Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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V For Vendetta


USA / 2006

19.04.06
 








FARENHEIT 1984

"Et-tu musulman?
- Non, animateur télé"


Les rois de la pirouette interprétative ont encore frappé ! Après une adaptation supposée du best-seller suédois « le Monde de Sophie » - ouvrage de vulgarisation philosophique pour ménagères de moins de 50 ans – en saga cyber-punk, les W Big Brothers prétendent cette fois s’intéresser à la conscience politique de leur public. Vous. Nous. Les acquis à la cause du « on ne sait rien mais on vous dira tout » qui plombent encore leur thèse de fin d’années de pilules roses et bleues, voire d’analyse freudo-nietzienne de la matrice et du lapin blanc, comme si Kubrick, à la fin de « 2001 », hilare dans sa barbe, nous avait montré un fœtus de singe…. On cherchera dès lors ce qui reste du discours radical et engagé de la B.D originale d’Alan Moore. Après tout, nous sommes à Hollywood et, à la réflexion, il y a tout pour se satisfaire de l’audace qui demeure. Même si, une fois encore, les Wachowski ne cessent de tourner et retourner casaque tout au long de leur scénario en jurant sous cape que c’est au spectateur de faire sa propre analyse (car eux n’ont plus, on vous rassure, n’ont à l’évidence pas tout compris à « Matrix »).
Audace déjà de proposer un teenage-movie dont le héros est un terroriste qui, au détour d’un plan, possède le Coran, met des bombes dans le métro de Londres et fait exploser le parlement. Ouarf ! Apportez les selles à Condeleeza Rice et Tony Blair! Audace encore d’anticiper une Amérique tiers-mondiste et une dictature britannique dont les prisons sont à mi-chemin de Guantanamo et de Burkenau, l’anti-chambre d’Auchwitz, où le tristement célèbre Dr Mengele perpétrait ses expérimentations nauséabondes. Audace enfin de ne jamais montrer le visage sous le masque de son super anti-héros, suggérant que « l’idée l’emporte sur la chair et ne peut donc être détruite, bla, bla, bla » mais, et c’est là que le bâs blesse, qu’il peut être l’icône de tout à chacun. D’accord. Encore faudrait-il que le discours soit un peu mieux défini pour s’y complaire. Car « V for Vendetta » est un festival de contradictions. J’ entends déjà hurler les « c’est fait exprès, vieux con ! » et les « la vie est une question de choix ». Merci, merci…Mais cette invitation à « LA personne » à être potentiellement rebelle se concrétise à la fin du film en dévoilant une masse, une néo-populace au visage unique – en l’occurrence le masque de « V » - se ralliant à sa cause comme autant de moutons avec la moustache de Staline en marche pour renverser le Kremlin et se retrouver finalement au goulag. Anti-CPE, vous seriez dès demain des Villepin alors ? Et de mieux appréhender d’un coup le choix de John Hurt, autrefois oppressé dans l’adaptation cinématographique du « 1984 » d’Orwell, dans le rôle du dictateur Sutler…
Est –ce à dire, qu’à l’instar de nombreux pédophiles, la victime deviendra tôt ou tard un bourreau ? Réducteur au regard des victimes d’un Pinochet, d’un Hitler ( que Joel Silver et les Wachowski consultent leur famille, crénom!), voire d’un George Bush…Dès lors, de quel côté se rangent les frangins silencieux ? Car s’il y a thèse et antithèse dans tout travail réthorique, il exclue justement la contradiction. Et ce discours vaseux est la porte ouverte et très certainement involontaire à toutes les solutions, du conservatisme à l’oppression de l’opposant en passant par toutes les (mauvaises) phases de l’Histoire. Paradoxe encore lorsque cette perte de Mémoire apparente est pourtant illustrée dans le film par le soin qu’apporte V à réunir les fruits d’une culture, de toutes les cultures, censurées, dans son antre. A l’image des hommes-livre de « Farenheit 451 » auquel les frères et leur propulsé réalisateur empruntent Sinèad Cusack, cette fois encore pour un personnage passé du mauvais côté de la force, à l’adaptation pour le grand écran qu’en fit François Truffaut en 1966. Semer les cartes, peut-être, encore faut-il en posséder les 32 ou les 54. Et de dangereusement mettre en lumière le fait qu’en réduisant l’œuvre originale de Moore, les Wachowski ont préféré se concentrer sur les cases plutôt qu’aux bulles au point d’en oublier la pertinence, que l’on soit d’accord ou non avec elle. A la lecture du scénario, Moore a déclaré : « C’était totalement imbécile. Il y avait des trous dans l’intrigue qu’on ne tolérerait pas dans certains comics des années 60 ».
On ne propose pas une œuvre d’art. On l’impose à la vue, à l’écoute, à la lecture voire au toucher. Elle offre le flanc d’un créateur qui ne peut se cacher derrière elle dès lors qu’il a l’audace d’être franc. C’est d’ailleurs cette franchise que l’on reprochera aux Wachowski (le travail de leur exécutant est par là-même très académique) qui confondent survol et profondeur. Et l’interprétation analytique s’est toujours faite à l’intérieur d’un cadre rigide, que ce soit en peinture, au cinéma comme dans les pages d’un livre et de leur propos.
Pour l’heure, les frères sont encore dans leur bulle. Ou pire encore, dans leur matrice siamoise.
 
Arnaud

 
 
 
 

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