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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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U
France / 2006
11.10.2006
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DE DEUX CHOSES L’U
« - On est toutes la princesse de quelqu’un. »
La première chose qui frappe en découvrant U, c'est son rendu très stylisé. L'animation est jolie, et s'affirme clairement comme l'une des forces de ce métrage. En refusant la facilité du numérique, le film nous offre un festival de couleurs pastel qui vient baigner son récit dans une atmosphère onirique, en adéquation avec les personnages féeriques de la licorne et de la princesse, et en opposition au côté grisâtre et renfermé du monde des parents. Sales rats acariâtres xénophobes râleurs. Quelque part entre rêve de la Vie Bohème et cauchemar des Thénardier.
La licorne peut-être vue comme une métaphore à l'expression du mal être adolescent de la princesse. Compagne fidèle de sa solitude endeuillée. L'amour viendra tout brouiller... Naïve love story ? But « we love U ». Toute cette tristesse mélancolique qui découle, qui se déverse, qui déferle sur ce dessin coloré, où les effets de lumières sublimes nous captivent les yeux, clairs. Dans les tableaux qu'il compose, le réalisateur traite la joie au même titre que la tristesse, et parvient à livrer à son spectateur une représentation franche de la vie réelle, à l'intérieur d'un monde imaginaire. Et si nous sommes perturbés par cette histoire aux enjeux assez faibles, par l'absence de dramatisation vers une tension attendue, c'est simplement la traduction de l'évanescence de cette princesse. L'histoire, dans sa narration, colle parfaitement à la psychologie des personnages : légère et superficielle, insouciante et fataliste. Comme l'écume des jours vient saler leur existence, évoque la renaissance. Les séquences s'enchaînent, avec plus ou moins de bonheur et d'intérêt, nous laissent en flottement. Parfois le film nous évade ou on se laisse emporter.
Les adultes ne resteront pas au bord du rivage ; le film comporte un second niveau de lecture avec quelques clins d'oeils discrets (les friandises de Mama très rabelaisiennes). Les voix « art & essai » indiquent les références cinématographiques. Parfaitement idoines, les Laffont et Le Besco dialoguent avec leurs Maîtres (de Jacquot à Rivette). Le film s‚ouvre sur une parodie du Mépris. « Et mes jambes... » Mais on est plus proche de Rohmer quant à l'humour et la futilité essentielle : « - J'adore les blondes malgré leurs défauts
- Mais qu'est ce que tu racontes, les blondes n'ont pas de défauts. »
La licorne « féé » des vagues, et l'aborde façon Nouvelle (Vague). « U comme unique ». Avec un son loin des sirops américains. On est plus proche de La Prophétie des Grenouilles ou d'un Kirikou : un dessin animé doté d'un univers folklorique qui lui est propre.
Certaines situations trop anecdotiques, quelques dialogues qui n'apportent rien au récit, des relations parfois alambiquées ou trop esquissées en font un film d'auteur impressionniste inattendu mais pas forcément réussit en tous points. De l'absurde («- Comment tu t'appelles ? - U - Ah ? - Non U ! ») à la sitcom style AB (« Plus les filles sont petites plus elles commandent »), U s'inscrit dans un registre enfantin et zaziesque (mais pas dans le métro), où les Licornes n'ont pas d'odeur (et l'argent non plus puisqu'il n'existe pas). Ici les oiseaux sont cons et ne chantent pas. Et les « jolies filles aiment toujours les hommes laids ».
En se laissant voguer et en profitant pleinement de ce conte étrange et beau, le spectateur se laissera happer sans résistance. Fin et subtil, ses expressions et son style, sa justesse humaine et son utopie en font l'archétype parfait du film d'animation qui ne prend pas les enfants pour des idiots et les cinéphiles pour des gogos.
Gentils coquelicots mesdames... ninteen & V.
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