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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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The Jacket
USA / 2005
24.08.05
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CAMISOLE LIBERATRICE
“Combien de temps avons-nous ?”
Dans leurs pires cauchemars, les enfants se voient seuls, enfermés dans une chambre, lumière éteinte et porte verrouillée à double tour. Dans leur côté, les adultes se voient confinés dans une boîte en sapin au couvercle cloué, où ils manquent d’air et de lumière. John Maybury fait vivre ce calvaire à un homme dans la pleine force de l’âge, Jack Stark. Et puisque qu’il est loin de la fragilité et de l’impuissance du début et de la fin de la vie, le bien intentionné mais redoutable Dr. Becker le force à s’en rapprocher en s’aidant de deux camisoles, l’une chimique et l’autre de tissu. C’est ainsi que Jack Straw glisse brutalement vers le point central de The Jacket, le tiroir de la morgue de l’hôpital psychiatrique où il a été interné. Là, aidé par les médicaments, son cerveau devient machine à voyager dans le temps, et dans ses yeux se reflète la vérité sur son passé et son présent. Le supplice se fait libérateur, Jack en veut davantage.
John Maybury nous parle de ceux qui sont en vie mais vivent comme des morts, et qui, face à la vision de la vraie mort, se mettent à vivre, pour de bon. John Stark, pendant tout le premier quart du film, se laisse passivement emporter par le courant du Styx. Arrive l’épisode du tiroir/cercueil et le voilà qui, happé vers le fond par un puissant tourbillon, commence à se débattre. Il boit une tasse, deux tasses, trois tasses, mais se met malgré tout à nager de toutes ses forces, à contre-courant. C’est aussi ce qui arrive à Jackie , orpheline, solitaire, alcoolo, à la dérive. Ses yeux sont cerclés de noir, forcément. La force de vie, elle la trouve dans l’amour de ce bel inconnu tombé du ciel. Les deux acteurs jouent et interagissent à merveille. Keira Knightley ne démérite pas et Adrian Brody est toujours aussi parfait, impressionnant dans ses crises de paniques inondées de larmes comme dans son humble détermination face à un destin qui paraît gravé dans le marbre. Le casting est de toute manière irréprochable pour l’ensemble des acteurs, que John Maybury filme parfois de très, très près, s’inspirant pour ses silences du cinéma muet. Impossible du coup d’oublier les yeux du Dr Becker., d’un bleu tantôt menaçant, tantôt triste. On n’oubliera pas non plus les mouvements affolés des yeux de Jack Starck, pupilles dilatées face aux fantômes du passé et du futur.
Passé, présent, futur, irréversibilité de nos actes, fatalité du destin, Mayburry explore également cet ensemble de thèmes d’une manière qui rappelle Minority Report de Spielberg. Envers et contre tout, le héros veut croire qu’il a les cartes en mains et fait tout ce qui est en son pouvoir pour modifier le cours des choses. Sommes-nous maîtres de notre destin ou sont-ce les Parques qui, quelque part, décident du déroulement de notre vie, et de sa fin ? La réponse est plus obscure que chez Spielberg. The Jacket peut faire l’objet de nombreuses interprétations et c’est aussi ce qui fait sa force. Pas de happy end sirupeux ici, mais de nouvelles questions (Jack est-il mort ou pas ? Est-il dans la réalité ? Sont-ils tous morts comme l’affirme le vieux docteur ?) qui remplacent celle que l’on se pose depuis la « révélation » jusqu’à la fin du film : mourra ? Mourra pas ? Un suspens haletant, donc, preuve supplémentaire de la qualité du scénario.
S’inspirant de nombreux films (Memento, The Machinist, …), The Jacquet ne bouleverse pas la réflexion sur les thèmes sus-cités. John Maybury n’a néanmoins pas à rougir de sa contribution à cette thématique. On retiendra notamment la façon dont il fait usage de sa caméra, d’une scène de guerre en infrarouge à un objectif enfermé dans une boite en passant par un plan ultra rapproché qui fait dire « les yeux sont vraiment les fenêtres de l’âme ». Surtout quand il place sa lentille juste devant. asha
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