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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Flightplan (Flight Plan)
USA / 2005
09.11.05
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HIGH ANXIETY
"- Trouvez d'autres Arabes à agresser!"
Le 11 septembre 2001 a entraîné des bouleversements majeurs dans nos habitudes. Entre parano et volonté de ne plus se faire avoir, les mesures prises - notamment en matière de sécurité - ont déclenché des réflexes qui transforment le voyage en cohabitation subie. A qui la faute? Flightplan a le mérite de viser juste les bons coupables. Ceux qui ont réclamé ses règles parfois absurdes et possibles à contourner. Mais surtout en transformant ce "détournement" d'avion en stupide acte cupide (du piratage pour un butin et non pour une cause), le film préfère montrer que l'ennemi peut être n'importe quel Occidental en mal de fric (après tout le dollar est un Dieu tout aussi puissant que les autres).
Ce qui est presque regrettable c'est la méthode. Efficace, ce thriller bien rythmé - laissant même du temps à des pauses, salutaires, plus dramatiques - est victime de sa mécanique. D'une part il s'oblige à une multitude de "twists" et autres rebondissements pour maintenir son impulsion initiale et faire le tour de son sujet. En trois actes - la mère et sa fille, la mère sans la fille dans un avion plein, la mère dans un avion vide - nous assistons à toutes les péripéties possibles et imaginables. Nulle improvisation, nulle liberté. Foster et consorts sont prisonniers d'un tube volant et d'un script calculé.
D'autre part, le final paraît du coup très plat ou trop sensationnel. Dès que nous apprenons la vérité, autrement dit dès que la mascarade prend fin, le désintérêt grandit. Flightplan aurait pu verser dans la surenchère visuelle ou l'action gratuite. Malin, il évitera ses portes enfoncées; mais il aurait fallut un conflit humain ou intérieur plus fort que cette conclusion fumiste et vite expédiée, pour nous emballer.
Conséquemment, le film est un divertissement réussit, pas con, mais ne sachant pas toujours équilibrer entre les turbulences imposées par les producteurs et les envies de stress intérieur du réalisateur. Suspens à huis clos, Robert Schwentke aime travailler sur le décalage voyeuriste. La caméra regarde en cachette ses protagonistes, glisse à ras le sol, s'amuse dans des jeux de miroirs, suit et poursuit les mouvements ou sa victime, comme si elle était le chat prêt à jouer avec sa souris. Si la mise en scène n'a rien de spectaculaire, elle reste cohérente de bout en bout, ne lâchant pas le visage angoissé, déterminé de son actrice. Jodie Foster est toujours à l'aise dans le rôle de l'accusée agressée. Au bord de la crise de nerfs, pour ne pas dire hystérique. Buttant contre les interdictions en tout genre et cherchant à provoquer une situation exceptionnelle. Les passagers ne sont pas en reste (pas sympathiques), ou même l'équipage (qui subit les caprices de leurs "clients"). Portrait ironique d'une société agressive où tout le monde se méfie de tout le monde, où personne ne veut parler à personne.
Flightplan privilégie un discours assez politique à un simple duel. Une erreur peut-être collective et avoir de lourdes conséquences sur notre faculté de juger, donc de décider. Avec un ennemi qui peut être n'importe qui, et qui, pire, nous ressemble, le film montre bien que notre paranoïa n'a rien de rationnel, manipulée par nos propres phobies (souvent nées des images qu'on nous envoie). C'est là que le film atteint sa destination : il détourne les codes hollywoodiens (choix des méchants, effets exponentiels, ...) pour mieux se concentrer sur les regards défiants que chacun se renvoie jusqu'à nous défier nous-même. Méfiance à tous les hublots, suspicion sans raison, la sécurité - une ceinture ou une porte blindée - ne nous sauvera jamais mieux que notre "intelligence". Pour cela il faut que les cellules se connectent, la famille du rang d'avant comme l'Arabe barbu.
Si l'épilogue est un peu "lourd", il reste de Flightplan un sentiment plaisant où l'on n'a pas envie de quitter la salle. Dans un avion, généralement, nous subissons des films médiocres qui nous font regretter de ne pas être au sol. Jodie Foster, apparemment, a trouvé un autre moyen pour se défouler les jambes : faire cache cache avec sa fille dans un jumbo taille XXL. Au moins, elle s'amuse pendant que les autres sont enfermés sous leur casque. vincy
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