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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Un long dimanche de fiançailles (A very long engagement)
France / 2004
27.10.04
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ALLIANCE AU FRONT
«- Bingo Crépuscule... et pourquoi pas Youpi Tralala ? »
Si le cinéma de Jean-Pierre Jeunet ne s’est jamais clairement inscrit dans le présent, son nouveau film sera en tout cas sa première incursion explicite dans le passé historique hexagonal. Un choix supposé en forme de pied de nez à l’encontre de ceux qui à l’occasion du ras de marée Amélie Poulain l’avaient injustement classé en réactionnaire exaltant une France surannée de carte postale, au même titre qu’un Jean Becker pêchant la grenouille dans son « convivial » marais. Injustement parce que si le cinéaste puise son inspiration des images de son enfance, c’est avant tout pour créer un univers fantasmagorique intemporel dans une démarche finalement proche d’un Tim Burton, préférant, au modernisme forcené, entretenir les codes esthétiques très suggestifs d’une Amérique révolue. Aussi Jeunet en abordant la première guerre mondiale ne se compromettra pas dans le revival conservateur qui fait tant recette sur tous les écrans ces derniers mois, il produira avant tout du Jeunet. Ce sera l’intérêt principal du film, mais aussi moins heureusement sa faiblesse majeure.
Courant sur les années 14-18, l’adaptation du roman renvoie pratiquement à tout ce qui a pu être déjà filmé sur cette période tragique. Des gueules cassées de La Chambre des officiers à la cour martiale des Sentiers de la gloire, sans oublier les portés disparus de La vie et rien d’autre, la matière est conséquente et aurait en toute logique du pousser le cinéaste vers la fresque fleuve et l’inciter à faire table rase en laissant de côté son penchant immodéré pour les vignettes minutieusement scotchées qu’il affectionne depuis ses débuts en court. Il n’en est rien. Dés la première bobine, l’impénitent Jeunet brandit son CV en réintroduisant la technique de l’énumération compulsive pour présenter ses personnages façon j’aime ou j’aime pas, frisant prématurément l’auto citation qui fait des ravages chez bien des auteurs en fin de course qui ne se renouvellent plus (Lelouch pour ne balancer personne d’autre). L’exemple n’est pas isolé, il conditionne la globalité du film qui s’inscrit bientôt dans la continuité stylistique du Fabuleux destin d’Amélie Poulain. En s’en tenant à cette référence, le parallèle ne se résume pas au retour de Audrey Tautou dans le rôle principal de Mathilde. Le personnage chétif tout juste sorti de l’enfance, dont la perspicacité n’a d’égal que l’entêtement, pourrait être l’ancêtre idéale de la montmartroise. Jeunet pousse même le vice à glisser furtivement entre les mains de son héroïne une boîte rassemblant les souvenirs de poilus tombés pour la patrie, tout comme il l’avait fait précédemment lors de la révélation d’Amélie. Amélie cherchait l’amour, Mathilde l’avait déjà trouvé, elle l’a simplement perdu. Dans les deux cas le récit s’oriente alors vers une quête passant par l’ouverture sur le monde et épousant la forme d’un jeu de l’oie aux cases multiples autorisant toutes les libertés cinématographiques, glissant ici dans des tonalités plus sombres, contexte oblige. Si les inconditionnels seront aux anges, les sympathisants dont nous sommes ne peuvent s’empêcher de renâcler devant tant de systématisme qui confère à la rigidité. Certes la patte du metteur en scène s’affirme avec une générosité qui ne se dément pas. Un long dimanche de fiançailles demeurera cette année selon toute vraisemblance le film français le plus ambitieux artistiquement parlant, du soin de la reconstitution des costumes, accessoires et décors à l’image aux patines numériques léchées. La magie est bien là, alors que ressurgissent sur l’écran, les champs de bataille ou les quartiers de Paris oubliés (Les Halles) avec en prime l’étincelle de vie qui a quitté depuis bien longtemps nos vieux clichés jaunis... Le casting est somptueux, rassemble une bonne part d’habitués du réalisateur dont les compagnons des débuts qui se coulent avec délice dans leur emploi habituel, Dominique Pinon en bougon ou Jean-Claude Dreyfus en cochon. Les nouveaux arrivants frôlent parfois la figuration (Denis Lavant) ou parviennent à tirer leur épingle de la meule en fonction de l’espace qui leur est accordé. Marion Cotillard ne cesse de surprendre, sa composition de veuve à la vengeance corsée ne manque pas de panache même si ses apparitions spectrales tendent à détonner de l’ensemble. Mais Jeunet se lâche dans tous les registres, quitte à se cloisonner dans chacune des ses expérimentations les plus spectaculaires (l’incroyable séquence haletante du dirigeable) et à oublier au final la prépondérance vitale de la colonne vertébrale de son film, lacune qui marque l’ensemble de son Ïuvre cinématographique par ailleurs. Aussi l’histoire d’amour entre Mathilde et Manech, véritable moteur supposé du cheminement du film, sera esquissée avec une récurrente timidité d’adolescent qui rougit. Entre visite de phare et séance de dédicace sur les cloches de la paroisse, le coup de foudre se réduit au flirt de vacances, une main sur le sein, sans que l’innocence ne parvienne à joindre l’absolu. La puissance de la relation du jeune couple aurait du faire l’ouverture du film pour mieux être confrontée à la violence inouïe du champ de bataille, elle se retrouve disséminée en flashbacks romantiques touchants mais sans passion palpable. Jamais la séparation et le manque occasionné par l’absence ne prennent corps dans la chair des personnages pour engendrer une tension dramatique convaincante. La naïveté de ces fiançailles sera la même que celle de la rencontre d’Amélie et de Nino, elle semblera juste moins porteuse dans ces temps de tragédie. Au point où la fougueuse et toute aussi fugace liaison de Foster et Kircher marque plus les esprits tant les sentiments sont plus évidents, les étreintes réellesÉ
Il y a une maturité peu évidente de conteur que devra acquérir Jean-Pierre Jeunet, en composant avec ses automatismes formels et ses penchants obsessionnels naturels, pour servir totalement ses sujets voire en atteindre d’autres plus inattendus. Un long dimanche de fiançailles aurait probablement gagné à être moins marqué du sceau intègre de l’auteur, à ce que les prises de risques soient plus de l’ordre narratif que purement technique et plastique. Le réalisateur parvient une fois de plus à nous offrir des instants de cinéma renversants, mais le sentiment persiste qu’il se décline plus facilement qu’il n’évolue véritablement... petsss
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