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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Anthony Zimmer
France / 2005
27.04.05
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L'APPAT COMPRIS
"- J'essaie de devinez qui vous êtes.
- Pourquoi?
- Ca me distrait."
Il est réjouissant de voir certains cinéastes, en France, s'attaquer de nouveau au film de genre. Jérôme Salle nous ravit encore plus en nous offrant un spectacle stylisé, plus visuel que dialogué, plus proche de l'amour du cinéma (et par conséquent des acteurs) que d'une forme d'idéologie le cloisonnant dans un registre : auteur, populaire, produit ou oeuvre d'art. Il y a un peu de tout ça dans Anthony Zimmer. Et le plaisir de voir un film français "désintellectualisé" tout en étant intelligent nous réconcilie un peu avec le cinoche hexagonal de ces derniers mois (Audiard et Jeunet exclus).
Ca commence avec un plan séduisant : des talons aiguilles qui traversent une gare, mollets sexys, ballet solitaire. Cette incarnation fétichiste de la star par le bas de ses jambes a fasciné de nombreux cinéastes, d'Hitchcock à Almodovar. Et tandis qu'Anthony Zimmer est une chasse à l'homme, c'est bien la femme qui nous intéresse. Film à la gloire de son actrice, qui, une fois de plus, fait double jeu : Sophie Marceau. "Je vous ai connu moins sentimentale. Vous tombez toujours amoureuse des hommes que vous trahissez" lui rappelle le personnage de Samy Frey. "Ce qui est sûr, c'est que je ne vous ai jamais trahi" lui renvoie-t-elle en pleine face. Pas si évident, justement... Convaincante dans ces personnages de femmes fatales, elle peut nous faire croire qu'elle pilote une voiture dans un parking comme elle allumerait n'importe quel mâle en ôtant son soutien gorge en pleine mer. Julien Clerc avait raison de s'exciter sur les seins de la demoiselle... Elle est l'objet de désir, le trophée, le coeur du film. Dans tous les sens du terme.
Les hommes rodent autour : l'invisible, le fameux Zimmer, le difficile rôle d'Attal et l'ambivalence innée de Frey. Elle est leur point faible, talon d'Achille - forcément tendu - de leur assurance virile. Si le concept - prendre un homme au hasard dans la foule pour en faire un piège à cons - n'est pas nouveau (revoyez Le Grand Blond avec une chaussure noire) et si l'identité de Zimmer nous semble hélas trop évidente vers les deux tiers du film - nous nous ne vous dirons rien - Anthony Zimmer parvient quand même à nous captiver. Avec peu d'effets sinon un script bien construit, le film s'avère comme un fantasme cinématographique enfin réalisé. Rien de neuf, parfois trop maniéré (à la Leconte) et pourtant efficace.
Contrairement à un thriller de type Agents Secrets, Salle a pris soin d'éliminer la complexité des enjeux en une scène (l'interrogatoire de Frey permettant de présenter le contexte) afin de se concentrer sur l'action. Car le film est une succession de mouvements. Si on pense à Hitchcock et sa Main au Collet c'est bien entendu par le décor (la Côte d'Azur), le prétexte scénaristique (voire l'invraisemblance) et l'héroïne (descendante d'Eva Marie Saint dans La Mort aux Trousses). La présence - bénéfique - d'Attal tisse un lien avec Les Patriotes, seul film français contemporain de bon niveau dans cette catégorie. Le film trompe les apparences mais pas nos attentes. A l'image de cette vamp manipulatrice, la production nous hypnose avec son irréalisme élégant.
Mais peut-on jouer avec les sentiments? Peut-on simplement se laisser avoir par des leurres cinématographiques? Ce miroir aux alouettes, où la parano le dispute au rêve, l'angoisse au désir, s'avère peut-être vain, vide de sens. Absence de message mais romantisme exacerbé, Anthony Zimmer est un polar chic, sans autre ambition que de plaire. "Elle est pas gaie votre histoire" critique cette sorcière de Marceau en commentant le synopsis de ce fonctionnaire qui imagine écrire des séries noires. "C'est que le début. Peut-être que ça se finit bien" rétorque-t-il.
C'est donc le film d'un cinéaste qui a du trop voir de films et qui rêvait d'en faire un. Jérôme salle est parvenu à ne pas s'emmêler les méninges avec les faux semblants. A défaut d'avoir une singularité, Anthony Zimmer est un suspens rythmé, fluide. Bizarrement l'issue nous importe plus que les révélations, à peine surprenantes. Point d'impasse, juste une échappée belle. vincy
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