Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Braqueurs amateurs (Fun with Dick and Jane)


USA / 2004

22.02.06
 



CRIMINELS DE GUERRE ECONOMIQUE





"- On l’a joué réglo et on s’est fait entubés."

Fun with Dick and Jane, drôle de titre original qui sonne comme une promesse, un programme qui, même s'il fait preuve d'une plaisante humilité (ce n’est que du divertissement), n'en est pas moins difficile à tenir. C'est pas mal d'annoncer la couleur, encore faut-il que les deux zigues en question ne soient pas les seuls à s'amuser.
Le titre français, lui, beaucoup moins malin, voire légèrement imbécile, écrase la perspective du film comme une longue focale. Une "traduction" qui, outre son manque d'imagination, met maladroitement le spectateur dans l'expectative des braquages burlesques et désespérés du couple, alors qu'ils ne sont qu'un (réjouissant) épisode de leur progressive naufrage dans les limbes de la société américaine. Cet effritement paniquant du rêve bourgeois, dont les objectifs et idéaux sont démontés un par un, aurait pu faire un drame ou un mélo décent quoique convenu. Carrey, producteur, et son réalisateur Dean Parisot ont la bonne inspiration, la politesse, la nécessité surtout de nous gratifier d'une bonne humeur constante, malgré leur évidente consternation face à la situation sociologique.
Autant le dire tout de suite et très simplement, Fun with Dick and Jane est très drôle. Jim Carrey, avec un visage moins disjoncté qu'à son habitude (pour ceux que ça agace) est au maximum de son extravagant génie (les mots sont pesés). Comme dans ses meilleures comédies, c'est le corps tout entier du pantin démanché qui est sollicité. Ses membres ballants, sa face pourtant neutre, sa dégaine de branque sont toujours accélérateurs de comédie. Il fait de son anatomie le lieu principal de toute situation et de tout gag. Fait exceptionnel, l'éternel soliste est flanqué d'une excellent Tea Leoni qui redonne ses lettres de noblesse au très galvaudé principe de complicité. Il est toujours agréable, en effet, de constater un échange d'improvisation lorsqu'il est manifestement spontané et réussi.
D'un point de vue politique, l'histoire de cet homme fusible, sacrifié parmi les sacrifiés, se faisant justice par lui-même a une valeur symbolique contestable. Il va de soi que l'individu n'a pas les moyens de combattre seul la machine monstrueuse du système, comme Dick le fait. C'est une facilité qui plombe un peu la fin du film. Mais qu’importe, ce qui devait être dit est dit et l’attaque sociale est en règle. Avec Alec Baldwin à la chasse, on a même droit à une excellente parodie du fameux "and now look at my swing!" de W. Bush (le président au golf, vu dans Fahrenheit 9/11). Politique toujours, le tout début du film, qui, même s'il est encore loin de l'étrangeté d'un History of Violence (de Cronenberg), donne efficacement dans la mise en abîme de la normalité américaine. La petite famille dotée d'un gamin parfait, d'un chien adorable, d'un gazon impeccable, schématisée dès le premier plan du film, n'attend plus qu'une chose : le grain de sable.
Pour toutes ces raisons et quelques autres et malgré une conclusion un peu poisseuse, Fun with... intègre le club très fermé des spectacles drôles et dignes.
 
Axel

 
 
 
 

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