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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Les chemins de l'Oued
France / 2003
16.04.03
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CAVALE APRÈS LA VIE
" - Nos armes n’ont toujours pas servies.
- Faîtes qu’elles soient muettes !"
Gaël Morel n’a pas seulement été révélé comme acteur par Téchiné, il en a pris le style en tant que réalisateur. Ces Chemins de l’Oued font un vague écho à Loin, où Téchiné filmait Tanger. Là s’arrête la comparaison, et le lien filial.
Pour un second long métrage, Morel fait preuve d’une belle écriture, même si certains messages sont un peu vains en terme de narration et confus dans leur signification. Cela ne manque pas d’intelligence même si le décryptage n’est pas évident. Cette abondance de symboles trouve sa réponse dans la peur de passer à côté d’un point de vue. Le film est sauvé de ce péril grâce aux non-dits et ces conflits avec soi-même, quand Samy se retrouve seul face à son fantôme, hanté par son crime. Là, le cinéma de Gaël Morel s’émancipe, s’aventure. Il devient chaos, il donne et se donne des coups, il se flagelle, se blesse, se meurtrit. Le corps se transforme en objet transitionnel. Malgré un homoérotisme galvaudé et paresseux (jusqu’à la séance de masturbation trop pudique ou trop explicite, selon), Morel frappe juste avec ces démons intérieurs qui ne laisse pas en paix son personnage. Derrière le simple phantasme très en vogue dans les magazines à la mode (le beur de banlieue est le comble du choc sexuel pour les " cultureux " misérables), Nicolas Cazale, avec ses beaux airs d’Olivier Martinez, convainc sans forcer dans ce rôle de coupable cherchant le silence et la paix dans cette atmosphère mortifère.
Les autres acteurs ne sont pas à oublier. Mais ils subissent aussi le principal défaut du film, le déséquilibre entre deux chemins : un portrait de l’Algérie et un voyage intérieur (pour ne pas dire initiatique). Quelle voie choisir ? Le cinéaste ne répond jamais vraiment, superposant plus que fusionnant ses thèmes. Si bien que l’histoire s’égare parfois dans des impasses. La notion de crime, le socle de tout le scénario, est à peine évoquée, puisqu’on lui préfère la culpabilité. La quête des racines se transforme en crise de paranoïa. La noirceur du destin de Samy achève de nous laisser sans réponses sur ce pays. Qui ou que doit-on condamner ? Calquant la découverte de l’Algérie sur la connaissance du beur, étranger en son pays, Gaël Morel, à force de vouloir être objectif et métaphorique, réel et fictif, nous perd. Son pessimisme, cette destruction volontaire est heureusement contrebalancée par la beauté lumineuse d’Amira Casar, hélas trop raisonnable pour apporter à ce film âpre la sensualité nécessaire pour nous faire oublier la tragédie finale.
Cette cavale après la mort révèle un jeune homme doué mais mal dans sa peau, naïf mais craintif, sexué mais vierge. On garde alors l’image de Gaël Morel dans Les Roseaux sauvages. L’Algérie, elle aussi, plie, mais ne rompt pas. Les femmes, les enfants et les vieillards sont encore debout. vincy
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