Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Gemini  



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Akoibon


France / 2005

13.04.05
 



LE GRAND BAZAR





«- Je m’appelle Jean-Michel, mais tout le monde m’appelle Jean-Mi. Jean-Mi, l’ami des gens. »

Edouard Baer prend le temps des choses. Comme dans La Bostella, il prend le temps d’installer ses personnages dans un lieu. Ici, ce n’est plus une troupe d’animateurs télé en mal d’inspiration faisant un brainstorming dans une maison du Sud de la France, mais un groupe de touristes qui vient passer des vacances dans le sublime hôtel Mektoub, sur une île au sud de Marseille. L’ambiance est d’abord quelque peu flottante. Comme lorsqu’on arrive en vacances, on cherche ses marques. Il y a bien des choses drôles, mais le tout reste sage et la folie contenue. On fait la connaissance des personnages et même si l’on perçoit chez eux quelques bizarreries, il faut du temps pour qu’ils se dévoilent.
Puis les choses s’accélèrent et l’on comprend que si Edouard Baer prend son temps, c’est pour mieux parvenir au délire ultime. Et quel délire ! Peu à peu, les personnalités explosent et donnent cours à un franc n’importe quoi. En tête, le maître des lieux, vieux dandy extravagant, mène son monde au gré de ses lubies farfelues. Chaque soir, afin de distraire ses clients, et persuadé que c’est un grand honneur pour eux, il dispense en famille un show désarmant. Ce sont alors des naïades travesties qui surgissent de l’eau pour chanter du Purcell, un pauvre ersatz de Gainsbourg, une Brigitte Bardot approximative… Bref, une succession de figures pathétiques dont le spectacle est désopilant.
Edouard Baer parvient à construire une galerie de personnages loufoques et, peu à peu, nous entraîne dans une histoire surréaliste peuplée de doux dingues. Outre le patriarche quasi décati et hirsute, on y rencontre un beau-fils ridicule, un employé de ménage mystique (excellent Atmen Kelif) et une voix-off qui fait ses courses et se fait engueuler parce qu’elle est assise sur la serviette d’un client. Vous l’aurez compris, nous sommes bien dans l’univers de monsieur Baer. Ici, rien n’est sérieux et le délire va bon train. Progressivement, le réalisateur à ses heures (Edouard Baer n’a pour le moment réalisé que deux films dans une vie pourtant bien chargée) nous plonge dans une folie vraiment personnelle.
La richesse du film tient essentiellement dans sa progression. Nulle précipitation ne vient gâcher cette réussite. Par le temps qu’il prend, Edouard Baer nous emmène inéluctablement très loin. Dans la fiction pure, il s’amuse à distiller des troubles-fêtes pour nous faire basculer par petites touches dans l’absurde. Et on ne sait d’ailleurs pas toujours où on est. Dans un film ? Dans la réalité du tournage ? Un peu dans les deux ? Baer nous trimballe de l’un à l’autre avec une grande habileté et une subtilité hors pair. Il excelle à manipuler une sorte de folie poétique qui n’est pas sans rappeler celle de Bertrand Blier. De la même manière, le réalisateur se joue des règles de la fiction et s’amuse à perdre le spectateur par un jeu de distanciation (les acteurs sont à la fois les personnages qu’ils incarnent tout en revenant parfois à leur vérité de comédiens dans un film). Et l’absurde en devient terriblement désopilant. Akoibon est un film atypique, à la fois intelligent, férocement drôle et empreint d’une dimension poétique rare. Attention, Edouard Baer a une patte, une vraie. Et elle est fort jolie.
A suivre…
 
laurence

 
 
 
 

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