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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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L'annulaire
France / 2005
08.06.05
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A NU, L’AIR DE RIEN.
« Ceux qui en ont vraiment besoin sont capables de venir ici les yeux fermés. »
Le moteur de L’Annulaire est simple : Diane Bertrand s’évertue à échafauder une arcane, une intrigue, tout un tremblement en somme, autour des activités mystérieuses d’un mystérieux laboratoire mystérieux. Un fantomatique monsieur en blouse blanche y cultive ses « spécimens », reliquats d’objets divers – partitions musicales ou tablettes de chocolat fondues y compris – que lui confient des clients tristes et préoccupés. A se demander si un bon psy n’aurait pas été plus indiqué. Toute cette « atmosphère », un peu trop consciente d’elle-même, souffre en fin de compte des mêmes travers que le jeu du comédien-scientifique, Marc Barbé. Trop affecté et ténébreux pour être honnête. A trop vouloir densifier, habiter, insuffler de l’âme dans ses lieux, le film perd en subtilité et tourne parfois à la publicité pour parfum.
Si l’on parvient à dépasser ces quelques outrances, les indéniables qualités visuelles de L’Annulaire sautent aux yeux. Trop ? Outrance encore ? Peut-être. Diane Bertrand assume jusqu’au bout son parti pris esthétisant, jusqu’à confier le premier rôle à une professionnelle de la beauté. Il faut bien avouer qu’elle en jette singulièrement, la jeune Olga Kurylenko, tout de froufrou et de robes d’été dentelées vêtue et de gracieux déplacements aériens mue. Alors, évidemment, un film n’est jamais trop beau. C’est que L’Annulaire doit être trop autre chose.
Par excès d’intentionnalité, par péché de décoration et à défaut d’une mise en scène vraiment signifiante, le film ne fait jamais décoller les âmes - pourtant offertes - vers les hautes sphères poétiques qu’il ambitionne.
Les penchants oniriques et la verve positivement esthétisante de Diane Bertrand convergent mécaniquement vers une préoccupation centrale : les corps, pris pour ce qu’ils sont ou ce qu’ils pourraient être. L’Annulaire aurait sans doute pu trouver son genre dans l’érotisme le plus débridé. La sensualité affleure de plus en plus, à mesure que les rapports de la jeune secrétaire effarouchée et de son patron manipulateur se resserrent. Cependant la représentation de leurs ébats se borne à quelques poses pour la caméra, à quelques postures chics et glamour. La coquetterie et l’outrance des images bariolés aurait pourtant pu trouver un réel ancrage dans une plus grande crudité et donc un genre aussi codifié que l’érotisme assumé.
Les corps pour ce qu’ils sont donc, mais aussi pour ce qu’ils pourraient être : la belle silhouette d’Iris et son intégrité sont d’emblée mises en péril. Son petit bout de doigt perdu dès le commencement du film renvoie tout de suite aux multiples possibles du corps et aux dangers qu’il représente pour lui-même. De la simple coupure à la mort, de l’étreinte à la séparation des amants, L’Annulaire fait l’inventaire des limites du corps humain et des inquiétudes qui y sont liées. Ce complexe de séparation auquel est sensé remédier le fameux scientifique persiste à metaphoriser et à inscrire dans une perspective plus psychanalytique toute cette problématique. L’analyse plus profonde de ces considérations est néanmoins dispensable. Issus directement du roman de Yoko Ogawa, ces thèmes trouvent là une illustration assez réussie, parce que systématique.
A regret, ce film, qui parfois (la première demie-heure surtout) trouve une grâce particulière et rare dans sa mise en image, n’est pas assez attachant, un brin trop hautain et excessif pour que le conte de la jeune fille égarée et de l’ogre charmant ne marque vraiment les esprits. axel
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