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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Vaillant
Angleterre / 2005
30.03.05
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CHICKEN FLY
« Ne pas se fier aux apparences quand on est borgne »
Il faudra louer l’avènement de l’image de synthèse pour les chamboulements qu’elle aura provoqué au sein de l’industrie du cinéma. La révolution ne sera pas tant créative mais tendra plus vers la démocratisation d’un art (ruineux) qui resta longtemps l’apanage hégémonique de quelques studios (pour ne pas dire d’un seul en ne citant que Disney à la grande époque). L’attrait de la 3D, à l’esthétique moderne renvoyant au nouveau marché de loisirs du jeu vidéo, a indubitablement provoqué un engouement d’un public devenu inconditionnel de ce type de spectacle. Les pionniers, ceux qui ont fixé les canons de qualité de ce nouvel art numérique en imposant des classiques (Pixar, Dreamworks, Blue Sky) auront contribué au développement d’une demande qui permet chaque année à de nouveaux acteurs de tenter leur chance, multipliant l’offre et les projets. C’est définitivement un progrès, un signe de bonne santé alors que le dessin animé était en crise il y a quelques années encore.
Cependant et Valliant le prouvera comme beaucoup d’autres longs métrages de ce type, il ne suffit que rarement de prendre le train en marche et de s’adjuger à crédit les moyens technologiques dernier cri, pour prétendre à la réussite. Car c’est un fait commun que de reconnaître que l’ordinateur n’est qu’un outil, très froid par ailleurs et particulièrement stupide pour peu qu’on ne lui adjoigne quelques talents remarquables. Sans Brad Bird et les bataillons d’ingénieurs qui conservent jalousement leurs expérimentations (la Computer graphic industry est une science en perpétuel progrès), pas de Incredibles digne de ce nom sur vos écrans. Une question d’inspiration d’auteur et d’expérience en somme. Tout cela manquera, malgré leurs quelques heures de vol qui n’en font pas une élite pour autant, aux créateurs de Vaillant. Le premier film des studios Vanguard animation cumulera les lacunes, compréhensibles certes pour un baptême de l’air, mais insatisfaisantes néanmoins au regard d’exigences communes au tarif classique d’une entrée de cinéma. Le plan était pourtant honnête, mais de toute évidence pas assez culotté. Pensez-vous, des oiseaux pour pasticher la référence du cinéma de guerre… Une recette que les anglais de Aardman et les américains de Dreamworks avaient cuisiné avec brio pour Chicken Run, soit La Grande évasion revisitée. Ici il sera question de resservir le très usité parcours initiatique du combattant débutant avec une paresse opportuniste qui frise l’arnaque. Le scénario tout d’abord tient sur un ticket de rationnement, d’où la durée exagérément courte du film qui ne découle pas de la limpidité prodigue de la narration, mais bel et bien d’un manque total d’idées et d’ambitions. A la fresque démesurée que laisse espérer en général les capacités de calcul des microprocesseurs, Gary Chapman préfère se confiner dans une intrigue frôlant l'intimisme, passablement linéaire dans son déroulement et aux rebondissements limités. La mission en territoire ennemi qui vaudrait au héros le mérite auquel il aspire et qu’on annonce comme une grande aventure, sera du coup emballée en quelques minutes et avec un minimum de protagonistes à l’écran. Deux souris pour les français (les personnages les plus réussis artistiquement sans aucun chauvinisme) et trois faucons pour les méchants allemands, c’est un peu maigre. La modestie des moyens, aurait pu être détournée à bon escient, avec ce côté flegmatique typiquement british qui animait par exemple une comédie anglaise récente très second degré de John Henderson (Two Men went to war) proche dans le sujet et dans la démarche de Vaillant. Peine perdue, la consigne désespérée de production semble plutôt avoir été d’aligner sa crédibilité sur les illustres références à tout prix et avec pas grand-chose sous la main. Nos amis pigeons manqueront du coup cruellement de caractère et ne surprendront que fort peu. Les clichés sont au rendez-vous, le bleu bite, le souillon (et ses mouches), le snobinard et une absence très regrettable de bons mots et d’interactions persuasives. En lieu et place, chaque situation parait téléphonée à l’extrême.
La maladresse de la réalisation qui témoigne d’une expérience limitée en la matière ne permet pas d’emballer la machine et de glisser sur les défauts d’écriture et de conception graphique. Le cadrage des plans mettra surtout en valeur la pauvreté des décors. Le parti pris de la mise en scène s’attachant raisonnablement à respecter des proportions humaines dans l’environnement général (contrairement à Shark Tale qui recréait un univers singulier à la mesure des poissons et susceptibles d’engendrer toutes les fantaisies imaginables) et se force à zoomer sur des personnages lilliputiens sans créer aucun dynamisme dans le découpage, aucune profondeur de champ. La démarche éclipse au bout du compte fatalement la plupart du potentiel virtuose de la mise en scène virtuelle. La barre a été placée si haut par la concurrence que Vaillant passerait sans grande difficulté pour de l’improvisation, mais certainement pas pour la relève de Shrek, comme tente de nous en convaincre une débauche marketing particulièrement soignée et au point, elle.
Il aurait été vraiment plus sympathique de s’enthousiasmer devant la naissance d’une alternative aux géants de l’animation américains. Mais force est de constater que la politique des ces nouveaux conquérants louche sérieusement sur le conformisme du tiroir caisse. Il faudra indéniablement plus de rigueur et de singularité pour que la compagnie Vanguard puisse se forger un nom en dépassant les seules intentions, plutôt que de se faire passer hâtivement pour ses modèles rentables afin de rassurer son monde.
PETSSSsss-
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