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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Closer (Entre adultes consentants)
USA / 2004
19.01.05
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LOIN DU COEUR, ...
"- Je t'aime et j'ai envie de pisser."
Ne m'en voulez pas. Mais il n'y a que les anglo-saxons pour parler des choses de l'amour. Les badinages franchouillards (Un petit jeu sans conséquence) font pâle figure à côté, question écriture et modernité. Closer est un film contemporain (actuel), dont les dialogues "smart" décrivent avec délectation nos moeurs libidineuses (cf Sex in the City). Ils s'approchent très près de la réalité, nous accrochent avec virulence, et nous reprochent quelques petits défauts.
C'est cru. Chaud. Direct. Franc. Violent. L'intimité est passée au scalpel. dans un décor londonien qui n'a plus rien à voir avec Notting Hill. De la froideur (cimetière, gratte ciel, hôpital, aquarium, espace d'exposition trop vaste...). Mais de la dérision aussi. Ca mord. Les jeux sont cruels. Où est l'amour dans ces liaisons périlleuses?
Situé dans les mensonges, trahisons, tricheries, masques, tristesses, solitudes? Comme dans les photos d'Anna, visages pas si heureux, mais rendus beaux par la magie de la photo...? Les mecs sont perdus, se laissant mener par leurs envies. Coqs en érection. Une folie sourde chez l'un. Une douce immaturité chez l'autre. Les femmes assument leur sexualité, même le scabreux, au nom de leur liberté. La psychologie est précise. Nickel. Ce sont des animaux prisonniers de leurs pulsions qui cherchent à mettre l'autre en cage. Difficile d'affronter la vérité quand on autant de possessivité en soi. Seul vice visible. Les autres n'ont rien de honteux dans ce Kama Sutra verbal. Closer est une histoire d'éclosion : celle de la vérité qui mène à l'identité. Le discours est clinique, le sexe mécanique, les sentiments listés. D'ailleurs, à y regarder de plus près, il n'y a pas de sentiments dans ce film : aucune émotion. Juste ces existences qui nous interpellent face caméra, comme si nous nous regardions dans le miroir. Pourtant ils ne regardent jamais la caméra.
C'est bien filmé. Mike Nichols a su adapter cette pièce en nous faisant croire qu'il s'agissait d'un film alors que ça se lit comme un livre. Il a inventé des scènes, s'est laissé hypnotisé par ses stars, pour notre plus grand plaisir. Le texte faisant le reste. Il revient à ses chroniques des rapports amoureux. On se souvient du Lauréat. "J'étais en patte d'eph quand t'es née." Entre Virginia Woolf et le roman moderne. La morale est d'ailleurs plus européenne qu'américaine.
C'est bien écrit. Ca fonctionne avec des hyperliens. Chaque duo, chaque trio se croisent ponctuellement. Le temps entre chaque intersection n'existe plus, anéanti par un fondu au noir. Le vécu n'intéresse personne. Tout le monde le connaît. Le changement, les mouvements forment le coeur du film. On clique de la sophistiquée Julia Roberts à la provocatrice Natalie Portman, de l'élégant Jude Law au primaire Clive Owen. Quatuor échangiste. Bien joué. Crédible. Le scientifique et le romantique se font une sale guerre d'amour propre. Tous les mecs seraient-ils des salauds? Ou des minables, juste "deux mecs se branlant dans le cyberespace." Ca va loin dans les manigances et sous entendus. Mais si ça a le goût, l'odeur, la manière de la baise, ça n'a jamais la saveur du sexe. Film frigide. On en parle, on le fait pas. C'est virtuel. On ne voit rien mais on y croit. Logique. Le film traite des fantasmes et des insatisfactions. La meilleure scène est une drague factice sur Internet. Ca en dit long sur nos subconscients.
Nous sommes finalement tous des étrangers et des inconnus, les uns pour / contre les autres. Tous les comédiens incarnent avec justesse leur personnage. Du quadrille, on dénote souvent Owen et Portman. Parce qu'ils sont à l'image du texte : âpres, violents intérieurement, menaçants, sans concessions, manipulateurs, intègres, intégristes, francs, absolus. Ils sont cyniques et l'assument, n'acceptent pas la nuance, la subtilité, le compromis. "Vous n'avez aucune idée de ce qu'est l'amour car vous ignorez tout du compromis." Tout est dit, ou presque. Car ce n'est pas pour rien qu'il y a attraction entre Roberts et Law; ils nous attirent avec leur beauté, leur suavité. Ils sont identiques. Ils aiment les mecs comme Owen ou les filles comme Portman, leurs contraires. Ils font face aux problèmes de la même façon, sans heurts, avec douleur. Mais eux sont dans le flou, ne cassent rien, se laissent flotter, quitte à tanguer entre les tentations, à encaisser les coups du destins. Alors qu'Owen et Portman sont les révélateurs, les requins. Désarmante Natalie Portman : dure, allumeuse, songeuse...
De soupçons en offenses masquées, la mauvaise conscience bourgeoise et cette satanée culpabilité créent les rebondissements, les dramatisations. Car, si les adultes sont consentants, l'adultère semble toujours non consenti.
Closer est un thriller psychologique et romantique fascinant. L'amour y est dévalorisé car nous n'avons plus de repère. C'est une monnaie d'échange, avec corps interchangeables. On ne construit plus rien. On ne se construit jamais. Maillons faibles. Il suffirait de comprendre pour se protéger. Mais, trop lâches, chacun s'expose aux blessures irréparables. "- Vous anéantissez ma vie." lui dit-il. Elle, philosophe, relativisant déjà le temps qui passe : "- ça passera." Et nous, ça nous reste. vincy
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