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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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DIEU EST UN MUSICIEN NOIR ET AVEUGLE
" - Ne laisse personne te traiter en infirme! "
Il fallait sans doute un film imparfait pour traiter une vie aussi complexe que celle du grand Ray Charles. Et plus encore la rencontre inédite d’un réalisateur passionné et d’un acteur pétri de talent pour éviter une hagiographie toute hollywoodienne. Car avec son cortége de drame, d’amour et de haine, l’ascension d’un "insignifiant" afro-américain, aveugle de son état, devenu "Roi de la musique Noire", réunissait les arguments rêvés d’un "American Dream" lacrymal et bien-pensant. S’il est un hommage sincère –et évidemment enthousiaste – d’un fan de la première heure à l’encontre d’un artiste hors du commun, Ray offre une peinture froide et plutôt iconoclaste de la gloire et de l’Amérique.
Loin des stades bondés et des groupies hystériques, Ray s’ouvre sur la vision presque surréaliste mais bien réelle d’un bus encore séparé entre Blancs et Noirs. A l’odeur âpre et suffocante du ségrégationnisme s’ajoute, au bout du voyage, celle plus enivrante mais tout aussi hostile des clubs et des bars de cette Nouvelle-Orléans tant désirée. Confortablement installé, le spectateur se voit offrir un somptueux voyage dans le temps à la rencontre d’un Ray Charles Robinson jouant des pieds mais surtout des mains pour prouver sont talent inné à qui veut bien l’entendre. Aux détours des improvisations délirantes et des concerts enflammés, Ray réinvente un monde aujourd’hui révolu avec la présence magistrale de quelques personnages aussi emblématiques que Quincy Jones, Fathead Newman ou les bluesman Gossie McKee et Lowell Fulson. La magistrale et sublime photo de Pawel Edelman (Le pianiste) finissant d’installer le film dans une veine intemporelle digne des grands documentaires classiques. Loin d’être de simples interludes, les innombrables tubes de Ray Charles s’accommodent aux intrigues et aux retournements (souvent drôles) du scénario. Encore fallait-il trouver un acteur capable d’incarner un Ray Charles plus vrai que nature. S’il a su s’en accaparer dans les moindres détails, la gestuelle très particulière et très démonstrative du chanteur et de la bête de scène, c’est en habitant un Ray Charles intime et personnel que Jamie Foxx est encore le plus convaincant.
A mesure pourtant que s’installe la légende du "Genius of Soul" comme les personnages et les événements qui y ont contribuée, Ray se fait plus sombre et moins infantile. En fan conquis mais impitoyable, Taylor Hackford s’attache à présenter un Ray Charles méconnu et méconnaissable. Le Dieu chantant se transforme en un homme fragile et meurtri, un mari infidèle et absent puis un enfant capricieux et drogué. Sans jamais chercher à excuser son héros, Hackford fournit au spectateur quelques indices prompts à expliquer les blessures et les multiples failles d’un homme adulé. Les épisodiques et ingénieux flash-back disséminés tout le long du film mettant la lumière sur une enfance meurtrie par la mort tragique d’un petit frère et la perte "accidentelle" de la vue.
Soucieux pourtant de ne pas trop charger Ray Charles dans la négative et d’en offrir un portrait moins sévère, Ray se noie dans un sentimentalisme et un symbolisme des plus insupportables. La cure de désintoxication et le retour vers le "droit chemin" sont autant de bons prétextes à un discours flatteur et grossier à la gloire de "l’American Way of Life" version afro-américaine. Même son de cloche pour l’aspect politique d’un film où le racisme de l’Amérique – pourtant bien réel – se réduit à quelques épisodes insolites (les flics et les hommes de pouvoir étant au final les seuls et "vrais" racistes) à l’image d’une saynète équivoque où Ray Charles passe aussi subitement du camp des "neutres" à celui plus angélique des "militants". Sans crier gare et sans plus d’explications. Jamie Foxx, véritable victime de ce basculement aussi soudain qu’inexplicable, se fait alors moins clinquant et plus brouillon. Mais peu importe. Car au même titre que les tubes hissés au rang d’hymne d'Etat ("Georgia on My Mind"), les clins d’œil complices des musiciens d’aujourd’hui ou la fidélité incroyable du grand public, le cinéma se devait lui aussi d’offrir un hommage appuyé et mémorable et faire justice à l’une des plus illustres voix que nous ait offert notre siècle. Autant dire qu’à ce petit jeu-là, le film de Taylor Hackford a véritablement de la gueule. jean-françois
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