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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Va, vis et deviens
France / 2005
30.05.05
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LA TERRE PROMISE, PAS ENCORE !
- " Du calme Schlomo. Ne peux-tu pas arriver doucement comme le Messie ?!? "
On attend parfois du cinéma qu’il répare miraculeusement les oublis imposés par l’Histoire. En mettant en lumière sur grand écran le sauvetage et le rapatriement, au début des années 80, des centaines de milliers de juifs Ethiopiens par l’Etat d’Israël, Radu Mihaileanu offre une tribune inespérée à un peuple millénaire trop longtemps ensablé dans les méandres désertiques du mépris. En défenseur passionné et convaincu, le réalisateur de Train de vie s’attache à exploiter les filons utilisés par celui qui souhaite, à tout prix, convaincre le monde du bon vouloir de son combat. Avec ses qualités et ses défauts. Et une honnêteté plus que louable. A s’imposer un tel sujet (au sein d’un pays polémique sans cesse mis au banc des nations) rendu plus délicat encore par la "fausse" judaité de son jeune héros, Mihaileanu ne s’est pas véritablement facilité la tâche. Mais pour le cinéaste comme pour les détracteurs et défenseurs des Falashas, ce détail importe peu. Car loin de prétendre décider de ce qui est Juif ou de ce qui ne l’est pas, Va, vis et deviens tient plutôt du pamphlet humaniste et généreux contre l’intolérance, l’incompréhension et l’ignorance. Arraché aux étendues mortelles de l’Afrique, Schlomo (le fou de Train de vie portait déjà ce nom) découvre en Israël un monde étrange et surréaliste régis par de "drôles de blancs" portant sur lui un regard empreint de méfiance et de fascination. De ce pays bien trop étriqué, Schlomo doit apprendre les codes, les coutumes et les langues. Invitant le public à se pencher au plus prés de ce choc des cultures insolite, Mihaileanu profite des situations les plus anodines de la vie quotidienne pour faire naître un humour subtil et incisif : l’apprentissage à l’école, les cours religieux, les repas en famille… De la méfiance des israéliens à l’encontre des nouveaux arrivants, le cinéaste n’en fait jamais un racisme latent ou généralisé. A la bêtise d’une poignée d’extrémistes religieux ou de quelques parents d’élèves ignares répondent d’autres personnages tout aussi communs, mais plus conscients et ouverts comme ce magnifique policier de Tel- Aviv.
Mais c’est de l’impossibilité du héros de faire éclater sa véritable identité et de persister à vivre avec un nom et un passé tronqués qui donne tout son sens à Va, vis et deviens. Prenant partie d’imaginer un avenir décent à Schlomo, Mihaileanu l’impose assez subtilement sur la durée. Des rêves de l’enfance à la rébellion de l’adolescence jusqu’aux désillusions de l’âge adulte, Schlomo traverse l’histoire fragile et incertaine d’un pays en guerre depuis sa création en 1948. S’il refuse toute analyse pratique ou politique du conflit israélo-palestinien, le réalisateur injecte quelques clins d’œil relatifs à des événements récents (attaque des Scuds Irakiens sur Tel Aviv en 1991, Intifada, attentats …) qui sèment un peu plus le trouble chez Schlomo et parmi la société israélienne (représentée ici par Yoram, le père). Dommage pourtant que pour pallier à l’humour bon enfant qui traverse le film, Radu Mihaileanu cède trop méthodiquement aux appels du larmoyant et du mélodrame en s’attirant les suffrages de spectateurs déjà au bord de la crise de larmes (jusqu’au happy end). Dommage aussi que Va, vis et deviens se borne à reprendre un discours plutôt péjoratif sur le monopole "du cœur" de la Gauche israélienne – et la Gauche en général – à faire la paix (bon nombre de politiciens ayant signé la paix avec les palestiniens ou les voisins Arabes d’Israël étaient… de Droite) ou utilise quelques raccourcis maladroits (le film donne l’impression que les Falashas sont totalement abandonnés par les pouvoirs publics et le seul palestinien apparaissant à l’écran est un homme haineux et vulgairement antisémite).
Reste que ses défauts avérés mais pas aussi dommageables au final, sont les signes équivoques d’une volonté de Radu Mihaileanu et de son scénariste Alain-Michel Blanc d’interpeller le plus grand nombre de spectateurs même les plus apolitiques. A voir la radieuse Yael Abecassis et le toujours aussi surprenant Roschdy Zem déployer autant de sincérité pour faire exister la mémoire de ces enfants de Moïse à la "peau rouge" (et dont les trois acteurs incarnant Schlomo sont les somptueux ambassadeurs, notamment Sirak M. Sabahat), on comprend aisément que les spectateurs allemands aient décerné au film le Prix du public à la 55éme Berlinale. La poésie amère et bouffonne de Train de vie aurait peut-être encore plus élevé Va, vis et deviens vers les sommets. jean-françois
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