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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Marebito
Japon / 2004
03.08.05
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CANNIBAL FACTORY
"J'ai compris que si je ne me mettais pas dans un état de terreur absolue, je ne verrai jamais ce que je voulais."
Après The Grudge, film de fantôme aux frontières du teen movie, Takashi Shimizu se colle au cinéma alternatif. Autant annoncer d'entrée que Marebito n'est en rien une fresque grand public, le réalisateur nous offrant un discours fort intellectualisé sous la coupe d'un traitement expérimental haut en réalisme. De quoi décaper ses propres démons – nous l'aurons compris, cette perpétuelle fascination pour les phénomènes de peur – et celles de ses concitoyens. Shimizu aime à transcrire à l'épouvante les beautés et travers de son pays. Rien de plus approprié en effet que la société nippone pour évoluer de fantasmes, malaises en situations dantesques : solitude, code d'honneur, urbanisation dévastatrices, recrudescence du suicide, impossible sinon labyrinthiques quêtes identitaires… Marebito se réapproprie les poncifs pour mieux les cuisiner à la sauce fantastique. On regrettera un final débordant de gore, non dénué de métaphores à l'image du film, mais bien trop déroutant pour récolter notre totale adhésion. De quoi rompre avec le principe même du film : la violence suggérée ; le réalisateur jouant habilement de hors champs, cuts et variations esthétiques pour construire son propos.
Référencé sur certains thèmes et personnages de ses précédents films, notamment le rapport à l'enfance, à la maternité au sens large du terme, Marebito reste une variation, tant expérimentale que crue, sur le thème du retour aux sources. Shimizu opte pour un retour au stade primitif : voyage dans le ventre de la terre, femme-enfant animalisée, sang nourricier, état sauvage, sacrifices, paternité spirituelle salvatrice… Le suspense est bien amené, bien entretenu. Reste l'obsession de notre héros, Masuoka, maladroitement initiée, se jouant d'une nécessité absolue, pour ne pas dire d'une idée fixe quelque peu gratuite : sa volonté de typographier coûte que coûte les phénomènes de peur, partant de cette seule question : "la folie est-elle contagieuse?". La quête sera périlleuse. Apprivoiser l'épouvante : l'idée mérite réflexion. Ancrer le sujet dans un bouquet usant à profusion ce thème ancestral qu'est la vampirisation : on peine à y croire. De l'auto-aliénation de Masuoka, investigateur forcené et haut consommateur de violence filmée, à ces créatures-vampires, les Déros (Detrimental Robots), en passant le rapport de dépendance psychologique comme physique entre notre héros et F, Takashi Shimizu s'embourbe rapidement dans son propre fil conducteur. Marebito n'évoluera qu'au stricte grès des confessions de Masuoka en voix off. Une place majeure, occupée par un dépit qui, très vite, affadira le jeu d'acteur et chacun des rebonds fantastiques indispensables à l'oxygénation du récit. Pareille absence d'échanges et mouvements finiront par désarçonner. Film déjà très noir, Marebito sera vite entaché de tonalités ouvertement morbides. Langage brut lesté à coups de rudiments expérimentaux ? Difficultés avérées du réalisateur à se renouveler ? Cette dernière option nous paraît la plus probable. Une simple "Peur qui rode" - textuellement, pas davantage. De toute évidence sans l'âme de Lovecraft dont Shimizu dit s'être nourri. Un conte d'épouvante cérébral… Curieux aparté.
Sabrina
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