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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Lord of War
USA / 2005
04.01.06
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ETATS D’ARMES
« La Kalachnikov est le produit russe le plus exporté, devant la Vodka, le caviar et les écrivains suicidaires. »
Lord of War s’ouvre sur un long plan subjectif qui suit le parcours d’une balle de mitrailleuse, de sa fabrication jusqu’à sa déflagration vers un corps bientôt inerte. La sophistication évidente de cette séquence qui tient lieu de générique affiche d’entrée les intentions imposantes du réalisateur. Avec son troisième film (après Bienvenue à Gattaca, 1997 et Simone, 2002), Andrew Niccol essaye certainement de perdre son image de scénariste à succès (The Truman Show, 1998, Le Terminal, 2004) au profit d’un vrai statut de metteur en scène.
Seulement, à vouloir faire du Scorsese, on sera tenté de les comparer. Et là, malgré un déluge de bonne volonté, l’indiscutable, la patente maîtrise du réalisateur de Casino fait ici cruellement défaut. Si Scorsese parvient, alors justement qu’il n’a aucune conviction, à injecter un lyrisme déchirant dans la plus pathétique des situations, Niccol peine à se mettre au diapason de son personnage. Le talent indiscutable de Yuri ne perce jamais vraiment à l’écran. Peut-être à cause d’un budget trop serré, le film ne représente que partiellement l’envergure mondiale qu’atteint ce trafiquant et se contente du charisme naturel de Nicolas Cage. Du coup, la dimension clinquante, rock’n’roll de cette ascension criminelle n’est qu’à moitié assumée. Une chose est sure : si le spectacle est assez faible, c’est pour mieux dénoncer.
Si Lord of War semble condamné à une sorte de demi-mesure généralisée, c’est aussi et surtout parce qu’il est tiraillé par des envies qui paraissent contradictoires. Cet essai de fiction d’action pamphlétaire est probablement un cas unique dans l’histoire du cinéma. Si l’histoire sert à faire passer la pilule du film à thèse, la mission de Niccol est réussie. Ce qui reste de Lord of War est sans conteste (et heureusement) l’agressive charge politique. Il est toujours bon, en effet, de rappeler certaines vérités que l’on oublie facilement. Tout le monde connaît ou devrait connaître les responsabilités dramatiques des grands pays développés dans le trafic d’arme. Le grand commerce international, officiel, de l’armement draine avec lui un nombre incalculable de transactions illégales.
C’est, en substance, ce que tente de dénoncer le film d’Andrew Niccol, en concentrant essentiellement sa critique sur l’Amérique. Cependant, aussi simple et conventionnelle soit la démonstration, la conclusion fait franchir un pas supplémentaire : en plus de les faire indirectement exister, les gouvernements feraient preuve légalement, selon Niccol, d’une indulgence plus que douteuse, presque protectrice, vis à vis des trafiquants.
Faut-il être difficile pour évaluer avec sévérité un film dont l’honnête réalisation permet une prise de conscience intéressante. Moraliste et utilitaire ? Au fond, pourquoi pas. Linéaire et un peu froid ? Sans doute était-ce nécessaire. Le seul vrai défaut de Lord of War est difficile à définir, à formuler : il tient à son manque de charme. Reste à saluer, à admirer peut-être, le relatif courage qu’il à fallu à Niccol pour aller au bout de son projet. Axel
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