|
Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
|
|
|
|
Je ne suis pas là pour être aimé
France / 2005
12.10.05
|
|
|
|
|
|
LE HUISSIER SUR LE MOI
"- J'ai trouvé un truc incroyable pour faire avancer l'intrigue."
Stéphane Brisé aime les professions contrariantes, nos ennemis du quotidien. Après les contractuelles qui verbalisent, les huissiers de justice. Tout à son travail d'humaniser au maximum un être a priori antipathique, en tirant un trait entre l'être et son métier, le cinéaste se perd parfois dans des circonvolutions scénaristiques qui nous égarent. Pourtant, quelques scènes méritent une attention particulière, par leur humour froid, leur finesse dans les non dits. Les acteurs font parfois l'essentiel du boulot. Mais Chesnais - idoine - et ses acolytes sont si bien castés qu'on les sent faits pour leur rôle, même secondaire. Et si le film a quelques moments de grâce qui rendent l'ensemble séduisant, pour ne pas dire charmeur, le scénario ne parvient pas à le sortir de son carcan initial. Une aimable fable sociale esquivant tous les sujets qui peuvent fâcher. Une observation un peu superficielle de la vie, qui prend sens uniquement dans les moments intenses, conflictuels.
C'est presque regrettable que le scénario et la mise en scène ne se rejoignent que par intermittence. Un long morceau de tango peut espérer une approche allégorique. Aussitôt contredite par deux ou trois plans trop fades. Cette inégalité rend l'histoire d'A (attirance, amour ou amitié) trop inconsistante pour nous emballer. Heureusement, en solo ou au boulot, le personnage de Chesnais habite prodigieusement l'espace, même vide. Pivot autour duquel chacun des autres personnages gravite, erre. Extrait du magnétisme de cet huissier en peu déprimé, ils ont peu d'intérêt hormis un ressors comique ou dramatique. La beauté digne d'Anne Consigny, qui bafouille, ne sait s'exprimer, cette sur-sensibilité tout en larmes, offre un bon contraste à la dureté et la morbidité de ce monde injuste. De même les rapports entre fils et père ne peuvent que toucher. Mais c'est aussi là que Brisé commet quelques erreurs, en appuyant sur tel effet (musique trop précoce nous laissant deviner la suite), et gâche un peu l'émotion en nous la dictant.
Cela reste un beau portrait, où l'on sourit (incontestablement il y a de bons moments), où l'on peut rire, pleurer, s'ennuyer, apprécier la morale de l'histoire ("y a un moment faut arrêter de jouer au con").
Mais, et là est la limite du manque de moyens dans un film indépendant français, on reprochera la laideur de l'image, sa platitude. Il y avait peut-être un peu plus d'ambition visuelle à avoir sur cet homme, à un tournant de sa vie (le père qui meurt, le fils qui se laisse pousser des ailes, une femme qui lui tombe dans les bras), homme qui veut être aimé et que tout le monde "trompe". Il ne suffit pas d'une séquence de tango dans un appartement pour faire vivre une liaison. Ou d'un métier (conseillère d'orientation orientant tout le monde désorientée elle-même) pour concrétiser une métaphore.
Le film parvient quand même à boucler la boucle, un peu vite ou laborieusement, selon, à se faire aimer, et à faire aimer un huissier de justice. Ces adultes qui restent encore des enfants pour leurs parents ont cependant autant de chemin à faire que le cinéaste pour nous montrer qu'ils sont en pleine maturité... vincy
|
|
|