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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Man to man
France / 2004
13.06.05
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INHUMAINS CONTRE NATURE
"- Je suis de votre côté !"
Impulsion rousseauiste sans envolée. Régis Wargnier se colle au mythe du bon sauvage de façon appliquée, studieuse mais beaucoup trop méthodique. Très manichéen, mélo, englué dans ses références, Man to man ne décollera jamais. On est ici bien loin de Truffaut, maladroitement proches d'un Elephant Man, échoués entre l'Afrique, l'Indochine et la Grande Bretagne d'Ivory. De quoi se perdre. A l'arrivée seule la mise en scène, secondée par les décors, l'énergie de Fiennes et vaguement celle de Scott-Thomas, vaudront ces deux heures d'excursion romanesque au pays de l'humanisme pratique. Que de préceptes, aucune réflexion qui tienne la route. Wargnier pose le tableau, révisite tout un panel de valeurs acquises pour mieux se planquer derrière le temps des clivages venu. Amour, tolérance, spiritualité, don de soi : que de gracieuses mélodies sauf que le réalisateur nous sortira un assourdissant concerto pour violons pour s'esquiver de plus belle lorsque il s'agira de développer concrètement sur les valeurs négatives. On aurait finalement préféré un film à thèse, ce qui, au moins, nous aurait offert le plaisir d'une aventure discursive, outre toutes questions de sensibleries évitées. Le traitement de Régis Wargnier est bancal et périlleux ; le cinéaste en a déjà fait les frais, quelques critiques n'ayant pas hésité à pointer un certain propos raciste. Naturellement, il n'en est rien. Man to man fait rayonner tout un bouquet de valeurs philanthropiques, de l'amour de son prochain à la sacralisation de la vie. Reste un tangible manque de maîtrise quant au traitement même de la violence, ici strictement fondée sur les principes réducteurs de l'anthropométrie, cet instrument barbare de classification des races. Régis Wargnier s'en remet à l'authenticité des faits, se contentant de situations brutes sans ouvrir une once de regard critique, encore une fois accroché à ses références filmiques. Ici tient sa principale erreur. Point de réflexion sur la xénophobie, sur l'archaïsme, l'immoralité de ces sciences, ni même sur l'arrogance de l'aristocratie victorienne. Place aux archétypes : de comportements dit sauvages en ripostes musclées, zoos humains, chasse à l'homme et collèges d'intellectuels perfides, le clivage nature / culture règle et limite son pas sur celui de la Grande Bretagne colonialiste, de l'étroit biologisme et celui de l'ethnocentrisme. Rien de foncièrement humain. Les passions attisées place aux règlements de compte et opérations sauvetage. Peu à peu, le scénario s'embourbe dans un bout à bout de caricatures et longues séquences arbitraires. On sait d'avance qu'aucun antagoniste ne sortira de la caverne. On imagine très tôt la conversion positive de Jamie, sa solitude et son vain combat. Un soupçon de rebondissement : Toko et Likola attendront un enfant ; le corps scientifique voudra s'emparer du fœtus. O désespoir, bien naturellement ! Toujours sans moindre début de réflexion. Et pourtant : que de sujets propices ! Une fois de plus, Régis Wargnier fonce en ligne droite. Le scénario atteindra ici sa plus haute vitesse de pointe. C'est dire toute son indigence. La médiocrité des dialogues n'aidera pas. La théâtralisation des rôles secondaires et le manque de contours psychologiques, notamment concernant le personnage d'Elena, se fera vite ressentir. Wargnier sème ici délibérément le doute sur les visées de cette femme de tête, ses projets à l'égard des deux pygmées et sentiments envers Jamie. Un suspense qui prend, fort de la constance de Joseph Fiennes et Kristin Scott-Thomas, mais tend à devenir artificiel par manque de résolution, d'autant que l'intrigue principale n'est pas là. Encore une fois, Man to man perd ses objets par abus de complaisance, de raccourcis et multiplication des jeux de confrontation. La poésie des décors, de l'oxygénante Afrique à l'Ecosse sauvage, en passant par l'illustre Edimbourg, nous portera mais ne suffira naturellement pas à nous éprendre. Double accroche, même portée avec la mise en scène ivoryenne de Régis Wargnier, qui entre mouvements, rythme et photo sera notre lyrique accompagnateur. Esthétiquement parlant, bien que calqué, Man to man offre d'élégants panoramas. Toutefois, scénario usuel oblige, le réalisateur est définitivement passé à côté de son film. Man to man s'effiloche aux travers de ses propres influences. Wargnier manque d'affirmation et concrètement d'audace. Les valeurs positives qu'il soulève s'en trouvent fort dénaturées. Le monde à l'envers. Sabrina
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