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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Saenghwalui balgyeon (Turning gate)
Corée du sud / 2002
28.01.04
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PLAISIRS INCONNUS
"- C'est pas une soupe au poulet ordinaire. Il ne manque vraiment rien. Tu verras demain matin. Erection, énorme."
Le cinéma coréen aime faire l'éloge de la lenteur. Le film de Hong Sang-soo n'y fera pas exception. Pour peu que l'on soit séduit par ce rythme indolent, Turning gate nous happe dans des histoires d'amours impossibles. Le film repoussera cependant les impatients. Car il ne prend sa dimension, et son intérêt qu'à la seconde moitié du film, quand la légende de la Porte tournante croise la réalité du personnage principal.
Ainsi divisé, l'itinéraire de ce comédien paumé nous fait voyager dans une Corée peu sexy, très urbaine, entre hôtels impersonnels et villes anonymes. Mais heureusement que nous quittons Séoul. Car le prologue dans la métropole sonne faux : dialogues creux, situations mal installées, scènes peu fluides...
Lorsque nous basculons dans la première partie du film, tout s'enchaîne mieux, et à l'instar de nombreux cinéastes asiatiques, Sang-soo nous dessine un portrait de la jeunesse désoeuvrée, anesthésiée par l'alcool et à peine stimulée par le sexe. Les jeunes s'emmerdent. Et "tous les Coréens se ressemblent." Dans cette lente descente vers la dépression, le trio d'amis manipule les sentiments de chacun, mais ne trompe personne : tout cela n'est qu'un leurre auquel chacun s'accroche pour pouvoir exister dans un monde où le travail est absent. Déboussolée, cette génération semble paralysée, incapable de la moindre utilité. Si bien qu'il ne se passe pas grand chose. Si ce n'est un long spleen.
Etonnamment, les images parfois sont crues. Si rien n'est beau, le sexe est à nu. Tous comme les mots, à double tranchant. Le compliment blesse quand le mensonge adoucit. Dans ce jeu de dupes, rien n'est rationnel dès qu'il s'agit de relations amoureuses. De la légende de la Porte tournante à la voyante, il s'agit avant tout d'un jeu de piste, où chacun défie son destin sur des paroles de charlatan. Pas étonnant, alors que les mots soient si francs, dès qu'ils sont prononcés en solo. La première conquête est traitée de "salope". Triple fois. En revanche, dans les dialogues, le solennel se mêle au toc, le vécu est maquillé par le vernis des citations ("Ne demande pas à un homme plus qu'il ne le peut.").
Nous attendrons alors la dernière partie pour nous faire aimer ce film, une histoire de chassé croisé entre une jeune femme mariée et son prétendant, misogyne et arrogant. Les mots sont vides. La parole se bloque. Ils ont alors tous l'air embarrassés, ce qui les rend embarrassants. Parfois cocasses. Dans ces troubles relationnels, le pessimisme prévaut. Pourtant, le cinéaste ne refuse pas l'humour de certaines situations, les réparties drolatiques et critiques. Sous la carapace, bat un peu de chaleur. L'écriture, subtile, prend alors tout son sens. Le film parvient à destination, sans effets, mais avec une belle sensibilité.
Entre contemplation chinoise et allégorie nippone, ce film coréen, nous touche par cet abîme qui semble meurtrir ce jeune prétendant une fois décapité, une fois éconduit, et toujours errant. "Même si c'est difficile d'être humain, essayons de ne pas devenir des monstres." Il aura appris la leçon. Mais cela suffira-t-il à lui faire accepter ce monde finalement déshumanisé? vincy
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