Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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The Aviator


USA / 2004

26.01.05
 



CITIZEN HUGUES





Le chemin du futur … Le chemin du futur … Le chemin du futur …

Les années défilent inexorablement au compteur et Martin Scorsese prend de la bouteille plutôt naturellement. Le temps rejoint l’homme qui n’a cessé de filmer son pays au fil de l’Histoire, à travers les portraits d’américains hors normes qui ont mis en exergue tous les phantasmes, les espoirs et les désillusions d’un peuple recomposé avec ses identités multiples. Autant de failles dans lesquelles le cinéaste a sondé sa propre vie. La jeunesse passée, les vieux démons sont toujours présents mais la rage viscérale semble canalisée, anesthésiée. Jack La Motta / John Hugues même combat, mais pas forcément sur le même ring. Les deux figures sont habitées d’obsessions semblables, qui se résumeraient par le dépassement de sa propre condition dictée tout autant par ses facultés que par son milieu. Le producteur est mieux né, il se heurte cependant aux mêmes limites finalement. Chez le boxeur, les handicapes (jalousie et immaturité qui engendraient une violence destructrice) explosaient à l’écran en un tourbillon sanguin. Plus clinique, l’expression de la folie de Hugues sera d’une part confinée dans la solitude, cachée du reste du monde au fond des toilettes d’un club ou d’une salle de projection. Pour le reste elle se traduira par la débauche du faste à paillettes et la démesure de l’exploit, la paire masquant de façon calculée la réalité des maux intimes. La dynamique du film viendra essentiellement de ces séquences exubérantes, fiestas mondaines et loopings aéronautiques, enchaînées par un montage frénétique. Les crises seront plutôt synonymes de ruptures de rythme, empêchant au final l’œuvre de trouver une véritable intégrité artistique sur sa (longue) durée.
Scorsese et son scénariste ont pourtant pris soin de tailler dans la masse de la biographie, se callant sur deux décennies tout en maintenant le déroulement chronologique linéaire. La période reste charnière et regroupe suffisamment d’éléments susceptibles de livrer les clés du destin de l’énigmatique Hugues, encore que beaucoup de zones d’ombres persistent. L’équipe fait des choix narratifs plus qu’elle ne spécule vraiment. Des choix parfois discutables mais qui éviteront à The Aviator éventuellement de verser dans la version didactique trop officielle. Les premières victimes des ces coupes seront les femmes, reléguées au second plan.
Dérisoires les débuts à l’écran surmédiatisés de la chanteuse Gwen Stephani en Jean Harlow révélée, accessoire la prestation de Kelli Garner en Faith Domergue potiche, la piètre Kate Beckinsale rame encore pour incarner le charme vénéneux de la belle Ava Garner dans les quelques plans qui lui sont concédés. L’accent sera porté sur Katharine Hepburn, la véritable muse du séducteur, permettant à Kate Blanchett de donner corps à un vrai personnage allumé en position de donner le change à un DiCaprio omniprésent qui bouffe l’écran. Si Scorsese reste prude en général sur la question du sexe, il n’a pas pour autant l’habitude de faire radicalement abstraction de la chose. Ici, point de coucheries exposées, son Howard Hugues en deviendrait presque asexué, lui le dévoreur de starlettes, un comble... mais surtout un manque de vitalité frappant de ce personnage grandiloquent à la passion du coup essentiellement cérébrale plus que sensuelle (DiCaprio caressant le fuselage de son avion comme la jambe d’une maîtresse gainée d’un bas chromé, on stagne dans la symbolique). Il faudra se contenter d’un cours plutôt comique sur l’art de vendre un décolleté à une commission de censure pour mesurer, de loin, la lubricité du mythe.
La fresque est ample, riche mais manque donc passablement d’huile dans ses rouages pour afficher une flamboyance digne d’un Casino. En même temps chez Miramax on sait faire les choses en grand, surtout à l’approche des Oscars, quitte à y sacrifier quelques audaces. Scorsese a su profiter des moyens mis à sa disposition, il s’est fait plaisir, au moins en tant qu’historien du cinéma, rôle qu’il affectionne depuis ses débuts. Cet Hollywood des années 20 qu’il reconstitue en pleine ébullition technologique surprend par sa modernité. A croire que rien n’a changé. Howard Hugues, cinéaste producteur taillant sa route au milieu des requins installés de la MGM, fou d’innovations et de budgets pharaoniques, c’est un peu l’arrivée de Coppola, Spielberg, Lucas et de toute leur clique de wonderboys vers la fin des seventies (hommage discret à sa génération ?). Une nostalgie féconde qui retracera l’émergence du parlant, du bicolore et du technicolor, le tout imagé par un travail d’étalonnage photographique évolutif saisissant sur l’ensemble de la durée du film. Un grand merci au numérique et au chef opérateur. L’aéronautique loin d’être rangé au rencard finira par voler la vedette au showbiz. Car si le 7ème Art représente la devanture du business de Hugues, parfaitement adaptée pour se construire une réputation et draguer les minettes, c’est en planant littéralement que Scorsese semble signifier que son héros accède au 7ème ciel. Les retours sur terre seront multiples et fracassants. Les crashs promettent des instants d’anthologie trop spasmodiques pour rayonner sur le total de l’addition, mais témoignent d’un savoir faire qui laisse pantois tandis que le crack industriel promis par un complot étatique (les politiques déjà bien corrompus par l’idéologie ultra libérale) ne génère qu’un sommaire suspense tardif.

Howard Hugues finira seul dans la déchéance. C’est une autre histoire que Scorsese ne racontera pas, fermant sa boucle là où il l’avait ouverte, sur l’enfance, la source de l’inspiration mais aussi celle de l’éveil du trouble. Une séance de toilette maternelle qui sent bon le bouton de rose, ultime clin d’œil cinéphilique évident en direction de Wells cette fois-ci. Hugues / Charles Foster Kane, un destin de tycoon effectivement bien semblable. La fluidité n’assimilera pas les deux œuvres malheureusement, pas plus qu’elle ne le fera avec celle de l’ascension et la descente de Jack La Motta. Engoncé dans l’accumulation à vocation prestigieuse, Scorsese ne ménage pas sa peine mais bride par trop sa fougue entre deux digues. Résultat : un bel écrin qui permet à DiCaprio de jouer toutes ses gammes, l’imposant comme un interprète hors pair. Une odyssée où la démesure rivalise avec l’introspectif abyssal. Mais la sagesse formelle du cinéaste a pris le pas sur le punch d’antan. S’il admire Howard Hugues en tant que hors la loi de Hollywood, sa dévotion n’en fera pas pour autant trembler les fondations de la Mecque californienne. Les braises plus que le feu.
 
PETSSSsss-

 
 
 
 

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