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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Anatomie de l'enfer
France / 2004
28.01.04
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BREILLAT OU LES QUATRE NUITS DE CASAR
"- Il faut regarder quand je ne me vois pas."
"Pornocratie" était un livre cru et son adaptation à l’écran n’est pas en reste. Anatomie de l’enfer désarçonne. Catherine Breillat poursuit son interrogation de la féminité et des rapports entre les deux sexes. Comme toujours, elle frappe fort quitte à choquer. Si ses précédents films avaient gardé une certaine dimension fictionnelle (des personnages identifiables socialement et des histoires palpables), Anatomie de l’enfer en est dénué. Ici, nous sommes dans l’épure. Le dernier film de Catherine Breillat touche au mythe. Une femme. Un homme. Et toutes leurs différences, leurs incompréhensions. L’essentiel est là : qu’est-ce qui fait qu’une femme est une femme ? Quelle est cette féminité qui rebute et effraie autant qu’elle captive ? Dans son dernier film (et c’est, selon la réalisatrice, son dernier film sur ce sujet ô combien difficile et polémique), Catherine Breillat met donc en scène, dans un huis-clos au décor quasi abstrait (une maison presque vide au bout de nulle part), une femme qui, pour certainement mieux se comprendre, s’offre au regard impitoyable d’un homme qui ne l’aime pas. Pire : un homme que les femmes dégoûtent. C’est alors devant ses yeux-là que la féminité va se dévoiler. Ou plutôt : c’est à ce regard que la féminité va se confronter. Le parangon de l’homosexuel semble presque intervenir comme une caricature d’une masculinité finalement très encombrée par la femme. Car dans les films de Breillat, les hommes sont souvent mal à l’aise devant cette féminité si trouble, si complexe et si incomprise. C’est ainsi que, comme dans Romance où Paul refusait de toucher Marie, l‘homme accepte, contre de l‘argent, de regarder une femme dans toute sa nudité et son intimité, mais il ne la touchera pas. Du moins dans un premier temps. Car le paradoxe si cher à Breillat va faire son œuvre : le dégoût et l’appréhension ne sauraient fonctionner sans leurs contraires inéluctables, à savoir l’attirance et la fascination. Et c’est là que les hommes et les femmes de l’univers de la cinéaste se rejoignent. Tous sont en proie à une fascination que d’aucuns pourront qualifier de malsaine. Il y a quelque chose qui relève de la pureté, de la catharsis chez Breillat. La réalisatrice se montre une orfèvre pour ce qui est de dépeindre ce mystère : parvenir à la pureté, la vérité et la connaissance de soi par le trivial et l’obscène.
Tout se passe toujours entre le sacré et e profane. L’univers de Pasolini n’est pas loin. Catherine Breillat ne lésine pas et s’arrête sur des points qui ne peuvent qu’interpeller : les règles qui sont perçues comme impures et qui rendent la femme elle-même impure, la jouissance féminine et sa dimension psychologique… En appréhendant ces sujets de manière très frontale, la cinéaste nous invite à aller au delà de ce qui est montré et à ne pas céder au réflexe instinctif de dégoût. Parce qu’en s’attaquant à l’irreprésentable et à l’indicible, la cinéaste nous demande de nous interroger plus avant sur la signification afin de faire voler en éclat des perceptions généralement partagées en soulignant leur ineptie.
Bien entendu, le film peut parfois paraître aride, notamment au début où la cinéaste utilise une mise en scène analytique et désincarnée. Mais Anatomie de l’enfer prend rapidement tout son sens et la fascination opère. Catherine Breillat signe là une sorte d’aboutissement de son œuvre et y concentre l’essence de son propos et des thèmes abordés dans ses précédents films.
Pour finir, un mot sur Amira Casar qui a accepté de se mettre en danger avec un rôle très difficile et qui nous montre la profondeur d’un talent que l’on soupçonnait jusqu’alors.
laurence
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