Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Oublier Cheyenne


France / 2004

22.03.06
 








IL ETAIT UNE FOI

"Tu veux être comme tout le monde. Mais 'tout le monde', ça n'a jamais existé."

Nouvelle précarité, amours, combats humains : Oublier Cheyenne remplit toutes ses promesses en nous offrant une fresque grand public, définitivement universelle et contemporaine dont l'homosexualité constitue une dynamique parmi tant d'autres. Un premier long métrage qui en dit long sur notre beau monde, finement élancé par cette thématique de l'engagement, qu'il soit amoureux, politique ou social, respire la gravité ou la drôlerie. Un étonnant manifeste qui, usant de quelques procédés expérimentaux, ouvrira explicitement le dialogue avec nous, spectateurs. Monologues de front avec sa camera, dialogues virtuels, situations spectrales, mise en suspend des dimensions espace/temps, huis clos sartriens, appels à l'imaginaire, au fantastique, volubilité sensorielle : Valérie Minetto nous prendra ci et là à témoin pour avancer en toute légèreté dans cette histoire de combats pourtant bel et bien passionnés offrant un éventail de regards, tant féminins que masculins, tantôt vaporeux, tantôt cristallisés sur notre temps, sur la décroissance, sur l'amour, homo comme hétéro, et sur cette récurrente question, toutefois ici loin d'être banalisé, de l'affirmation de soi. Perdition, désincarnation, prises de pouvoir, illusions, force de convictions, désirs, fantasmes : même le cliché sera ici productif, véritable cartographie de l'aveuglement de nos personnages. On regrettera toutefois certaines poussées destructrices troquant la descente aux enfers de Cheyenne en une apparente et irrémédiable chute dans la folie.

Une autopsie de la souffrance catalysée par de préalables dissections en territoires amoureux comme politiques. Comment vivre ensemble dans un monde dominé par l'inégalité et la cruauté ? (" Le gouvernement nous pisse dessus. Les médias nous disent qu'il pleut.") Comment ne pas se corrompre ? Comment se libérer des schémas victimes/bourreaux ? Composer avec l'imposture ? ("Vous pouvez toujours aller manifester. Ca vous fera de bons souvenirs.") Comment se battre à mince échelle et déjouer la propagande facile ? Oublier Cheyenne explore chacune des failles et forces de l'engagement, jouant – on l'aura compris – sur ces éternels thèmes du retour aux sources et du combat entre nature et culture : beau, d'un point de vue humain comme esthétique, bien que non exempt de quelques virages manichéens, le film se nourrira de ses propres formes et rebonds, imbriquant subtilement les intrigues, les idéologies, points de vue et genres, multipliant les langages cinématographiques et déjouant ainsi tous les pièges d'un discours dit communautariste, quel qu'il soit. Rien de plus que ce vieux principe qui consiste à toucher le fond pour mieux s'élancer à la remontée, de la passion dévastatrice, à la précarité, en passant par le repli sur soi, les paradoxes de chacun et la marginalité, quelle soit volontaire comme subie. Cela va de soi : l'aquarelle nous happe et nous convainc d'autant plus qu'elle est dessinée au féminin ; ce, bien au-delà de l'amour lesbien. Oubliez Cheyenne ne lésine pas en terme de jeux sur l'inconscient collectif ; le tout, avec une notable performance : le film ne tombera jamais dans un discours vainement féministe. Transmission, éveil au monde et surtout éveil à la réalité, aussi noire puisse-t-elle se révéler : dominée par un vivier de forces positives, cette histoire d'engrenages croisés n'aura d'égal que de riches aubaines à marier poésie, réalisme, émotions aux tripes et pics satiriques. Leçon de jolis chaos… Valérie Minetto poussera ci et là ironiquement le vice, toujours au moments où l'on ne s'y attend pas ; avec tendresse, avec drôlerie. Du jusqu'au-boutisme sans caricature. Il sera ici simplement question de relation à soi, aux autres, de choix, de foi et volonté d'authenticité, y compris dans l'excès. De tout ce qui fait avancer. De ce principe vital qu'est de maîtriser sa propre vie. Complexe ? Forcément ; à l'image des êtres et de l'existence… Ainsi, tant ponctué de légèreté, grâce et promesses. Exquises traverses.
 
Sabrina

 
 
 
 

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