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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Vanity Fair
USA / 2004
04.05.05
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VANITAS VANITATIS
« La chance d’être né dans la société, c’est d’apprendre très tôt que c’est un marché de dupes »
Il est vain d’être vaniteux, de vouloir trop briller. C’est la leçon infligée à Becky Sharp, l’héroïne de Vanity Fair, mais peut-être aussi à Mira Nair. Qu’est-il arrivé à la réalisatrice du très réussi Mariage des Moussons ? Est-ce le Lion d’Or obtenu à Venise pour ce même film en 2001 qui a réveillé son orgueil ? Ou a-t-elle voulu, en s’attaquant à l’un des chefs-d’œuvre de la littérature anglaise, régler un sournois complexe d’infériorité, se mesurer aux anciens colonisateurs sur leur propre terrain ? Quoi qu’il en soit, Vanity Fair est une belle déception, car n’est pas Kubrick qui veut. Ainsi, alors que chaque plan de Barry Lindon (adapté du roman de William Makepeace Thackeray, tout comme Vanity Fair) est chargé de sens et enrichit la narration, le film de Mira Nair se perd dans des intrigues parallèles inutiles, dans des longueurs si interminables que l’on se prend à attendre les mots « The end » comme une condamné attend la libération. Il n’est certes pas facile de choisir entre les passages d’un roman-fleuve de 900 pages couvrant quarante années d’histoire, mais ici, en tout cas, les scénaristes n’ont pas su faire ces choix.
La direction des acteurs laisse également à désirer : Reese Witherspoon manque d'envergure, n’arrive pas à nous convaincre totalement en arriviste sans états d’âme et prête à tout pour réussir et Rhys Ifans (William Dobbin) est presque aussi drôle, ou ridicule, que dans Coup de Foudre à Notting Hill (où il jouait le rôle de Spike), alors qu’il est censé interpréter un amoureux loyal, honnête et droit. On retiendra malgré tout les performances de Gabriel Byrne, parfait dans le rôle du mentor retors, du passeur incontournable à qui il faut payer sa dîme si l’on veut accéder à l’autre monde. Eileen Atkins (Gosford Park, The Hours, Cold Mountain …) est également remarquable et interprète à merveille la tante riche et acariâtre, servie par des dialogues désopilants. Jonathan Rhys-Meyers (George Osbourne) n’a lui aucun besoin de dialogues, puisqu’il parvient à transpirer l’arrogance et la vanité par le moindre pore de son beau visage. Mais on touche ici à un autre défaut de Vanity Fair , à savoir un manque de complexité psychologique des personnages digne du roman de gare. Il y a d’un côté les vaniteux, les arrogants, les calculateurs (George Osbourne, Le marquis de Steyne, Miss Matilda Crawley) et de l’autre les oies blanches (Amelia Seldley, William Dobbin, Joseph Sedley), avec entre les deux des personnages moins manichéens, mais dont la consistance psychologique n’est pas convaincante pour autant (Becky Sharp et son époux, Rawdon Crawley). Pendant vestimentaire de cette faiblesse, la surenchère symbolique dans le choix des costumes : la douce Amélia est en blanc, Becky est en rouge. Les dames de la bonne société londonienne sont en blanc, Becky est en noir…
On a vu le talent de Mira Nair s’exprimer de façon plus égale. Vanity fair comporte des scènes très réussies , la promenade en barque ou l’arrivée de Becky à Londres quand, penchant la tête hors de la calèche, elle lève les yeux vers les beaux bâtiments qui soudain l’entourent, un passage qui fait immanquablement penser à de nombreux romans d’apprentissage anglais comme français . Malheureusement, d’autres scènes tombent sur la pellicule comme un cheveu sur la soupe. C’est le cas des quelques plans tournées en Inde, où Mira Nair est censée apporter sa touche « exotique », ce qu’elle fait en effet, mais sans que cela enrichisse en quoi que ce soit la narration.
C’est pourtant cet exotisme qui sauve ce qui peut l’être de Vanity Fair : les couleurs chatoyantes des tissus indiens et des meubles rapportés des colonies instillent une touche intense et chaleureuse à la lumière du film et rehaussent encore la beauté de costumes - uniformes d’officiers, robes empires - tout simplement splendides. Un festin visuel, donc, mais d’où l’on repart le ventre vide.
asha
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