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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Bowfinger
USA / 1999
10.11.99
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THE PLAYERS
"-Je trouve que c'était un merveilleux mensonge...."
C'est un film qui assassine Hollywood. Et qui, paradoxalement, est spécifiquement hollywoodien. Bowfinger est dans la lignée des films dans le film, de ces coulisses pas très roses du cinéma (cf Altman), un portrait cynique du métier, mais bizarrement optimiste, puisque tout y est possible : produire avec 2184 dollars un film ayant pour vedette la méga-star du moment ou encore être immigré mexicain clandestin et lire "Les cahiers du cinéma" deux mois plus tard.
Cette comédie écrite par son acteur principal, Steve Martin, est inspirée, sans aucun doute. Il y a des scèenes magnifiques (la traversée de 8 voies d'autoroute en courant), des dialogues percutants ("Elle a autant de charme qu'un code postal du Kansas"), des acteurs excellents (sans exception, avec mention pour le double-rîle d'Eddie Murphy, qui enfin, nous refait rire).
Il y aussi cette merveilleuse idée de réunir deux as du Saturday Night Live, deux comédiens aguerris, vaquant entre leur statut de star hollywoodienne et leur réputation de comiques planétaires. Le producteur-fabulateur qu'incarne Steve Martin et la star arrogante et parano jouée par Eddie Murphy. Deux extrêmes d'Hollywood, qui ne vivent que par et pour Hollywood ("le système"), devenant ainsi des caricatures d'Hollywood. Entre un dont le rêve est de voir arriver un Monsieur FedEx dans son bureau avec une proposition de production. Et l'autre, totalement manipulé par une secte (qui rappelle fortement la scientologie), paranoïaque et coupé de la réalité.
Le film entier est d'ailleurs coupé de la réalité. Tout y est surréaliste, exagéré, invraisemblable, métaphorique et se conclut dans un délire de série Z. Toute la fragilité du film tient entre cette farce kitsch que Bowfinger tourne et cette comédie satirique que Steve Martin a écrite.
Car Bowfinger est une violente attaque contre un certain cinéma. Les cyniques apprécieront. les crédules ne comprendront pas. Et tous ne riront pas, ou alors un peu jaune. Cet "inside joke" version long métrage est une sorte de règlement de compte entre un auteur-acteur qui croit encore au 7ème Art et un système qui investit dans des produits. Résumé ainsi : "Les gens veulent du cinéma, pas des films". Le spectateur n'a pas envie de réfléchir. Il veut des phrases chocs. Or, là c'est très réaliste. Sur un scénario apparemment sans queue ni tête, Martin délivre un message très clair, cohérent, analytique, sans appel.
Il critique ces modes, cette apparence qui est au dessus du talent. Il détruit consicenscieusement l'influence des sectes sur nos stars. Il en rajoute sur les égos de chacun ("Il aura prouvé que nous, par ce nous je veux dire moi, sommes importants"). Il bluffe les gens par de la tchatche. Il invente des concepts ("Le cinéma nouveau") pour rassurer. Il montre bien à quel point c'est la star, et non un script, qui lance une production. Bref, il démontre comment, en maîtrisant les failles d'H'wood, on peut contourner le système.
Et si c'est puzzle vous paraît incohérent, sachez que tout se tient. Martin est un auteur, qui sait avoir ses références, ses thématiques (dont son amour immodéré pour L.A.), et sa vision politique.
Sans être une comédie où l'on s'esclaffe, Bowfinger est un beau mélange de rire acide et de sourires en coin, de parodie loufoque et de leçon de cinéma.
Si le producteur Bowfinger ne nous convainc pas vraiment, le film, lui, peut assurément conquérir un large public. vincy
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