Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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La vie de Michel Muller est plus belle que la vôtre


France / 2005

26.01.05
 



LES TRIBULATIONS D'UN TRUBLION EN FRANCE

Le livre Bye Bye Bahia



« Putain. Non seulement c’est mal écrit, mais ça, bon… Mais en plus t’as produit ça en une nuit et t’as pas relu… T’as du talent. Tu vas sûrement trouver un producteur qui va produire cette merde. Mais fais pas ça. Ce serait faire trop de mal au cinéma » (Jean Benguigui)

Surprenant. Outre son joli et intrigant titre, le film de Michel Muller est surprenant. Plus subtil que son dernier spectacle (exceptées deux ou trois scènes pour le folklore), La vie de Michel Muller est plus belle que la vôtre affiche une dimension drôle, certes, mais aussi poétique et touchante, dimension que l’on devine également chez son créateur.
Mais reprenons. Michel Muller joue Michel Muller. On assiste en voyeurs à la vie d’un comique à succès : scènes de spectacles, crises d’angoisse, ego surdimensionné, doutes, sensibilité exacerbée, vie excessive, drogue, alcool, une cour d’amis qui gravite autour… La solitude en toile de fond, côté pathos : ses petits déj sont aussi froids que la déco de sa cuisine. Bref, tous les éléments sont là pour nous présenter un personnage célèbre qui marche au bord d’une falaise. L’angle choisi est celui du documentaire à l’américaine : incrustations d’interviews illustrées par des scènes de vie filmées comme un reportage. Un film où le témoignage se situe entre vérité et fiction. Sommes-nous complices ou dupés? La réponse se trouve certainement dans les scènes de pur suicide médiatique (l'autre titre du film), comme ces scènes de sexe dans les wc les plus glauques. Nous sommes dans la dérision-provocation qui sied bien à l'humoriste, un foutage de gueule (la sienne en premier lieu). Derrière cette fragilité évidente, la « cour » du comique parle du « roi ». C’est alors l’ami d’enfance, l’assistante, le metteur en scène ou encore des collaborateurs scénaristes qui témoignent de la façon dont ils perçoivent leur roi. Autour, les scènes se succèdent : les coulisses, les repas suivant les représentations, les boîtes, les rendez-vous (incroyables et excellents) avec le producteur de Luc Besson… L'exercice est narcissique. Mais ne l'est-il pas, Muller, avec autant de flatteurs à ses basques?
De plus en plus, des éléments se glissent et viennent démonter le côté vraisemblable du film. C’est alors des petites phrases vaches lors des interviews (« y a pas une maladie qu’il n’a pas faite », « c’est une sorte de… comment je pourrais dire ?… pas éminence grise, ce serait beaucoup, mais… »). Petit à petit, la fiction prend le pas sur le documentaire et l’on ne peut s’empêcher d’avoir une pensée (très) lointaine pour Les photos d’Alix de Jean Eustache. Même si l’on n’est pas dans la même catégorie, le principe demeure identique : le glissement par petites touches vers l’irréel. Comme les photos qui s’éloignaient de plus en plus de la description qu’en faisait la photographe, la réalité de Michel Muller s’éloigne progressivement pour céder la place au n’importe quoi. Le film s'inscrit entre Les clefs de la bagnole de Baffie et Ma vie à Rouen de Ducastel et Martineau. Il reprend le principe de plus en plus courant de la caméra intrusive, subjective, omniprésente (et avec les mobiles ça ne s'arrange pas). Cette caméra renvoie le réel dans le fictif, le cinéma dans la vie, où l'acteur est un cobaye de l'image, vampirisante (Garçon stupide, Super Size me...). Mise en abime déjà exercée par les reality show et la télé voyeuriste, tournée vers l'égo de l'individu, banal et du coup, presque célèbre. Il n'y a plus de différences entre les caméras, les écrans, le sujet filmé.
Avec son côté C’est arrivé près de chez vous (et le réalisateur ne nie pas s’en être un peu inspiré) et son basculement vers l’absurde, c’est une poésie naïve qui éclate dans la seconde partie lorsque Michel Muller entre en crise existentielle et renonce à son métier de comique pour faire du vrai cinéma. Le film offre alors des moments lunaires pendant lesquels le réalisateur ne recule devant aucune ineptie (à son assistante : « trouve-moi l’adresse de François Truffaut, j’ai besoin de lui parler » ou encore quand il sonne chez Claude Miller pour qu’il lui donne des cours de cinéma).
Même si La vie de Michel Muller est plus belle que la vôtre est parfois un peu graveleux et même si de temps en temps, cela patine un tantinet, le film regorge d’idées et de moments jouissifs qui en fait un film séduisant. Ne serait-ce que par certains personnages truculents : le producteur qui avoue qu’une fois par an, Luc Besson - à qui Muller doit ses rares rôles au ciné - s’isole une semaine pour se vider la tête et écrire six scénarios, ou encore qui regrette les quatre rendez-vous vains qu’il a eus avec Michel Muller (« quand je pense à tout ce qu’on peut faire en trente minutes… »). Et aussi l’excellent veilleur de nuit qui accompagne le projet de l’ex comique (réaliser un vrai film) en filmant avec une caméra de surveillance… Sans oublier le comédien Jean Benguigui par qui tous les malheurs arrivent quand il incite Michel Muller à prendre conscience de l’inconsistance de son existence.
Le projet a une conscience, une consistance et désormais une existence. Mais, à part parler de soi, le cinéma/télé a-t-il quelque chose à dire? Tout ce numérique nous amènerait-il à un nombrilisme (le créateur) et un voyeurisme (le spectateur) permanent? Une caméra, un homme, un film? La vie de Michel Muller : le titre apporte la réponse. A quand l'imaginaire de Michel Muller?
 
laurence (& la rédaction)

 
 
 
 

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