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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Boudu
France / 2005
09.03.05
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BOUDIOU!
« Je voudrais juste savoir pourquoi elle penche la patronne. »
Avec son neuvième film, Gérard Jugnot frappe fort : adaptation de la célèbre pièce de René Fauchois déjà portée brillamment à l’écran par le grand Jean Renoir avec le sublime Michel Simon, ainsi qu’une affiche de choix avec un trio composé de Catherine Frot, Gérard Depardieu et Gérard Jugnot. A première vue, on se dit que tout est là. On imagine très bien Gérard Depardieu en clochard boudu… euh… bourru, Catherine Frot en épouse borderline et le réalisateur-comédien en petit bourgeois au grand cœur (« petit boutiquier » comme le dit Hubert le peintre). D’autant plus que le réalisateur annonce ne pas avoir suivi vraiment ses ancêtres et s’être éloigné un tantinet de l’histoire linéaire de la pièce et du film première version. Alors on se dit « chic » : une version 2005 personnelle du chef d’œuvre de Jean Renoir servie par des comédiens de choix. Et effectivement, Gérard Jugnot et son scénariste Philippe Lopes-Curval ont pris des distances par rapport aux deux originaux. Alors on n’est plus à côté de Notre-Dame de Paris, mais en Provence (Géménos, charmant petit village). Monsieur Lestingois, libraire de son état se transforme en Monsieur Lespinglet, marchand de tableaux. Madame n’est plus bégueule mais dépressive à tendance alcoolique. La bonne devient secrétaire et n’est plus écervelée. Bref, il s’agit bien d’une libre adaptation sauce Jugnot. Seul l’arrière-plan de la terrasse familiale demeure. C’est dire.
Mais le film démarre laborieusement. Un peu comme le personnage de Boudu : de manière quelque peu poussive. Comme si le réalisateur, malgré lui puisqu’il confie ne pas avoir revu le film depuis sa jeunesse ni avoir donc suivi la pièce initiale, n’avait pas su vraiment s’accaparer les codes du débuts du XX-ème siècle. Comme si lesdits codes pouvaient sembler quelque peu datés en 2005. C’est ainsi que lors de la première scène, on assiste à la cour empressée du petit boutiquier envers sa secrétaire. Et on a vraiment l’impression de voir du Feydeau avec les ombres planantes de la marâtre épouse et de l’amant dans l’armoire. C’est ainsi aussi que le jeu des personnages semble très appuyé : Gérard Depardieu et Catherine Frot en font, dans un premier temps, des paquets et cela nuit à notre bonheur.
Heureusement, plus le film avance, plus Gérard Jugnot parvient à se détacher un peu de l’aspect daté de l’univers et à restituer une émotion vraie. Plus le film se déroule et plus on a le sentiment que le cinéaste se libère du carcan des œuvres passées pour restituer son propre univers. Les personnages prennent leurs marques et s’éloignent peu à peu d’un jeu empesé et caricatural parfaitement adapté aux comédies d’antan mais passant mal le cap du réalisme actuel.
Comme à son habitude, Gérard Jugnot s’intéresse aux relations humaines et montre joliment l’humanité de ses personnages. Boudu en tête (et là le réalisateur rejoint Jean Renoir dans sa maîtrise à restituer la complexité du bonhomme) se révèle un homme rustre certes, mais clairvoyant et définitivement libre. Même s’il s’incruste dans cet univers bourgeois et s’il prend ses aises tel un coq en pâte, on sent bien que nul ne le fera plier et qu’il n’a de cesse de marquer l’inconscient de son entourage par sa liberté, son impertinence et, surtout, son aptitude à savoir ce qu’il veut et ce qui est bon pour lui. Face à ce Boudu révélateur, les autres personnages se dégagent de leurs faux-semblants et se rapprochent ou s’éloignent à bon escient. Et toutes ces turpitudes sentimentales finissent par donner au film une dimension touchante et aboutie.
Malheureusement, cela ne suffit pas à nous conquérir parfaitement. L’ombre du Boudu sauvé des eaux de 1932 n’est que trop présente et l’on ressort un tantinet frustré de ne pas nous être régalés autant qu’on l’aurait souhaité. Que voilà un regret : ne pas dire autant de bien que l’on voudrait du nouveau film de Gérard Jugnot ! Laurence
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