Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Superman returns


USA / 2006

12.05.2006
 








LES HEROS SONT FATIGUES

"Trois choses font vendre : la tragédie, le sexe, Superman."

Ah, la combinaison bleue et la cape rouge planquées sous le costume étriqué de Clark Kent, les méfaits terribles de la kryptonite, l'indifférence distraite de Lois Lane, le poids de cette encombrante double personnalité� Pas de doute, on retrouve Superman tel qu'on le connaissait. Et l'Homme d'acier est toujours décidé à faire le bien de l'Humanité malgré elle, quoi qu'il lui en coûte.

Bryan Singer, pourtant, apporte une dimension personnelle à cet énième volet des aventures du Superhéros. En s'inscrivant dans la lignée des précédents films, déjà, reprenant l'histoire où elle s'était arrêtée plutôt que de revenir une nouvelle fois aux origines du mythe. Ensuite, en faisant la part belle aux scènes plus intimistes, à la nostalgie, et même à l'humour. Il flotte dans ce Superman returns un air de distanciation songeuse, de second degré qui allège considérablement la tonne de bons sentiments un peu simplistes véhiculée d'ordinaire par le personnage. Les valeurs originelles sont toujours là (le Bien, la Justice, la Pureté) mais les multiples clins d'�il au spectateur (notamment lorsque Superman encaisse tout un tas de balles tirées à bout portant sans se départir de son petit sourire ironique) viennent sans cesse rappeler que tout cela est avant tout pour rire.

Curieusement, le thème central, celui de la transmission, se veut lui plus sérieux. Transmission père-fils, symbolisée par les diverses réminiscences de Jor-El, mais aussi d'une culture à une autre, grâce aux technologies extra-terrestres offertes aux humains. Plus que jamais, Superman sert de lien. C'est à travers lui que la sagesse du passé doit venir s'incarner sur Terre. Mais il pousse également à s'interroger : que fait-on de ce qui nous a été transmis ? Comment l'utilise-t-on ? Comment le transmet-on à notre tour ? La tendance évidente cette année dans le cinéma populaire américain voudra que les grands mythes de notre civilisation soient descendus de leur piédestal ou de leur croix pour rejoindre le commun des mortels (sexués) et se couler dans la condition humaine. Un peu comme si le public ne pouvait plus aujourd�hui s�identifier en un absolu inaccessible. Une saine évolution de mentalité qui s�oppose providentiellement aux récentes doctrines réactionnaires engendrées par les néo-chrétiens.

Exploits hors-champ

C'est que l'on voit ici un Superman non pas seulement préoccupé de sauver ponctuellement des vies, mais engagé dans un processus à plus long terme : accompagner les humains jusqu'au moment où ils seront capables de voler de leurs propres ailes et de faire bon usage des connaissances mises à leur disposition. Plus que jamais, la figure paternelle, quasi christique, transparaît sous son célèbre costume. Mais à Métropolis comme ailleurs, il est temps de tuer le père. Les humains, décontenancés par sa disparition, prétendent brûler ce qu'ils ont adoré. "Pourquoi le monde n'a plus besoin de Superman", écrit Lois Lane. L'humanité doit désormais se prendre en mains et renoncer à se laisser assister. Abandonnée par son sauveur, elle doit affronter seule ses démons. La tentation est grande d'interpréter cette situation à l'aune du 11 septembre 2001, tandis que la plus grande puissance mondiale se retrouve ébranlée et peine à rétablir "son" ordre mondial. Superman, étendard populaire et naïf de l�invincibilité étoilée du début du XXe siècle, ne peut raisonnablement plus masquer ses failles dans une société qui doute aujourd�hui du bien fondé de son propre interventionnisme. Les héros, naguère adulés, ont froid aux oreilles, même dans les déserts du Moyen-Orient et le patriotisme rutilant suscite quelques doutes dans les foyers.

Toutefois, malgré ses efforts progressistes, Byan Singer échoue à ouvrir une nouvelle ère dans l'épopée de Superman. Car son absence, finalement, n'a rien changé : il y a des méchants, il faut les arrêter, des gens en danger, il faut les secourir. Alors Superman sauve toujours le monde, à la différence près qu'il le fait désormais presque en coulisses. Le réalisateur ne met en effet pas vraiment les scènes d'action au centre du film. Oh il y en a, bien sûr, mais qui semblent plus des passages obligés que de véritables morceaux de bravoure. Dès qu'il le peut, Bryan Singer relègue hors-champ les exploits du héros (notamment lors du deuxième sauvetage de Lois) ou les tourne en ridicule (lorsqu'il amène Kitty Kowalski à l'hôpital). Même les scènes à grand spectacle, hormi les séquences de vol époustouflantes, ne sont finalement pas légion.

Intrigue mal exploitée, rythme souffreteux

Cela tient sans doute au manque de consistance de l'intrigue, réellement réduite à la portion congrue. L'argument, pourtant, aurait pu donner lieu à de multiples rebondissements : Lex Luthor entreprend de créer un nouveau continent dont il sera l'unique agent immobilier, tuant au passage quelques milliards de personnes. Au lieu de cela, Singer expédie cet aspect de l'intrigue, et notamment le dénouement, en quelques scènes globalement peu percutantes, et sans même ménager de réel face à face entre les deux ennemis jurés. Inversement, il épilogue pendant des heures sur les relations entre Lois et Superman, comme si seul cet à-côté de l'intrigue (la vie privée du héros) avait de l'importance à ses yeux, et oublie finalement de délivrer la part de rêve propre à sublimer son spectacle. Le tout people ne serait donc pas l�ingrédient miraculeux pour réintégrer les justiciers dans la vie civile ; indéniablement le cinéaste s�est un peu emmêlé dans son dosage.

Comme toujours avec Singer, c'est avant tout sa vision de l'histoire qu'il met en scène qui transparaît. On aime cette force qu'il a de mettre de lui-même dans les scénarios les plus universels, de systématiquement faire une place à l'intime et aux émotions là où d'autres enchaînent les scènes d'action en négligeant tout développement intelligible. En prenant l'exact contrepied, il prouve sa valeur d�auteur, mais prend le risque de frustrer les plus grands fans du héros. Car malheureusement, ce choix de surprendre -­ oublié le glamour kitsch de la version fin 70�s - se fait cette fois-ci au détriment du film. Déception face à une intrigue mal exploitée, un rythme souffreteux, des exploits faciles. Sauver le monde, même pour l'Homme d'acier, ce n'est pas toujours une partie de plaisir.
 
MpM et PETSSSsss-

 
 
 
 

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