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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Wallace & Gromit: The Curse of the Were-Rabbit (Wallace et Gromit : Le mystère du Lapin-Garou)
/ 2005
12.10.05
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COURS LAPIN, COURS
"Le lapin pullule ici. A croire qu'ils se reproduisent ... euh... comme des lapins!"
La recette d'un cinq étoiles est simple. Prenez deux stars oscarisées. Une technique artisanale qui a fait ses preuves. Un scénario bien ciselé. Un amour du cinéma évident. Quelques messages souterrains qui plairont à la critique. Des gags pour petits et grands. Vous secouez le tout pour que les impuretés et les surplus de gras s'évacuent. Et vous obtenez un film sans longueurs, jouissif, à voir, revoir et espérer une suite!
Wallace et Gromit tiennent la route dans un format long. L'expérience Chicken Run a sans doute aidé les créateurs d'Aardman. Parce qu'ils nous sont familiers, une empathie spontanée se lie entre le spectateur et ce couple vedette. Car il s'agit bien d'une histoire de vieux couple. Scènes de ménage, regards affligés, contrits ou au ciel, us et coutumes réglées comme des rituels atemporels... cela provoque des comiques de répétition. Mais c'est surtout le paradoxe de voir un chien plus qu'humain et un humain un peu bête qui créé une dynamique relationnelle attachante. Que le chien joue "l'épouse" rend le quotidien d'autant plus amusant et extravagant (quoique, pas tant que ça), l'humour anglais se contentant souvent d'un vieux garçon en solo (Peter Sellers, Benny Hill, Mister Bean... ). Nous sommes plus proches de Laurel et Hardy.
Mais la sauce ne peut pas prendre sans une bonne histoire. Le scénario se permet des embardées entre cartoon et séries B, cinéma d'action et comédie bricolée. Doté de personnages secondaires truculents - une aristo écolo gardienne des traditions, un cowboy bouffon qui veut tout trucider, un pasteur amateur d'ésotérisme, imprécateur et blasphémateur - il contourne tous les obstacles avec des intrigues simples mais tordues, une morale parfois immorale, en tout cas à contre-courant, un suspens ludique. La tension provient davantage de savoir dans quelle farce tout cela va finir plutôt que de s'imaginer des horreurs.... Car la collision entre la théorie et la pratique provoque des étincelles; expérience qui tourne mal, ou bien puisque toute cette aventure est imprégnée de poésie. La fable se teinte de noirceur et s'exhibe en technicolor pour les besoins du spectacle, qui verse dans une surenchère destinée à nous satisfaire complètement. La folie débridée des hommes - les lapins et le chien semblent bien sages en comparaison - aboutit forcément à un capharnaüm destructeur, où le remède s'avère plus dévastateur que le mal.
Mais il faut ajouter des épices et des herbes pour que le goût soit relevé. Les scénaristes ont poussé leur délire jusqu'à l'absurde : nous parlons de potagers menacés par un monstre. Croyance populaire digne des légendes d'un autre temps. "Les limaces reviennent!" et c'est tout un village qui panique, paranoïaque, oubliant d'autres dangers plus essentiels. Ce contexte allégorique sur la vision étroite de nos congénères est une critique mordante de notre nombrilisme. D'autant que ces villageois exigent une police de proximité, permanente, une surdose de sécurité, une absence de menace. Tout juste n'égorgerait-il pas le voleur de potiron. Potiron "ogéméisé", énorme. Après la lutte contre l'alimentation industrielle et la protection des poules, voici donc un autre programme écologique pour la défense des lapins et contre la manipulation des légumes. La nature, l'innocente victime, est ici la proie idéale d'un progrès mal maîtrisé. En cela les histoires d'Aardman se situe du côté des rêveurs...
Ca n'empêche pas de rire (dialogues ou situations burlesques). Du cinéma muet comique aux films d'horreur des années 30, de Buster Keaton à Docteur Mabuse en passant par Frankenstein, le film assimile les références, fait des clins d'oeil malins, ne pastiche jamais grossièrement et rend hommage subtilement. Le clonage, la génétique et l'invasion de lapins, autant de sujets dignes d'un film fantastique. Dans les deux sens du terme. Quant au final, véritable grand huit de fête foraine, c'est évidemment une vedette simiesque qui est mis à l'honneur (gros animal qui grimpe, femme de ses rêves dans la main, avions qui se pourchassent), mais jamais King Kong n'est calqué. C'est une variation très libre. Les créateurs prennent des éléments qui font le lien avec le film originel et les intègrent complètement à leur univers...
Le savoir-faire est à ce titre admirable. La technique (pâte à modeler) nous sidère. Le réalisme épatant et la fluidité extraordinaire des mouvements (notamment dans les séquences d'action) nous bluffent. Assurément, l'Oscar du film d'animation de l'année, loin des 3D informatiques. La richesse des décors, des plans, des atmosphères empêchent l'ennui. Grâce à des tas d'effets divers - tunnels, machines - tout existe pour donner du mouvement, du merveilleux (l'aspirateur à lapin par exemple). Un légume devient un objet de désir érotique plein de non dits (affolant n'importe quel vieux célibataire). Car il y a de la grivoiserie, en sus. Ce mec nu qui s'habille avec un carton trouvé à la va vite, étiqueté "may contains nuts". Tous ces petits détails flirtant avec Tex Avery plus que Disney, qui nous réjouissent par leur insolence et leurs multiples lectures. Hors du temps, ça pourrait être les années 50 d'un village provincial attendant le retour des morts vivants, tout cela se transforme en oeuvre universelle. Un brin démoniaque et totalement décalée, où contrastent des menaces fantômes et une ambiance bucolique.
Bien réalisé, et imaginatif, le film ne s'égare jamais, ne déraille que pour nous déraisonner, jouant avec nos pupilles de gamins et nos zygomatiques, entre inquiétude feinte et divertissement désiré. Le génie artistique de cette affaire est d'avoir réussi un délire intelligent pour tous les publics, où l'homme est la matière première dans notre société matérielle et cybernétique. Si "les toxines ça s'élimine par les oreilles, c'est bien connu", le mal-être contemporain pourrait s'évacuer en regardant Wallace et Gromit en boucle.
vincy
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