Il y avait pourtant de quoi faire avec ce monstre mis à la marge. Au lieu de cela, tout est risible. "Mes pensées te résistent mais mon âme s'incline." Elle parle de Dieu, de son père, de ce mec qui se prend pour le fantôme parce qu'il a un masque (et à peine plus vieux qu'elle, une des nombreuses incohérences du casting). Pauvre gamine à la fois tentée par le diable - qui leurre - et le regret du défunt père, elle ne voit pas que le chevaleresque mécène est prêt à lui prouver son amour à la pointe de son épée. Le duel aura lieu au cimetière. Ca aurait pu faire des économies pour le cortège funèbre, mais le film doit encore durer une heure. De longues minutes où le défiguré se prend pour Mozart (Lloyd Webber n'a pas de pudeurs), les hommes jouent très bien avec leurs capes, et où l'héroïne ne perd toujours pas sa virginité! "Suis-je maintenant la proie de vos désirs charnels" Texto. Il était temps de s'interroger sur les envies des protagonistes : de la chair fraîche. Le film lui est avarié. Comme une pute racontant la gueule des gargouilles passées entre ses jambes... Un musée des horreurs!
 
vincy

 
 
 
 

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