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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La doublure
France / 2006
29.03.06
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ALICE, CALICE, DELICE, MALICE...
"- faut pas tomber amoureux. Surtout pas d'un type marié.
- ça risque pas de m'arriver."
Les films de Francis Veber, comme toujours (hormis la trilogie Pierre Richard / Gérard Depardieu) mériteraient une doublure derrière la caméra. Brillant scénariste (pour ne pas dire orfèvre), piètre cinéaste. Pue inspiré même, malgré les clins d'oeil à Blake Edwards. La malédiction frappe à chaque film, avec plus ou moins de ratages. Parfois un génial comédien transcende l'ensemble (Le dîner de cons), parfois un duo plante même une bonne histoire (Le jaguar, Tais-toi).
Avec La doublure, on est plus proche du Placard. Pignon n'est pas un électron libre, marginal, déphasé. Il est un élément anonyme, quelconque, placé dans un microcosme où les règles sont à l'opposé de la simplicité. Le plus gros reproche que l'on pourrait faire à Veber c'est une forme de fumisterie. Passons sur le fait que sa réalisation se soumet au scénario et aux comédiens. Mais qu'il se répète, c'est presque impardonnable. La séquence - par ailleurs avouons-le très drôle - de Jonasz et d'Aumont renvoie à la folie douce de Carmet en vétérinaire (Les Fugitifs). Qu'il succède à L'antidote (comédie libérale foirée), Olé (comédie Elmaleh) ou Fauteuils d'orchestre (comédie bien bourgeoise) en synthétisant ces trois films en un seul montre aussi qu'il est plutôt en retard qu'au dessus de la mêlée. (On pense surtout au bien meilleur Coup de foudre à Notting Hill dans le rapport homme banal / star publique).
Banalisation de l'humour à la Veber? Ce qui sauve l'auteur est que de toutes les récentes comédies de masse (celles pour faire rire le téléspectateur du dimanche soir), La doublure est sans aucun doute la plus réussie : personnages bien sentis, dialogues acides ou répliques brillantes, jusqu'au générique très sixties faisant écho aux comédies de Jean Yanne et de Michel Audiard. Sans oublier les comédiens : casting de luxe, taillé sur mesure.
En fait ce film restera comme le premier film féminin de Veber. Déjà son Pignon n'est plus un lunaire ou un invisible, c'est un homme sensible, humain, un Français d'en bas (qui là encore fantasme et côtoie les dieux de la jet set et de l'élite frenchy, à l'instar des films précédemment cités). Un de ces hommes modernes cherchant leur voie entre masculinité et féminité. Finalement Veber n'a écrit que pour des hommes qui n'étaient pas des machos virils... Mais la petite nouveauté ce sont les femmes. Hormis un second rôle pour Laroque dans Le Placard, ses comédies étaient souvent des "buddy movies", des duos de mâles.
Avec trois rôles féminin, donc le rôle pivot du "truc pas possible", la blonde et sculpturale Alice Taglioni (merveilleuse de dureté et de beauté), il rend justice à son univers. Finis les Pierre Richard se déguisant en femmes pour combler le chaînon manquant d'une famille dans Les Fugitifs. Place aux charmeuses Taglioni, Scott-Thomas et Ledoyen : avec trois femmes de tête libres, épanouies, professionnellement entrepreneuses et indépendantes (autrement dit tenant les cordons de la bourse et tenant les mecs par les bourses), le cinéma de Veber prend une dimension séduisante, mais pas surprenante. Lui qui a toujours défendu les faibles et les benêts (devenant même les maîtres du monde), jusqu'au coming out improbable mais révélateur de Depardieu dans Le Placard, il démontre que le pouvoir a changé de mains et ridiculise les hétéros normés, finalement castrés. Femmes dominatrices et manipulatrices, donc.
La doublure est un film qui tord le cou à la rumeur, qui parle de puissance (et donc d'aliénation), de vérité (et donc de mensonges), de beauté (et en fait de laideur intérieure). Au delà des décors idylliques (genre Chateauvallon et Hélène et les garçons), en grattant un peu le vernis, toutes les classes sociales sont mises à égalité, et les rôles souvent inversés (le médecin est le malade imaginaire, le dirigeant d'entreprise est une girouette soumise...). L'amertume le dispute à la franchise. L'absurde de la situation est caustique mais l'univers de cette élite est tristement pathétique. Les visages ont des têtes de cul quand ils sont décontenancés et on le serait à moins devant l'invraisemblance du contexte. Si le script se soucie peu de la lutte des classes (utopie désormais reléguée aux cimetière des conflits cinématographiques), il multiplie les attaques sur le combat des sexes. Et ceux qui ont une vision rétrograde du rapport homme/femme sont ceux qui finissent seuls. A l'instar de Taglioni qui "trouve irrésistible la façon de patauger" de ses hommes dépassés.
Bien rythmé, souvent burlesque comme il faut, psychologiquement cohérente, cette comédie se gâche un peu en offrant un final en queue de poisson, tellement rapide qu'on se dit qu'il manque un épilogue.
On retiendra quand même le duo Boon / Elmaleh, champ contre champ, et une de ces répliques cultes dont Veber a le secret. "- ne m'dis pas qu'tu t'la fait, ne m'dis pas qu'tu t'la fait, ne m'dis pas qu'tu t'la fait! - Bo bah j'te l'dis pas. - Mais si dis le moi!" vincy
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