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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Ceský sen (Un rêve tchèque)
République Tchèque / 2004
09.11.05
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TCHEQUE EPATE
"Ne venez pas. Ne dépensez pas. Ne vous battez pas."
Tourné au début du millénaire, le film aurait pu s'avérer daté. Malheureusement, le documentaire aurait pu être produit cette année, ça n'aurait certainement rien changé. A défaut de comprendre pourquoi l'homme s'est transformé en bête consommatrice, et c'est bien là toute la limite de ce documentaire, Un rêve tchèque démontre bien le cauchemar du diktat consumériste.
Du printemps de Prague au règne du supermarché, l'époque a changé. La faucille et le marteau ont été remplacés par le caddie et le porte monnaie. De la chute du Mur, nous passons à l'élévation d'une palissade arc-en-ciel, nouvel eldorado coloré, utopiste. Voilà ce qu'interprète ce rêve : une aliénation a chassé l'autre. "Avant on restait chez soi et on profitait du jardin le samedi." Maintenant on pousse son chariot à remplir du vide. "Soupape" après des décennies de frustration. Ou soupape pour éviter une révolution? C'est dit : le supermarché créé des besoins et fait acheter des biens inutiles. Ca ne sert donc pas à grand chose si ce n'est à réunir des zombies en quête du produit promu. Cupides ces pauvres gens? Ou moutons pavloviens? Résultat pathétique au final, à voir leur mine déconfite. Ils ont l'air paumés devant leur "eden", encore plus endeuillé lorsqu'ils s'aperçoivent de la supercherie. Le spectateur peut y trouver du burlesque dans cette crétinerie collective.
Car cette véritable humiliation audiovisuelle n'améliore pas l'homme; en cela nous pouvons parler de reality show cinématographique. Un numéro de caméra caché sophistiqué, pas forcément drôle mais réellement cynique. Un happening in situ qui prouve la duplicité des citoyens, mués en décérébrés "cocacolafiés". Mais au-delà de cette étude compréhensible de l'homo consommaturus, spécialisé en supermarché et coupons de rabais, ce rêve occidental nous apprend surtout comment l'on manipule les masses.
Création du logo, d'une marque, d'une campagne publicitaire (bien vue). Le marketing en quelques leçons pour les nuls. En revanche pour le cinéma un ou deux cours supplémentaires n'auraient pas été inutiles. Des focus groupes à la chanteuse qui se la pète pour un spot radio, la pub est devenue une manipulation de nos pensées, et le tout est érigé à la fois en art et en sciences. Même la direction artistique kitsch reflète un pays sans moyens, mal fringué, prêt à saccager ses plaines avec des édifices rectangulaires commerciaux vantant du rêve en boîte.
Mais la supercherie fait place au doute - peut-on vraiment cacher cela à une ville entière? - puis à une forme de fumisterie intellectuelle tant l'objet final nous paraît trop opportuniste. Surtout, il n'apporte rien qu'on ne sache déjà, et n'essaie pas de proposer des solutions. Il se moque des gens et c'est tout. Malaise.
Pourtant, les auteurs, à l'instar de Super Size Me, servent de cobaye. Dans une ville américanisée, entre McDos et Daredevil, ils se transforment en managers, de costumes Hugo Boss en coiffeurs. Même si on les sent critiques, ils sont finalement assez peu virulents, et leur dialogue avec la population échoue à convaincre les cons vaincus.
Si bien que d'un faux supermarché, gag énorme, on en arrive à un cauchemar politique où l'Europe est accusée de tous les maux. De quoi douter sérieusement de la démocratie et d'un système qui finalement utilise les mêmes propagandes pour faire croire que chacun a le droit au bonheur. Une image, au loin. vincy
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